Le groupe djihadiste Boko Haram a multiplié les attaques pendant le week-end de Pâques contre Maiduguri, grande ville dans le nord-est du Nigeria, refuge de centaines de milliers de déplacés du conflit et rare îlot sécurisé dans l’État du Borno.
Au total, au moins une vingtaine de personnes ont été tuées et 84 blessées, selon les services de secours et des habitants.
Vendredi, quatre jeunes filles kamikazes, aux âges estimés de 13 à 18 ans, ont attaqué le camp de déplacés de Zawuya, aux environs de Maiduguri, tuant deux personnes.
Puis, dimanche soir, les combattants ont tenté une incursion dans la ville même, réussissant à traverser les murs d’enceinte en sable et les fossés qui entourent cette grande cité de près de trois millions d’habitants.
Les services de secours, qui ont rapporté l’incident, ont dénombré au moins 20 morts et 84 blessés.
«Le nombre de morts s’élève désormais à 20», note Bello Dambatto, responsable de l’évacuation pour la SEMA, l’agence locale de gestion des urgences.
Ses agents ont évacué 18 cadavres lundi matin dans les quartiers périphériques de Bale Shuwa et Bale Kura, «et deux autres personnes ont succombé à leurs blessures à l’hôpital», a-t-il précisé.
«Nous ne sommes pas certains que les 82 autres blessés s’en sortent», explique à l’AFP M. Dambatto. «Certains sont dans un état très critique et vont avoir besoin d’opérations lourdes».
«Les personnes ont été tuées alors qu’elles essayaient de fuir les tirs entre les insurgés et les militaires», a-t-il précisé. «La plupart des blessés ont reçu des balles».
Les combattants ont attaqué une base militaire à l’entrée de la ville, en utilisant des kamikazes, mais aussi des armes à feu et des bombes, a expliqué de son côté un officier supérieur de l’armée nigériane sous couvert d’anonymat.
«Dix-huit (combattants) sont arrivés à pied pour attaquer la base, pendant que sept kamikazes ont visé les civils à Bale Shuwar et Alikaranti», a-t-il ajouté.
«Les “terroristes” ont tiré au mortier sur les troupes», a indiqué cette source.
«Pendant plus d’une heure, on a entendu de grandes explosions et des tirs partout dans la ville la nuit dernière», a témoigné Ibrahim Gremah, un habitant de Maiduguri.
Les Nations unies ont «fermement condamné les attaques meurtrières conjointes» et annoncé, selon des sources locales, un bilan de 34 morts et 90 blessés.
La dernière grande tentative d’incursion dans la capitale de l’État du Borno, berceau de cette secte islamiste radicale transformée en mouvement jihadiste, date du week-end de Noël.
L’utilisation de kamikazes, notamment de jeunes filles pour commettre des attentats-suicides, est la marque de la faction de Boko Haram dirigée par Abubakar Shekau.
Négociations et divisions
La semaine dernière, les autorités nigérianes ont révélé être en négociations avec le groupe adverse, dirigé par Abou Mossab Al Barnaoui, qui a enlevé puis relâché une centaine de lycéennes à Dapchi, dans l’État voisin de Yobe.
«Le gouvernement est plus que jamais prêt à accepter le dépôt inconditionnel des armes par tout membre du groupe Boko Haram qui ferait preuve d’une ferme détermination», a déclaré le président Muhammadu Buhari après avoir rencontré les écolières libérées.
Cette annonce est une lueur d’espoir après près de 10 ans de conflit, mais elle a mis au jour les fortes divisions au sein du groupe.
En effet, «des pourparlers ont eu lieu entre le gouvernement et les insurgés de la faction Al Barnaoui», a déclaré une source proche des négociations sous couvert d’anonymat. «Le principal casse-tête est maintenant d’étendre les discussions à la faction Shekau, qui est opposée aux négociations».
Cette attaque de grande envergure contre Maiduguri est une manière pour Shekau de montrer la force de frappe de sa faction.
En août 2016, le groupe État islamique, auquel Boko Haram avait prêté allégeance, avait désigné Al Barnaoui comme chef du mouvement djihadiste et représentant du califat en Afrique de l’Ouest.
Al Barnaoui, fils du fondateur de Boko Haram, a souvent reproché à Shekau ses dérives autoritaires ainsi que de tuer des civils musulmans et d’utiliser des jeunes filles comme bombes humaines.
Les autorités nigérianes et l’armée ne cessent de répéter que Boko Haram est «techniquement vaincu», mais la multiplication des attaques de grande envergure (kidnapping de masse, attaque sur les bases militaires…) met en lumière la situation sécuritaire déplorable dans le nord-est du Nigeria.
Le conflit entre le groupe et l’armée a fait plus de 20 000 morts depuis 2009, et 1,6 million de personnes, dont plus de la moitié vivent à Maiduguri dans des camps ou chez l’habitant, ne peuvent toujours pas regagner leur foyer.
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