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Fête de Ramadan : Place, les bœufs du Tônô arrivent !

A la veille de la fête de Ramadan, on assiste à un achat massif de bœufs, notamment par des groupes de personnes. Ces personnes le plus souvent partagent des liens de travail, d’amitié ou de parenté. Le principe est que les travailleurs d’une même structure cotisent et payent des bœufs, lesquels sont abattus à la veille de la fête. C’est une forme d’entraide dont la finalité est de payer une ou plusieurs bêtes afin de partager la viande.

A quelques jours de la fête de l’Aïd-el-fitr, c’est l’effervescence dans la ville de Bamako. Elle est ressentie dans les ateliers de couture, les salons de coiffure, au marché et auprès des vendeurs de bétail. Pour les chefs de famille, la fête de l’Aïd-el-fitr est synonyme de stress supplémentaire.

Deux dépenses incontournables se pointent auxquelles très peu d’entre eux échapperont. Il s’agit de l’achat des habits pour les enfants et l’acquisition de la viande de bœuf pour le repas de fête. A la différence du sacrifice du mouton recommandé lors de la Tabaski, l’acquisition de viande pour la fête d’Aïd-el-fitr ne fait pourtant l’objet d’aucune prescription. Mais au fil des ans, elle s’est installée en tradition dans notre pays. Pour atténuer la sortie de fonds qu’elle occasionne, les chefs de famille ont désormais pris l’habitude de s’organiser en groupes. Les amis, les colocataires ou encore les collègues de travail se retrouvent ensemble pour se partager les frais d’acquisition des bêtes.

“Elle est communément appelée en bambara Tôn-tôn, pour dire ce qui est partagé. C’est une sorte de tontine, mais personne ne prend. Elle est gardée avec quelqu’un jusqu’à la veille de la fête de l’Aïd-el-fitr où on montre ce qu’on a pu cotiser au chef qui nous fait un geste. Et là, deux ou trois personnes sont choisies pour sillonner les marchés à bétail afin de s’approvisionner”, explique Zana Koné, employé dans une entreprise privée. Il ajoute qu’après le partage de la chaire, ils font un tirage au sort pour donner la tête et les pates au gagnant.

”Tôn-tôn a toujours été notre culture. C’est comme demander à un poisson comment il est venu dans l’eau que d’expliquer son origine. Les gens ont tendance à mal prononcer le mot en disant Tôn-tôn, sinon ça se prononce Tônô qui signifie étymologiquement bénéfice.

Et en réalité ça bénéficie à tout le monde. Manger de la viande (bœuf, mouton) quotidiennement n’était pas dans nos habitudes. C’était seulement à l’occasion des fêtes. Par exemple, les jeunes, après la récolte, faisaient la fête en égorgeant un bouc. Au cours des fêtes païennes on versait du sang et tout le monde mangeait de la viande. Donc, à l’occasion des fêtes religieuses, le village décidait de tuer cinq bœufs et on repartissait la viande en tas. Après, le tas est acheté selon les possibilités, à condition que personne ne soit lésé. Ce sera l’occasion pour tout le monde de manger de la viande, d’où le mot Tônô (bénéfice)”, retrace le vieux Diabaté, un homme de caste.

Un imam explique : “Pendant les fêtes religieuses, notamment le ramadan, comme le prix de la viande est devenu cher, on peut s’associer et avoir de la viande en faisant le Tônô. Et d’ailleurs, même dans l’islam c’est permis. Je me rappelle qu’il y a eu un moment de grande sécheresse au cours de laquelle la Tunisie a perdu la plupart de son cheptel. A l’approche d’une fête de Tabaski, le Président Bourguiba a décrété que personne ne tuera de mouton à sa charge et que l’Etat donne un mouton par rue, pour les riches comme pour les pauvres, c’était à partager.  Ce qui est d’ailleurs légal car au cas où le cheptel ne va pas suffire à tout le monde, l’Etat peut faire des donations par quartier.

Le problème est que les gens interprètent mal l’islam. Certains vont jusqu’à s’endetter pour avoir leurs frais de dépenses à l’approche de la fête, alors qu’on doit toujours utiliser les moyens de bord. Donc le Tônô permet une égalité ou du moins une égalisation des chances. En clair, c’est une façon de réguler la société”, éclaire l’imam, sexagénaire.

Pour terminer, nos interlocuteurs indiquent que la cotisation commence au mois qui suit le ramadan. Pour certains, c’est 2 000 à 2 500 Fcfa par mois. En un mot comme en mille, le Tônô est bénéfique à tout le monde. Alors, bon partage de viande et bonne fête à tous !

Marie DEMBELE

Source: Aujourd’hui-Mali

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