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Fait divers : LA TRIPLE PEINE DE I.

Le jeune homme n’a pas voulu se laisser dépouiller sans réagir. Mal lui en a pris

Faits divers

Dans la mémoire populaire, la démarcation est nette. En matière de délinquance, il y a pour la plupart des Maliens un « avant 2012 » et un « après 2012 ». La crise sécuritaire, qui s’est déclenchée il y a trois ans et qui s’est à peine atténuée depuis, a en effet amené tout à la fois une augmentation des agressions contre les simples citoyens et surtout l’apparition de nouvelles forme de banditisme, plus brutales et plus dangereuses. On est arrivé à un point où n’importe habitant de n’importe quelle ville malienne peut être attaqué à n’importe heure du jour. Certes, Bamako n’a pas atteint le niveau de dangerosité de certaines mégalopoles du continent, célèbres pour leur très haut taux de criminalité. Mais elle n’est plus cette ville paisible que les visiteurs étrangers appréciaient pour la liberté de mouvement dont ils pouvaient jouir.
Dans notre capitale, les cas de vol, de braquage ou d’effraction tiennent désormais de la banalité quotidienne. Au début, les tenanciers de boutiques représentaient la « clientèle » privilégiée des bandits. Maintenant, tous ceux qui exercent une profession qui implique la manipulation de fonds plus ou moins importants se retrouvent dans la ligne de mire des voleurs. C’est cette évolution qu’illustre notre histoire du jour dont I., le héros malheureux, s’est installé dans le créneau du transfert d’argent organisé par un des opérateurs de téléphonie mobile du pays.
Les faits se sont déroulés en milieu de semaine dernière à Daoudabougou, quartier populaire de la Commune V du district de Bamako. Quelques jours après la terrible attaque dont a été victime le jeune homme, nous avons approché les parents de ce dernier. Nos interlocuteurs sont encore traumatisés par ce qui s’est passé et qui aurait pu entraîner la mort de l’un des leurs. Ce qui les stupéfie, c’est que I. ait été agressé en pleine rue et en début de soirée. Autrement en un lieu et à une heure où un citoyen ordinaire ne s’imagine pas braqué par deux malfrats.
Selon les proches de la victime qui appartient à la famille T., I. travaillait en étroite collaboration avec son frère aîné L. depuis plusieurs années. Tous deux avaient décidé de tenter leur chance dans le secteur de la vente des cartes de recharge téléphoniques. Les débuts furent très difficiles. Car l’activité attirait de nombreux jeunes désœuvrés, dont la plupart débarquaient de la campagne. Mais à force de travail et d’obstination, le tandem se fit une place au soleil, comme on le dit. Les frères T. avaient choisi de s’établir dans un kiosque installé au marché de leur quartier de Daoudabougou. D’après ce que nous ont rapporté les parents, les choses se passaient sans accrocs pour eux. Ils n’avaient jamais été confrontés à une menace d’agression quelconque et ne prenaient donc pas de précautions particulières pour sécuriser le transport de leurs recettes. Ils étaient loin de se douter qu’ils avaient été repérés par des malfaiteurs et que ces derniers préparaient un holdup culotté.
UN PISTOLET EN MAIN. Le jour, où l’attaque est survenue, ne se différenciait pas des journées habituelles de travail des deux frères T. Ils cessèrent leurs activités à l’approche du crépuscule et fermèrent comme d’habitude leur kiosque au moment où l’obscurité commençait à s’installer. Traditionnellement, les frères rentraient ensemble à la maison sur leur moto Djakarta. Mais ce jour là, L. demanda à son cadet de prendre la route sans lui. Il avait des problèmes personnels à résoudre avant de s’en retourner à la maison.
I. prit donc seul le chemin du retour. Mais alors qu’il était arrivé à quelques dizaines de mètres du domicile parental, le jeune homme s’arrêta brusquement. Il se dit que ses parents ne seraient pas contents de le voir revenir à la maison sans son aîné. Il mit donc sa moto sur cale-pied, sortit son téléphone portable de sa poche pour appeler L. Il voulait juste dire à son frère qu’il retournait le chercher afin qu’ils puissent rentrer à la maison ensemble comme ils l‘ont toujours fait depuis des années. Pendant qu’il composait son numéro, I. mit en bandoulière son sac qui contenait des téléphones portables pour le transfert de crédit, de nombreuses cartes de recharge ainsi qu’une somme d’argent dont le montant reste toujours indéterminé et qui constituait la recette du jour. Le jeune homme n’était pas du tout sur ses gardes. Pourquoi le serait-il d’ailleurs puisqu’il était dans son quartier et à deux pas de chez lui ?
