Au-delà de la polémique sur les 2,5 milliards, la crise de la RN3 s’est aussi traduite par une cacophonie communicationnelle au sein de l’équipe qui se solde par une scandaleuse contradiction entre la ministre des Infrastructures et de l’Équipement et le Premier ministre, chef du gouvernement, au sujet du financement de la route nationale N°3. À moins qu’il ne s’agisse d’un recadrage par voie de presse pour bavure verbale émanant du Chef du gouvernement lui-même qui ne saurait être rien d’autre pour Mme Traoré Seynabou Diop qu’un cinglant désaveu un membre du gouvernement dont elle devrait au plus vite tirer les conséquences… avant d’être sacrifiée sur l’autel de la grogne montante contre l’état des routes.
Prise de panique, révoltée et excédée par les accusations de manipulations et de faux engagements au sujet de la réhabilitation de la RN3 proférées par le Collectif Sirako de Kati et le Front d’Action pour la région de Kayes (FARK) qui ont officiellement demandé sa démission, la ministre des Infrastructures et de l’équipement, Traoré Seynabou Diop, pour se défendre dans un communiqué diffusé, ce dimanche, avait soutenu qu’elle constate : « des manipulations et la divulgation d’informations mensongères de nature à envenimer la situation. Tout en respectant le droit des usagers à s’exprimer librement, nous invitons les usagers et internautes à la vigilance.
Contrairement à certaines allégations…
Une étude pour la réhabilitation totale de la route Kati-Kolokani-Didieni-Diema-Kayes-Diboli a été réalisée. Le coût total pour la réalisation des travaux était évalué à plus de 350 milliards. Faute de moyens financiers pour prendre en charge le coût, l’option d’une réhabilitation progressive a été souhaitée. C’est dans ce cadre que la réhabilitation du tronçon Kati-Kolokani-Didieni a été envisagée pour un montant de 78 milliards.
Les travaux de la route Kati-Didieni ont été suspendus pour des raisons financières. Suite à des tensions de trésorerie, l’entreprise n’a pas perçu la totalité de l’avance de démarrage qui devait lui permettre de continuer les travaux ».
S’agit-il pour Traoré Seynabou Diop livrée à la vindicte populaire, esseulée sans bénéficier d’aucun soutien politique, associatif et aucune solidarité gouvernementale, d’une élégante façon de se dédouaner, de se démarquer et de renvoyer la patate chaude dans le camp du Premier ministre, ministre des finances ? En d’autres termes : ce n’est pas ma faute. Comme le dit un adage, à l’impossible nul n’est tenu. Je suis chargée de faire des routes, mais si je n’ai n’a pas d’argent, comment je vais faire ? Au lieu de s’en prendre à moi, demander au Premier ministre qui est le ministre des ministres. Peut-on avoir comme lecture logique.
Le désaveu
Prompt à réagir, le Dr Boubou Cissé désavoue sa ministre. Dans le compte-rendu d’audience qu’il a accordée, ce lundi à la Primature aux acteurs de la fronde contre l’état calamiteux des routes, à savoir le Collectif Sirako de Kati et le Front d’Action pour la Région de Kayes (FARK), le Premier ministre, Chef du gouvernement s’inscrit en faux et archi-faux contre cette déclaration de sa ministre des Infrastructures et de l’équipement. Au sujet du financement de la route, il désavoue vertement Traoré Seynabou Diop en prenant carrément le contre-pied de sa déclaration en disant ceci : « En ce qui concerne le début des travaux de la route Kati-Didiéni, ce n’est pas un problème d’argent qui bloque le début des travaux. Le Premier ministre recevra les représentants de la société SATOM demain mardi (hier) afin de faire le point sur l’exécution des travaux toute chose qui lui permettra d’évaluer le début effectif des travaux ainsi que les mesures d’urgence à prendre. Aucune date de début des travaux ne peut être annoncée avant cette rencontre.
Un montant de 15 milliards de FCFA a déjà été engagé en plus des montants pour l’avance de démarrage. Le financement est inscrit dans le budget d’État sur trois ans dont le financement est aussi acquis. Si ce n’est qu’une question d’argent, les travaux commenceront.
Le financement est également acquis pour la route Kwala-Nara, à travers un financement extérieur. Le processus est en cours : ratification de l’accord de financement par l’Assemblée nationale, choix du prestataire pour exécuter les travaux. Tout cela ne pourra se faire avant le début de l’année prochaine courant premier trimestre. »
En d’autres termes, contrairement aux allégations de Traoré Seynabou Diop, l’État ne connaît aucune tension de trésorerie, l’entreprise a bel et bien reçu l’avance de démarrage pour les travaux de la RN3. Donc, « ce n’est pas un problème d’argent qui bloque le début des travaux ».
Gageons que la réunion de ce mardi entre les ministres et entreprises concernés par les travaux de la RN3 ait tiré cette affaire au clair. En attendant, en voilà une affligeante contradiction qui met à mal la cohésion au sein de l’équipe gouvernementale (chacun communiquant dans son coin) que la ministre des Infrastructures et de l’équipement pourrait payer au cash. La réplique lui étant interdite suivant la formule : un ministre se soumet ou se démet.
Affaire à suivre
Sikou BAH