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Faut- il banaliser la responsabilité médicale au Mali ?

« La qualité ne se décrète pas, elle s’élabore jour après jour.»

Ceci étant, pour qu’une qualité des soins existe, il faudrait engager la responsabilité des auteurs (ou acteurs) qui en ont la charge. Au Mali, les établissements de santé sont en train de devenir des usines à fabriquer des microbes. Et les professionnels de santé quant à eux, en sont responsables dans la mesure où l’État n’assure pas son rôle.

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Un pays pauvre dans lequel la moitié de la population n’a pas une couverture sanitaire digne de ce nom, où les gens refusent d’aller à l’hôpital, dans les centres de santé ou cliniques privées pour ne pas mourir car ces lieux sont devenus une concentration de misère, de fait les personnes ayant des ressources financières adéquates ne s’y rendent pas, préférant partir se soigner en Europe ou au Maghreb.

Ainsi, il est aisé de se poser la question suivante : pourquoi ce divorce de la population à l’égard de nos établissements de soins ?

Les raisons sont multiples. Tout d’abord, il y a la question de l’hygiène. Dans un premier temps, le manque d’hygiène peut être synonyme d’apparition des infections nosocomiales et, dans un second temps, la recrudescence des erreurs médicales fait de nos médecins des responsables d’accidents de santé et de décès.

Ces infections ont été définies en France, par une circulaire du 13 octobre 1988 relative à l’organisation de la surveillance et de la prévention des infections nosocomiales, en les présentant comme « toute maladie provoquée par les micro-organismes  et contractée dans un établissement de soins par un patient après son admission pour hospitalisation ou soins ambulatoire. » La circulaire précise encore que «  les symptômes peuvent apparaître lors du séjour à l’hôpital, au moins 48 heures après l’infection, soit après sa sortie dans les 30 jours suivant l’intervention. »

De ce fait, il est important de savoir que l’irruption d’une infection est liée à l’existence d’un réservoir de micro-organismes. Il peut être soit humain, soit situé dans l’environnement de l’hôpital d’où la nécessité d’une distinction entre une infection nosocomiale endogène ou exogène.

L’infection est endogène, c’est-à-dire que le malade s’auto-infecte avec ses propres flores.

Ces flores peuvent être acquises à l’hôpital après l’admission du patient ou encore portées par le patient à son arrivée, on parlera alors des flores dites primaires.

Dans notre pays, un patient sur 5 (cinq) est victime d’un événement indésirable grave (infection engendrant une amputation, insuffisance respiratoire sévère, abcès dus au staphylocoque doré etc.). Ces catastrophes ne sont pas des cas isolés. Elles se produisent dans tous les établissements sanitaires et sociaux. Elles concernent aussi bien les soins primaires que les actes chirurgicaux, la prise en charge des pathologies lourdes, l’hôpital public et les structures privées. Les cas des patients ne sont pas similaires. On y rencontre les personnes âgées, mais aussi les plus fragiles qui sont singulièrement exposées.

Les bactéries responsables sont : les staphylocoques dorés, coagulas négative qui est la cause majeure des infections par le cathéter. On rencontre aussi des bactéries comme acinetobacter, klébiesiella pneumoniae, pseudomas etc., – toutes multi- résistantes aux antibiotiques.

En effet, les études en la matière nous indiquent un grand nombre de décès chez les hémodialysés et en réanimation qui sont causés par ces infections.

Ce fait assez effrayant est surtout révélateur d’une grande absence d’hygiène et de sécurité au sein de ces services. A titre d’illustration, nous pouvons donner comme exemple le cas d’un patient du nom de Monsieur X[1], qui à la suite d’un accident de circulation de moto a été hospitalisé en urgence à l’hôpital Gabriel Touré de Bamako.

Après une semaine de coma, il fut transféré en réanimation car son pronostic vital était menacé. Ce service, était équipé d’une seule blouse stérile accrochée à l’entrée de la salle, et qui servira de sur- blouse pour les visiteurs qui souhaitaient accéder à la salle pour visiter leurs malades.

Ce service impose aux familles des malades, d’apporter quotidiennement une bouteille d’eau de Javel pour le nettoyage des locaux. La question qui se pose est de savoir : si l’utilisation d’une seule blouse pour les visiteurs ne constitue pas un danger pour les usagers ?