Aussi ne fit-il pas attention quand il entendit une moto s’arrêter à son niveau. Deux inconnus descendirent de l’engin. Chacun d’eux tenait un pistolet en main. Ils s’approchèrent du jeune homme, l’abordèrent comme s’ils le connaissaient et lui enjoignirent de leur remettre le sac. Le jeune gérant du kiosque hésita un moment, se demandant quelle attitude adopter. Pour lui, ses agresseurs ne pouvaient pas passer à l’action. L’obscurité ne s’était pas totalement installée, la rue était encore animée, des personnes étaient donc susceptibles de venir à son secours s’il appelait à l’aide. Fort de tous ces détails, I. opposa un « non » énergique à la demande des malfrats.
La conséquence de son refus ne se fit pas attendre. L’un des inconnus brandit son arme et tira un coup de feu en l’air. Un vent de panique souffla immédiatement dans la rue. Tous ceux qui auraient pu venir en aide au malheureux revendeur de cartes prirent la fuite. En quelques secondes, les alentours étaient totalement déserts, chacun étant allé se mettre à l’abri.
DES TÉMOINS ÉBERLUÉS. Lorsque I. reprit ses esprits après quelques secondes d’affolement, il se rendit compte que la conjoncture avait changé du tout au tout. Il décida alors de détaler aussi vite qu’il le pouvait avec son sac toujours en bandoulière. Il prit la direction du lieu où il serait le plus en sécurité, c’est-à-dire le domicile familial. Mais il se rendit compte que la distance à parcourir était trop longue pour qu’il puisse espérer échapper à ses poursuivants. Il bifurqua donc vers la maison de leur voisin qui était plus proche de lui. Le bandit qui avait tiré en l’air se trouvait juste derrière lui. Pistolet en main, bras tendu, le malfrat était prêt à ouvrir le feu à tout moment. Le jeune homme tenta de mettre son sac en sécurité en le jetant par dessus le mur d’enceinte de la maison. Il se proposait d’entrer ensuite dans la concession pour récupérer son bien.
Mais son poursuivant ne lui en laissa pas le temps. Il lui tira une balle dans le pied. Le jeune homme s’effondra en hurlant de douleur. Son agresseur le dépassa, pénétra dans la maison du voisin et y récupéra le sac. Puis d’un pas très rapide, il rejoignit son complice posté sur la moto dans la rue. Les deux agresseurs s’éclipsèrent sous les yeux des témoins éberlués dont la plupart avaient suivi les événements de loin. Mais les bandits n’en avaient pas fini. Pour faire bonne mesure, ils s’emparèrent aussi de la Djakarta garée dans la rue Le jeune I. fut donc accablé par une triple peine ce soir là : il avait perdu son précieux sac, il était blessé par balle et il se retrouvait sans engin.
Quelques minutes plus tard après cette scène digne d’un véritable western en pleine ville de Bamako, la foule commença à se réunir autour du jeune homme qui se tordait de douleur sur le sol. Immédiatement avertis, les parents de I. arrivèrent en courant. Le tenancier du kiosque a été conduit à l’hôpital le plus proche pour les premiers soins. Pour des raisons liées à la particularité de la blessure provoquées par l’arme à feu, il a été transféré dans une clinique de la place où il se trouve actuellement en sous traitement.
Entretemps, les parents de la victime avaient déposé une plainte contre X. Le commissaire Diallo du 4ème Arrondissement s’est chargé du dossier. Récemment, les parents de la victime nous ont contactés pour nous indiquer que l’état de santé de leur rejeton s’améliorait et que la blessure ne laisserait pas de séquelle irrémédiable.
En même temps, les membres de la famille nous ont fait part d’un détail bizarre. Leur foyer, nous ont-ils dit, n’en est pas à ses premiers déboires. Leur concession a été, en effet, victime à plusieurs reprises d’attaques de la part de bandits qui ont apporté avec eux des objets de valeur et d’importantes sommes d’argents. Le chef de la famille des T., aujourd’hui âgé de soixante-dix ans, a souhaité que les autorités du pays dotent les forces de sécurité de moyens nécessaires pour assurer efficacement la sécurité des personnes et de leurs biens. Une requête qu’on peut comprendre de la part d’une famille qui a eu plus que sa part d’épreuves.

Mamoudou KANAMBAYE

source : L’ Essor

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