Le 20 janvier 1961, devant le corps diplomatique convoqué à l’occasion, Modibo Kéita annonçait la création de l’armée malienne dont l’acte de naissance avait été signé le 1er octobre 1960, huit jours après la proclamation de l’indépendance du Mali.
Cinquante trois ans après, jour pour jour, je rends ici un hommage déférent à ce grand homme, premier Président de notre nation.
C’est aussi et surtout le lieu, après les péripéties affligeantes de l’histoire immédiate, de réaffirmer notre indéfectible attachement à son héritage, dont l’armée, notre outil de défense nationale forgée dans le volontarisme visionnaire du grand Mali d’antan, constitue une composante essentielle.
Aujourd’hui, l’esprit de ce Mali doit nous revisiter.
Ce Mali, dont la fierté et le culte du résultat sont essentiels au projet de présence sur lequel nous sommes tous d’accord et qui m’a valu votre confiance.
Frères et sœurs, nous avons vécu les douloureux événements de notre septentrion, nos villes tombant les unes après les autres.
Armée déliquescente ; moyens vétustes et insuffisants ; formations lacunaires ; interférences néfastes dans la chaîne de commandement ; corruption ; patriotisme vacillant ; replis tactiques sur replis tactiques ; revers humiliants ; pays occupé aux deux tiers ; tribunaux des envahisseurs pour amputer, lapider, flageller ; exils massifs de nos compatriotes qui n’acceptaient pas les traitements infra-humains.
Un bilan désastreux.
L’honneur du Mali aux enchères pendant de longs mois interminables.
La nation a frôlé le pire.
Et Le passif est tragique qui requiert une sincère introspection, un audit profond de ce naufrage national ; Avec un seul objectif : que la vérité soit sue sur les causes de notre déshonneur.
A Menaka, Aguel Hock, Tessalit, Kidal, Ansongo, Bourem, Tombouctou, Niafunké, Goundam, Diré, Youwarou, Tenenkou, Diabali, Douentza et Konna.
Pas programme de vengeance, ni personnelle, ni collective !
Aucune volonté de prédéfinir une cible !
Aucune ruse ! Aucun exutoire !
Seule l’indispensable obligation de rendre compte à la nation.
Et nul n’y coupera.
Le pays saura pourquoi son outil de défense et ses services de sécurité, se sont effondrés au moment où il en avait le plus grand besoin.
Pour le reste, nous avons accepté l’héritage, tout l’héritage, le 4 septembre en prêtant serment et nous ne n’y déroberons guère.
Aucun regret du sacerdoce, mais la pleine conscience de la servitude, d’une servitude qui doit nous honorer.
Parce que, pour nous, il n’y a pas de pays plus beau que le Mali.
Parce que, pour nous, il n’y a pas de peuple plus méritant que ces millions de bras rassemblés pour boucher les trous de la jarre percée, tout au long de ces mois de honte et de désarroi.
Nous rendons grâce à Dieu.
Nous rendons grâce à la baraka de cette nation.
Nous saluons la résilience du peuple malien.
Nous saluons, de nouveau, le travail de l’équipe de la transition qui a su préserver l’essentiel.
Et nous remercions sincèrement toute la communauté internationale pour la solidarité sans précédent dont elle continue d’assurer notre pays.
Chers compatriotes,
Au moment où je vous parle, notre outil de défense nationale est en cours de réhabilitation.
Un grand effort est investi dans la formation, le recrutement, l’équipement et le réarmement moral et psychologique de notre armée désormais réconciliée avec sa nation.
Cet effort auquel de nombreux Maliens ont participé, à travers des donations doit être encore plus national.
Il doit continuer.
Il nous concerne tous.
Il vous concerne également et me concerne.
C’est ma responsabilité première d’y veiller.
Car je crois Quincy Wright quand il dit, je cite : l’Etat social et politique d’une nation est toujours en rapport avec la nature et la composition de ses armées ».Fin de citation
Je le crois encore quand il ajoute que, je cite : « ce sont les conceptions morales, juridiques et politiques qui façonnent le plus les armées » Fin de citation
Officiers, Sous officiers, hommes du rang,
La réforme structurelle est en œuvre.
Je veillerai personnellement à sa conduite pour qu’elle atteigne son point d’achèvement.A savoir, cette belle ambition de restructurerles forces armées et les services de sécurité, en vue d’en faire des forces républicaines, respectueuses de l’Etat de droit, dédiées à la sécurité et à la protection du citoyen malien et de ses biens.
D’en faire le rempart de la démocratie, au lieu d’être son ventre mou.
Il s’agira alors d’engager, sur des bases consensuelles, une profonde réforme structurelle, pour assainir et organiser l’environnement de notre sécurité.
De celle-ci nous devons maîtriser les paramètres majeurs.
Et notre défi immédiat de génération est de ramener l’outil à une taille malienne qui réponde à nos besoins pressants de reconquête totale et de contrôle souverain du territoire national.