Toutefois, Monsieur X est resté en réanimation pendant 3 semaines dans la salle de soins et n’a pas fait l’objet d’une mesure d’isolement.

Après quelques gestes du patient, le médecin l’autorisa à rentrer chez lui, mais le gros souci est qu’au bout de quelques jours, le patient présenta des signes de fébrilité qui l’ont conduit à faire une analyse. Les résultats de l’analyse ont prouvé que Monsieur X avait contracté une infection dont il n’était pas porteur à son arrivée. Et pour traiter cette infection, sa famille a dû débourser 50.000 F CFA par jour pour un vaccin, me confia son neveu, alors que l’infection en cause était d’origine nosocomiale.

Si on excepte ce cas, la situation la plus emblématique est celle de la clinique Pasteur de Bamako.

En espèce, il était question, d’un patient du nom de Oussou Koita[2], venu de la Guinée Conakry et hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako à la suite d’une maladie à virus Ebola.

Ce patient, lors de son hospitalisation avait contaminé un médecin via une transmission croisée d’un malade à un personnel soignant.

Dans quels autres cas, la responsabilité médicale pourrait-elle être engagée ?

Cependant, les erreurs médicales constituent également un autre sérieux problème dans nos structures de soins. L’erreur médicale est inhérente à l’acte médical qui est assuré par un professionnel de santé, qui a la charge temporaire  de notre corps.

L’erreur peut être commise au niveau du diagnostic, des choix thérapeutiques, ou dans la réalisation de l’acte médical lui-même. A titre d’exemple : En France, l’absence d’effets d’un traitement ou échec d’une opération chirurgicale ne peuvent suffire à caractériser une faute du praticien (Conseil d’État, 29 décembre 1997, MX, 158938).

La faute en question peut résulter des conduites poussant le praticien à commettre l’erreur (méconnaissance des symptômes qui auraient dû attirer son attention, retard des examens nécessaires, absence des analyses préalables tels que la prise de tension et de la glycémie). Au Mali, chaque année de nombreux patients meurent d’hyperglycémie  pendant leur premier jour à l’hôpital car on leur fait des perfusions de glucose sans faire un contrôle de glycémie.

Il y en a aussi qui deviennent des handicapés à cause des mauvaises pratiques d’injection de piqûres etc. Alors, qu’est ce qu’il faut faire pour stopper la recrudescence de ces drames qui sont quand même préjudiciables pour la population malienne ?

Notre ambition en tant que Malien a un triple objectif. Premièrement, imposer le respect du droit des patients au Mali.

Deuxièmement, démocratiser notre politique de santé en donnant une chance aux usagers victimes des accidents médicaux d’obtenir les réparations des préjudices qu’ils subissent.

Et enfin, obtenir l’implication de la justice dans les relations médecins patients pour assurer davantage la sécurité des patients et si possible l’indemnisation des victimes.

Face à l’augmentation du nombre de victimes des infections nosocomiales et des erreurs médicales au Mali, nous avons jugé nécessaire de mettre l’accent sur la pratique des règles du droit hospitalier et surtout la Charte des personnes malades (arrêté n°08-2716/Ms-sg du 6 octobre 2008 portant charte du malade dans les établissements hospitaliers, pour que les patients sachent qu’ils ont des droits et des obligations, et qu’en cas de violation de ces droits par un (établissement de santé / professionnels), la saisine du juge est possible.

Le patient mécontent victime d’une infection hospitalière ou d’une erreur médicale, peut saisir la justice. Mais force est de constater que la saisine du juge dépendra du lieu où l’infection a été contractée.

S’agissant des cliniques privées, ou de la médecine ambulatoire, on saisira le juge judiciaire. Par contre, dans les hôpitaux publics, c’est le juge administratif qui est compétent.

En France, en ce qui concerne les infections nosocomiales, la responsabilité de l’établissement peut être engagée même à l’absence de faute. De ce fait, pour s’exonérer de sa responsabilité, il appartient à l’établissement d’apporter la preuve d’une cause étrangère (Conseil d’Etat, 9 décembre 1988, Cohen), (cour Administrative de Lyon, 20 décembre 1990, arrêt Gomez), (conseil d’Etat, 9 Avril 1993, arrêt Bianchi).

