Elles sont de plus en plus nombreuses à pratiquer des métiers qui ont été longtemps considérés comme la chasse-gardée des hommes. Qu’en pense la société ? Comment vivent-elles ces défis ?
Dans la société malienne, la femme a été très longtemps considérée comme socle au foyer dont la vie se résumait aux tâches ménagères. Même s’il leur reste du chemin encore, force est de reconnaître que les luttes menées pour leur cause ou leur émancipation commencent à porter fruits.
De nos jours, beaucoup de femmes s’imposent et s’impliquent dans les domaines ou métiers longtemps réservés aux hommes : menuiserie, électricité, mécanique, chauffeur, ouvrier sur les chantiers de BTP…
Aminata Samaké est gardienne, agent de sécurité. « Après 3 tentatives au diplôme d’études fondamentales (DEF), j’ai fini par arrêter les études. J’ai décidé d’explorer d’autres horizons ». Pour elle, une femme ne doit pas toujours tout attendre des autres. « C’est pourquoi j’ai commencé à chercher des petits emplois par-ci, par-là. En son temps, ma mère faisait le service de nettoyage dans une structure quand elle ne pouvait pas y aller, j’allais à sa place faire le travail. Jusqu’à ce qu’un jour, un monsieur me voit passer et m’a demandé si je suis intéressée par le travail de gardiennage. J’ai sauté de joie et j’ai accepté d’aller faire l’entretien », raconte Aminata Samaké. « Ce que je gagne n’est pas beaucoup, mais, je préfère gagner ma vie à la sueur de mon front et je trouve que c’est mieux que de passer la journée à la maison »
« Je n’ai pas eu trop de méfiances ». Au contraire, l’entourage lui a manifesté de l’admiration.
Fanta Coumaré, conductrice de taxi confie son amour pour son travail. « J’ai toujours été passionnée par la conduite ». « Après mes études, j’ai donc décidé de passer le permis pour être chauffeur de taxi. J’exerce ce travail depuis 2019. Ma famille m’a également beaucoup soutenue et elle n’a jamais douté de moi », affirme notre interlocutrice.
Fily Diouwara est technicienne Froid et climatisation. « Après le DEF, je me suis inscrite dans une école professionnelle option Froid et climatisation ».
Aujourd’hui son quotidien se limite à la réparation des réfrigérateurs, des climatiseurs et des cuisinières.
« Étant l’ainée de ma famille, je ne pouvais m’offrir d’autres luxes que de me mettre au travail et aider ma famille. Pendant ma formation déjà, j’étais employée chez des professionnels du domaine. Avec l’aide de certaines personnes j’ai pu ouvrir ma propre structure. J’emploie deux hommes ».
Comment vivent-elles ces défis ?
« Au début, la plupart des gens étaient stupéfaits quand ils me croisaient et d’autres étaient moqueurs. Mais, je n’ai jamais tenu compte de ces petits détails et heureusement je circule tranquillement à travers Bamako », révèle Fanta Coumaré, chauffeur de taxi.
« Au début beaucoup de personnes ne me faisaient pas confiance à cause de mon genre. Je n’avais que des petits marchés. On avait peur de me confier les gros marchés », dévoile Fily Diouwara.
Le pire, selon elle, c’est quand il y a des offres d’emploi concernant le froid et la climatisation. « Lorsque nous postulons, la priorité est toujours donnée aux hommes, juste parce qu’on pense qu’ils sont aptes à mieux faire le travail que nous », déplore Fily. « Énormément de personnes m’ont dissuadé de devenir agent de sécurité, exercé majoritairement par les hommes », explique, de son côté, Aminata Samaké.
Malgré leurs efforts, malgré leurs courages et résistances pour exercer ces métiers dits « métiers d’hommes », ces braves dames subissent des jugements et des préjugés.
Nonobstant, les perceptions commencent à évoluer. Ousmane Ouattara, cadreur, pense qu’aujourd’hui, il n’y a pas de métier d’hommes ou de femmes. « Il faut juste comprendre que dans la vie que tout est question de choix. C’est-à-dire quand tu ambitionnes d’évoluer dans un domaine précis tu le fais peu importe que tu sois homme ou femme. Mais, il faut comprendre que la société impose certaines choses ».
Pour sa part, Hawa Dicko, lycéenne, pense que les femmes qui exercent des métiers d’hommes sont des dures à cuire. « Je les admire pour leur courage et leur détermination. Les femmes ont toujours été considérées comme le sexe faible et les stéréotypes basés sur le genre ne cessent de pleuvoir. Si malgré les critiques elles continuent de les pratiquer et percer, il faut les saluer ».
Pour Habib, communicant, tout est question de passion. Il faut tenir compte de la réalité sociale du pays. « Personnellement, je ne vois pas d’inconvénients à ce que des femmes ou des hommes fassent certains métiers. »
Pour lui, que la femme soit technicienne de surface, agent de bureau, « l’essentiel est qu’elles entreprennent et s’épanouissent sans dépendre de qui que ce soit ».
Aminata Agaly Yattara
Cet article a été publié avec le soutien de JDH Journalistes des Droits Humains et NED