Après la France et les soldats de l’opération « Barkhane », c’est au tour de la Minusma et de ses casques bleus de se voir sommés de quitter le Mali par les autorités de transition. Vendredi 16 juin, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a demandé, au nom de son gouvernement, « le retrait sans délai de la Minusma ».
Si l’exigence de Bamako devrait mettre un certain temps à être exécutée, ne serait-ce que pour des questions logistiques, la porte est désormais ouverte pour un départ des quelque 15 000 soldats, policiers et personnels civils de l’ONU déployés au Mali depuis 2013.
Le timing de cette demande expresse n’a pas non plus étonné les observateurs avertis, puisqu’il fallait, pour les autorités de la Transition, être opportunément en cheville avec les souverainistes et autres ultras du régime avant le passage à la phase cruciale des votes. Maintenant que la voie officielle du Mali exige le retrait de ces troupes onusiennes, il n’y a plus, en principe, de raison qu’Antonio Guterres les y maintienne, malgré les risques évidents de massacres à huis clos de populations civiles que ces Casques et bérets bleus étaient censés protéger.
C’est vrai que rien n’indique que le Mali va littéralement s’effondrer pour autant, mais avec la suppression des emplois que la Minusma avait créés et le rôle ingrat de fusible ou de bouc-émissaire qu’elle a toujours joué pour les autorités de Bamako, il y a des risques élevés d’embrasement au Centre et d’incendie au Nord, avec de probables opérations aéroterrestres des forces armées maliennes contre les groupes armés touarègues pour récupérer la ville de Kidal.
Si on ajoute à ce départ en catimini et plein de dangers des forces onusiennes du Mali, les tensions post- référendaires qui se profilent déjà à l’horizon, on peut dire, sans sourciller, que les enjeux de ces différentes opérations de charme sont énormes, mais les risques de déflagration aussi, surtout qu’il s’agit d’un pays hautement inflammable depuis que les dieux de la haine et de la division y ont installé leurs propres autels en 2012, et même bien avant.
Antonio Guterres souhaitait de son côté déployer les équipes et les « Casques bleus » là où le besoin se fait le plus sentir. Ainsi, des troupes pourraient être retirées dans des endroits comme la région de Kidal. Mais pour ce que l’on sait déjà, des voix se sont élevées, à plusieurs reprises, pour réclamer le départ pur et simple de ces troupes onusiennes, le tout dans un concert assourdissant de manifestations violentes qui se sont parfois soldées par des pertes en vies humaines. Pour les croquants, il s’agissait de remettre en cause, la poursuite d’une opération onusienne de maintien de paix qui n’a jamais permis ni de stabiliser la zone où sont déployées les « Casques bleus », ni de protéger les civils.
Car, après tout, un retrait pur et simple de la MINUSMA ne serait pas sans conséquences. On sait, par exemple, que dans les zones où ils sont déployés, ces « Casques bleus » sécurisent l’acheminement de l’aide humanitaire. Ce n’est pas rien. Le plus important est que ces recommandations épousent les intérêts du peuple malien.
Pour des analystes politiques, le fait que le gouvernement du Mali réclame le départ de la Minusma n’est pas surprenant en soi, mais la vigueur de cette demande et son caractère sans délai dénotent une hostilité des autorités de transition, qui peut être mise en relation avec la publication du rapport sur Moura [dans lequel l’ONU accuse l’armée malienne et « des personnels militaires étrangers », identifiés par des témoins et des ONG comme étant des mercenaires du groupe russe Wagner, d’avoir exécuté au moins 500 personnes en mars 2022].
Il faut noter cependant que les civils seront plus exposés, moins protégés dans les zones de guerre, soutiennent-ils. Car, économiquement, comme pour « Barkhane », ce départ aggravera la situation des populations dans le nord qui pouvaient dépendre de ses projets. Mais sur le plan général diplomatique, pas de conséquence majeure, car le climat géopolitique actuel laisse au gouvernement malien d’importantes marges de manœuvre.
Source : Le Point