Dans l’affaire Gomez, le juge Administratif a engagé la responsabilité d’un établissement de santé, alors qu’aucune faute n’était reprochée au praticien. Mais  ce qui a été visé par le juge, était  le défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service. Ex : absence d’asepsie ou de stérilisation. Mais dans beaucoup de cas, le concours de l’expert médical est nécessaire pour prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage subi.

En l’occurrence, pour la victime, le double visa des articles 1147 et 1315 du code civil, la première chambre civile de la Cour de cassation de Paris décide, dans un arrêt du 30 octobre 2008, que la preuve du lien de causalité peut être rapportée par présomption « attendu qu’il incombe au patient ou à ses ayant-droits de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes »

Tel n’est pas le cas au Mali, car on voit très rarement des plaintes à l’encontre des établissements et des praticiens. Quelques fois, ce sont des affaires classées sans suite, idem pour les erreurs médicales en dépit des drames causés par les praticiens.

Ya-t-il pas des règles juridiques, permettant aux personnes lésées d’obtenir une réparation des dommages subis ? Si oui, quel est l’organisme compétent pour assurer l’indemnisation.

Est-ce une abstention des victimes d’aller frapper la porte de la justice ? Est-ce une sécheresse de la jurisprudence administrative et judiciaire en la matière?

Est-ce enfin, la dimension sociale de notre société et les croyances aveugles en la fatalité qui les en dissuade ? Ces questions restent pendantes.

En matière des infections nosocomiales, l’élaboration des mesures de sécurité et de surveillance contribueront à réduire le taux de prévalence, la mise en place des mesures d’hygiènes édictées par les données acquises de la science, la lutte contre la corruption dans les établissements de santé, et enfin, l’organisation d’une politique de prévention en la matière. Ladite politique de prévention doit être soutenue et orientée par des structures et des moyens. Elle visera :

La mise en place dans nos établissements de soins, des structures de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), une politique de surveillance positive avec l’instauration des indicateurs permettant le suivi de la fréquence des infections nosocomiales, et la mise en place également d’un programme national en la matière.

In fine, doter les établissements des conditions matérielles, la formation accrue des soignants dans le domaine des soins et de qualité des soins, et également l’intégration de l’enseignement du droit hospitalier, le droit de la responsabilité Administrative, le droit de la responsabilité civile et pénale, et le droit médical dans la formation des écoles de médecine et de santé.

Dans certains pays comme les États-Unis, « lorsqu’un médecin ouvre un cabinet quelque part, aussitôt, un avocat s’installe juste en face. » Cela veut juste dire que dans ce pays, les médecins et les avocats forment un couple aux relations ambiguës, uni pour le meilleur et pour le pire.

La France aussi est partie dans cette direction, car chaque année « 20 médecins sur 70 risque d’être traînés en justice. »

Qu’en est-il au Mali ?

Notre ambition, est l’instauration d’un changement qui visera en amont les patients, en les mettant dans leur droit et en aval la gestion des établissements de soins. Mais aussi faire pression sur nos autorités en charge de la santé, pour enclencher des réformes d’envergures concernant la pratique de soins, durcir le ton dans le domaine de l’organisation et du management, car au Mali, l’émiettement des écoles privées de santé, laisse la possibilité à n’importe qui d’exercer l’acte médical. Le malade affaibli, acceptant des traitements lourds pour obtenir sa guérison, interroge en retour, les organisations sociales instituées sur la place qu’elles accordent aux faibles.

Mettre en place une démocratie sanitaire, revient, dès lors, à accorder une importance logique à cette vision du faible sur le fort, à savoir ceux qui ont à charge le contrôle politique et scientifique de notre système de soins et ensuite ceux qui établissent des lois et règlements qui protègent le faible.

Pour cela, la justice n’apparaît pas seulement comme une entreprise de protection des victimes, mais surtout, elle doit promouvoir le droit du sujet, mais également les droits fondamentaux et imprescriptibles de la personne humaine (Le respect de la vie privée, la dignité, le consentement et l’information du malade etc.)

Pour conclure, instaurer une démocratie sanitaire au Mali, fera de nos malades «un consommateur de soins raisonnable, un usager responsable, un citoyen respecté et reconnu dans son droit à être malade, donc protégé et garanti. »

 

Gadiaga Fousseyni,

Administrateur de l’action sociale de formation,

Juriste spécialisé en droit sanitaire et social,

Doctorant à l’université du Havre.

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