A la suite d’une banale dispute S. s’en prit À A. Pour des raisons qui restent à élucider
Toutes les morts sont insupportables, cela quoi qu’ait fait le défunt de son vivant. Mais le décès devient encore plus navrant lorsqu’est tranché le fil d’une très jeune vie. Et la douleur des parents devient encore plus vive lorsqu’est reconstitué l’engrenage qui a amené la disparition de leur enfant. L’histoire que nous vous proposons aujourd’hui contient tous les ingrédients d’une tragédie absurde et parfaitement évitable si les protagonistes avaient su garder une once de sang-froid.
Les faits se sont déroulés la semaine dernière aux 1008 logements de ATTbougou, en Commune VI du District de Bamako. De sources policières au commissariat où le dossier a été traité, on nous a informé que les parents de la victime sont toujours sous le choc de la disparition de leur fils, un adolescent qui s’en est allé à la fleur de l’âge. Pour des raisons sociales compréhensibles, nous appellerons S. l’auteur des faits et A. la victime.
D’après ce que nous avons appris, les protagonistes de la tragédie n’avaient pas encore soufflé leurs vingt bougies. Tous les deux menaient une vie d’adolescents ordinaires dans le secteur du quartier ATTbougou où le drame s’est noué. Chacun d’eux appartenait à un groupe de jeunes. Et comme cela se passe souvent à Bamako, chaque groupe dispose d’un territoire qu’il n’aime pas voir empiéter par des intrus. La « capitale » du dit territoire est bien sûr le site du « grin » qui s’y installe traditionnellement la nuit.
Les membres des deux groupes ne sont pas tous des élèves, mais chaque grin a son quota de jeunes fréquentant l’école et qui tiennent à jouir au maximum de la période des vacances. C’est pourquoi les veillées nocturnes s’étirent parfois jusqu’aux abords de l’aube. C’est pourquoi aussi il n’est pas rare de voir un groupe se livrer à une activité qui s’assimile pratiquement à du tapage nocturne. Mais selon les voisins, les groupes auxquels appartenaient A. et S. n’étaient ni particulièrement dissipés, ni particulièrement bruyants. C’est d’ailleurs cela qui rend difficilement explicable ce qui s’est passé.
UNE DÉMONSTRATION DE PLUSIEURS MINUTES. La nuit où tout a basculé, A. s’était rendu tranquillement dans son grin qui était basé au bout de la rue où il habitait. Et rien n’annonçait que cette nuit allait se conclure pour lui de manière tragique. La conversation entre les jeunes était si animée que deux heures et demie du matin arriva sans que personne n’ait senti le temps passer. Ce fut à ce moment que A. se leva, s’étira et indiqua qu’il allait se donner un peu de mouvement avec sa moto Djakarta qu’il avait amenée au grin. Il mit l’engin en marche et se dirigea vers le grin de S. qui se trouvait à quelques dizaines de mètres de là. Nos interlocuteurs n’ont pas été en mesure de nous indiquer si un contentieux quelconque opposait les deux groupes et si ce qu’a fait A. pouvait s’assimiler à une sorte de provocation.
Comme nous l’avons dit, l’adolescent avait foncé avec son engin vers le groupe de S. Mais bien avant d’y arriver, il freina brutalement et fit exécuter une volte-face à son engin. Puis tournant à fond la poignée de l’accélérateur, il se mit à faire tourner en rond sa moto et se livra à diverses acrobaties. Le tout se déroulait dans le vacarme du moteur poussé à fond, dans les nuages de poussière soulevés par les dérapages contrôlés du jeune homme et dans la fumée qui s’échappait abondamment du tuyau d’échappement. La démonstration dura plusieurs minutes au bout desquelles A. ramena triomphalement sa moto vers son « grin ».
L’adolescent avait-il voulu provoquer le camp d’en face ? Ceux qui le connaissaient le défendent en disant que c’était un habitué de ce que lui-même désignait comme un « rallye » et qu’il se livrait régulièrement à ce genre d’exhibition. Ce qui est certain, c’est que l’autre grin a ressenti les exploits du jeune homme comme une véritable provocation. Juste avant qu’il ne rejoigne sa place, A. a été intercepté par S. Ce dernier avait regardé sans réagir l’adolescent faire ses manœuvres, mais il bouillait intérieurement de rage.
