Le tourisme sanitaire, bien trop fréquent dans nos États. Depuis, certains ont mieux fait que d’autres. Au Ghana, c’est le plus grand complexe hospitalier d’Afrique de l’Ouest qu’ils ont inauguré. Au Niger, ils se sont doté d’un hôpital de référence et ont, du coup, décrété l’interdiction totale des évacuations sanitaires. Au Burkina, ils ont abandonné l’arrêt des évacuations obtenu sous la transition. Qu’en est-il au Mali ?
Notre cher pays par contre, reste à la traîne. Honte donc aux politiciens maliens, de la mouvance présidentielle comme de l’opposition. Oui, honte à eux, qui laissent les Maliens mourir dans de médiocres hôpitaux pendant qu’eux, ils bénéficient des évacuations sanitaires.
Honte à ces politiciens, qui sont au pouvoir ou aspirent à être au pouvoir, et qui bafouent notre Constitution à chaque fois qu’ils en ont l’occasion ! Nous voudrions leur rappeler l’article 1 de la Constitution du 26 février 1992 qui dit ceci : « Tous les Maliens naissent libres et égaux en droits. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la présente Constitution. Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibées. »
À notre avis, l’article sus énoncé, nous dit que nous sommes tous égaux en droits vis-à-vis de la santé. Alors, messieurs les dirigeants, pourquoi pour nous, notre mort au CHU Gabriel Touré vous serait-elle plus acceptable que celle d’un ministre ou d’un député ? Insinuez-vous qu’il aurait plus de droits que le citoyen lambda, qui se meurt dans les mouroirs que sont nos hôpitaux ? Ces barons politiques, comme tous les autres politiciens qui ont eu à occuper de haute fonction dans l’administration de notre pays, doivent assumer leur héritage, parce qu’ils ont au moins eu l’opportunité pendant de longues années, d’influencer la politique dans ce pays.
Ils auraient pu faire construire un hôpital aux normes dont nous aurions tous profité. Hélas ! Le pouvoir, c’est pour servir et non se servir. Ce qui serait humaniste, chers dirigeants, c’est d’arrêter de pousser si loin l’opprobre contre le peuple du Mali en réclamant l’évacuation de ces personnes de mauvaise moralité. L’État malien a un devoir de soin vis-à-vis de ses barons, mais il ne saurait mieux traiter les criminels que les honnêtes citoyens, au risque que nous devenions tous criminels.
Les évacuations sont discriminatoires, donc anticonstitutionnelles
La Constitution est sans équivoque quant à l’égalité en droits des Maliens. Permettre donc à certains Maliens de bénéficier des évacuations sanitaires pendant que d’autres sont abandonnés dans de médiocres hôpitaux locaux, c’est simplement violer notre Constitution, surtout quand on sait que ce n’est pas par un tirage au sort que l’on bénéficie ou non de l’évacuation sanitaire. Ce n’est même pas sur la base de la nécessité médicale, mais plutôt sur la base de critères entièrement arbitraires.
Quelle sorte de peuple sommes-nous donc, nous qui jugeons la vie d’un président de parti politique plus importante que celle d’un maître d’école ? Nous en appelons donc au président IBK, pour qu’il mette fin aux évacuations sanitaires. Elles représentent une injustice criarde que subit la majorité des Maliens qui pourtant les finance.
On peut arguer que ces évacuations sont simplement anticonstitutionnelles : d’une part, elles établissent parmi les Maliens, une discrimination basée sur des critères spécifiquement interdits par la Constitution, en particulier, l’opinion politique, la fortune et d’autre part, on ne peut pas maintenir les évacuations sanitaires pour certains présidents de parti politique, des ministres, directeurs généraux et les refuser expressément à d’autres citoyens moins nantis. Cela serait une injustice monstre !
Autant, il est anticonstitutionnel de réserver les évacuations sanitaires pour certains, autant cela reste anticonstitutionnel de les refuser à d’autres. Il n’y aura jamais suffisamment de moyens pour évacuer tous les Maliens qui en ont besoin. C’est pourquoi, tous méritent d’être pris en charge localement, dans les meilleures conditions possibles, car nous sommes tous des contribuables. Ceux-là qui bénéficient aujourd’hui des évacuations ne payent pas plus de taxes que ceux que l’on laisse mourir au pays.
Nos politiciens sont la source de l’incivisme qu’ils décrient.
Chaque 24 heures, 5 Maliens, dont 2 enfants âgés de moins de 5 ans, meurent du paludisme. Le vrai manque d’humanisme, c’est d’accepter que cela arrive pendant que l’on continue tranquillement à évacuer des politiciens incompétents à coup de millions, qui auraient certainement donné la vie à un enfant. Elles représentent surtout, la cupidité d’une classe politique entièrement coupée de la réalité du pays.
Paul N’GUESSAN
Mali Horizon