De tout le territoire national. De chaque centimètre carré du territoire national. Ni enclave, ni zone grise mais le Mali dans ses frontières internationalement reconnues et respectées. D’où la réorganisation engagée visant, à très court terme, à doter nos armées et services, des capacités indispensables en complémentarité avec les dispositifs de la MINUSMA et de SERVAL.
D’où également, les efforts sur fonds propres de l’Etat pour permettre à nos troupes en conjonction ou seules de relever les défis sécuritaires du post-conflit.
Pour ce faire, il nous faudra corriger les disfonctionnement majeurs, qui ont longtemps gangréné notre outil de défense et de sécurité ?
Oui, ce travail est en cours. Il sera accéléré et mené à son terme de même qu’une action de relecture visant :
– l’amendement du corpus doctrinal,
– la réorganisation opérationnelle et territoriale des forces sous-tendue par une formation de qualité,
– l’instruction, la préparation opérationnelle des forces.
Il nous faut, en effet et sans délais, des soldats, des policiers, des gardes et des gendarmes capables, bien équipés et prêts à répondre à l’appel du pays.
Cela, dans un contexte où les ressources humaines et matérielles sont gérées de manière optimale conformément aux normes de la gouvernance vertueuse, sans laquelle il n’y a pas d’issue pour un Mali qui rêve de retrouver sa grandeur aujourd’hui contrariée.
A cet effet, sera adoptée une loi de programmation militaire 2014-2018, dont le début de mise en œuvre permettra de consacrer la montée en puissance de notre outil de défense sur les cinq prochaines années.Notre vision sera celle de la sécurité humaine, avec les citoyens, nos citoyens au départ, au centre et à l’arrivée du projet.
Se retrouveront alors dans ce cadre, tous les acteurs engagés dans la provision des services liés à la sécurité : société civile, médias, leaders d’opinion, communicateurs, chefs traditionnels et religieux, femmes et jeunes, représentants de communautés.
Car je suis conscient qu’après l’expérience que nous venons de vivre, nous ne pouvons faire l’économie d’un large débat sur les problématiques de défense et de sécurité des citoyens, des communautés, des terroirs, des régions et de la République.
Et le dialogue armée-nation sera une composante de notre doctrine et de notre stratégie de défense et de sécurité.
Mes chers compatriotes,
Il n’est donc pas d’autre quête que celle d’une véritable architecture nationale de sécurité, dont les racines puiseront dans les éléments positifs de notre héritage, de nos traditions et coutumes, y compris en matière de résolution de conflits.
C’est dire que l’outil de la défense nationale ne peut en aucun cas être l’alternative à la solution politique.
Partout où nous pouvons économiser le coup de feu, nous le ferons.
Pour que les maigres ressources de notre pays soient de préférence utilisées dans la construction des salles de classe, des hôpitaux et des routes, plutôt que dans des guerres fratricides.
Notre disposition au dialogue ne sera pas prise à défaut.
Au demeurant dialoguer avec ses compatriotes n’est pas une faiblesse pour un pouvoir mais une force.
A condition que le dialogue vise l’intérêt du Mali et des Maliens.
C’est dans cette optique, qu’à l’initiative des autorités maliennes, le Mali et la France discutent présentement d’un éventuel accord de coopération militaire.
Oui, nous savons que c’est de Tessalit que s’est repliée l’armée française à la demande de Modibo Keita.
Oui, nous savons aussi que pour reconquérir son intégrité alors lourdement hypothéquée, le Mali a dû demander l’intervention militaire française en janvier 2012.
Il n’y avait pas d’autre choix.
Que les marchands d’illusion et de nostalgie s’adonnent à leur sport favori mais qu’ils n’enchantent aucun d’entre vous, chers compatriotes.
Parce que la géopolitique de 2014 est loin de celle de 1961.
Parce que les menaces sont devenues bien plus amples et diverses.
Parce qu’aucun de nos pays pris séparément ne peut en venir à bout.
Et parce que l’avenir peut être encadré par un accord qui lie les parties prenantes, rendant ainsi prévisibles les actions attendues.
Dans cette même optique, nous envisageons de discuter, dans un proche avenir, d’accords de coopération militaire avec d’autres pays, sans exclusion inopportune, pourvu qu’ils soient soucieux et aptes à apporter une contribution efficace à nos efforts de stabilisation et de sécurisation du septentrion malien et, au delà, de l’espace sahélo saharien.
Les accords de coopération militaire, en discussion ou à venir, ne tiendront compte que de l’intérêt du Mali, de tous les intérêts du Mali et des Maliens, tout en renforçant nos capacités et celles de nos partenaires à faire face à l’insécurité structurelle de l’espace sahélo-saharien.
C’est tout le but du partenariat que nous voulons.
Je ne suis pas venu pour vous mentir.
Je suis venu pour vous servir avec loyauté.
Je vous resterai loyal et je saurai compter sur votre sens national pour m’accompagner dans cette importante démarche dans le cadre de la sécurité présente et futur de notre grand pays.
Vive l’armée malienne !
Vive le Mali !