Ayant agrippé A., S. lui enjoignit de mettre fin à ses agissements. Son interlocuteur ressentit certainement cette interpellation comme une tentative d’intimidation et s’échauffa à son tour. Toujours selon nos sources, les jeunes gens se seraient échangé de violentes injures. Ce qui fit intervenir M., le grand frère de A (membre lui également du grin). L’aîné fit de son mieux pour calmer et de séparer les deux protagonistes lancés dans une vive altercation. M. usa de son autorité pour intimer à son frère de se taire et de retourner s’asseoir au grin. A lui obéit et partit en poussant sa moto.
Logiquement la tension aurait dû baisser. Mais, bizarrement ce fut le contraire qui se produisit. L’accrochage se déplaça et opposa M. et S. Cela sans que personne ne comprenne ce qui avait relancé la discussion. Le bruit de la dispute fit se retourner A. A sa grande surprise, il constata que S. s’en prenait maintenant à son grand frère. Cela lui était insupportable et il fit demi-tour pour se porter au secours de son aîné. Mais en le voyant revenir, S. s’échauffa encore davantage. Il pensait que le jeune homme venait le braver à nouveau malgré l’avertissement qu’il lui avait donné.
DE LA PURE JALOUSIE. Les choses s’envenimèrent une fois de plus et les insultes commencèrent à fuser de toutes parts. Mais ce dont A. et M. ne pouvaient se douter, c’était que leur adversaire était armé d’un couteau qu’il avait dissimulé sous son vêtement. Comme nous l’avons dit, S. supposa que son adversaire renouvelait ses provocations et il perdit tout contrôle sur lui-même. Dans le brouhaha qui se déclencha, S. profita du désordre général pour extraire l’arme blanche d’une de ses poches. Sans donner le temps à sa victime de comprendre ses intentions, il lui enfonça le couteau au niveau du côté gauche de la poitrine.
A. ne poussa pas le moindre cri. Il se raidit tout d’abord de tout son corps. Puis avançant péniblement et titubant à chaque pas, il tenta de rejoindre dans un ultime effort le domicile familial. On ne sait par quel effort surhumain, il y parvint et s’effondra juste à l’entrée de la maison paternelle. Le vacarme qui régnait dans la rue avait réveillé en sursaut les parents du jeune homme. Ces derniers s’étaient sommairement habillés et étaient sortis en catastrophe pour comprendre ce qui se passait. On peut imaginer leur horreur lorsqu’ils découvrirent leur fils étalé à même le sol. Dès qu’il eut compris que A. venait d’être victime d’une agression, le père se précipita pour l’amener au centre de santé le plus proche. Sur place, le médecin se déclara incompétent face à la gravité de la blessure. Il demanda aux parents du jeune homme de l’amener dans un hôpital qui serait en mesure de le prendre en charge.
Malheureusement A. rendra l’âme en cours de route. A l’annonce de la mort de l’adolescent, la consternation s’abattit dans le secteur de ATTbougou. Le jeune homme a été porté en terre le jour suivant dans une atmosphère de désolation totale. Sur place, certains voisins du quartier avaient tenté de donner une explication au geste funeste de S. à l’endroit de A. Pour eux, l’agression relevait de la pure jalousie. Le défunt jouissait d’une certaine notoriété dans le quartier parmi les jeunes de son âge et il agaçait S. qui l’envierait. D‘après nos sources, juste avant l’enterrement de A., certains jeunes du quartier avaient même tenté une descente sur le domicile de l’assassin de leur « idole ». Heureusement, les « vengeurs » ont été bloqués à temps. Les mêmes sources nous ont informé qu’aux dernières nouvelles, les parents de l’auteur de l’assassinat avaient tous quitté les lieux et leur domicile était complètement vide.
Quant aux parents de A., ils avaient contacté le commissaire Sirima Ba Tangara du 13ème Arrondissement. L’officier de police a chargé de l’affaire le chef de la police judicaire, son collègue et commissaire Dramane Traoré. Sans perdre de temps, les policiers ont mis la main sur le meurtrier de A.S. a été écroué au violon et était sur le point d’être déféré lorsque nous prenions congé de nos amis les policiers. Ce sera à la justice de tenter de renseigner les parents de la victime sur les vraies raisons de cette mort br
source : L’ Essor