Décrété le 4 avril par le gouvernement pour dix jours, puis prorogé par l’Assemblée nationale à l’unanimité pour trois mois (jusqu’au 15 juillet), l’Etat d’urgence, jusqu’à ce vendredi en vigueur dans notre pays, est arrivé à son terme. Comme en fin mars dernier, le gouvernement n’a pas cru devoir reconduire la mesure dont le but était “de poursuivre la lutte contre le terrorisme et les autres menaces à la sécurité des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire national”.
Signe du retour à la normalité ou simple faute politique ?
Contrairement à Mars dernier, le gouvernement nouvellement installé n’a pas daigné cette fois-ci donné de justifications sur sa décision de non prorogation de l’Etat d’urgence ; préférant se refugié derrière un commode mutisme.
Une attitude qui apparaît comme un lourd aveu d’imprévoyance, au regard non seulement du contexte sécuritaire fortement dégradé par les attaques terroristes quotidiennes mais aussi des actes qu’il a posés lui même récemment. Comme l’interdiction des manifestations à Gao (avec le bilan qu’on connaît) et à Bamako.
La question est donc : qu’est-ce qui a fondamentalement changé depuis l’attaque de l’hôtel Radisson Blu de Bamako par des islamistes, le 20 novembre 2015 et qui justifie la levée de l’Etat d’urgence ?
Rien que ce week-end une alerte rouge a été lancée (par la Minusma ?) pour cause de menace d’attaque terroriste à Bamako. Les réseaux sociaux ont largement relayé cette alerte en invitant les populations à être vigilantes et à éviter les lieux de regroupement et d’attroupement. Et un dispositif d’envergure avait été déployé, dit-on.
Est-ce besoin d’évoquer la situation du nord du pays où le carnage se poursuit chaque jour avec de plus en plus d’audace de la part des terroristes.
Comment dans ces conditions, un gouvernement prévoyant ne se sente pas en devoir et en mission de reconduire le seul dispositif légal dont il possède pour prévoir et d’anticiper sur la menace faute d’avoir les moyens de la contenir.
Est-ce à cause du traumatisme causé par les évènements de Gao où également il a manqué d’anticipation donnant ainsi argument à l’opposition de fustiger sa responsabilité ? L’oubli n’est et ne peut en aucun être une excuse au dilettantisme. Parce que l’imprévoyance, en la matière, est en passe d’être coutumière à notre gouvernement dont la mission principale aujourd’hui est d’être uniquement et exclusivement la lutte contre le terrorisme.
A moins que notre gouvernement ne nous dise en termes de justification que le renforcement du mandat de la Minusma lui suffit pour décréter la fin de toutes les menaces et de tous risques terroristes !
Pour notre profane gouverne, nous persistons et signons que l’oubli ne rime pas avec une meilleure gouvernance. L’imprévoyance est, en politique, la mère de toutes les incertitudes, la voie royale vers le naufrage. Gouverner, c’est prévoir. Qui ne prévoit pas, faute.
N’est-ce pas pourquoi Émile de Girardin n’a pas dit seulement que « Gouverner, c’est prévoir », il a ajouté : « et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ». Or, comme en fin Mars dernier, face à une situation déjà préoccupante, notre Gouvernement a choisi de ne « rien prévoir » et de ne rien faire.
Un choix injustifiable aujourd’hui qu’il aura du mal à assurer au regard de la situation sécuritaire. Parce que «gouverner, c’est choisir » aussi; comme l’enseigne Pierre Waldeck-Rousseau, c’est aussi «choisir entre deux inconvénients ».
Dans notre cas, hier comme aujourd’hui, il s’agit pour le Gouvernement de la République de mettre en balance deux impératifs : celui régalien de la défense et de la protection des citoyens ainsi que la sauvegarde de leur vie et celui démocratique de la préservation et du renforcement des libertés publiques et individuelles.
Or, entre le risque de voir des dizaines de Maliens et d’Etrangers tués par des fous imprévisibles et insaisissables (le cas de Nice devrait servir de leçon) et celui de voir restreindre leurs libertés, le choix devrait à notre avis s’imposer d’évidence.
Quand on veut gouverner dans l’intérêt du peuple, on ne cherche pas à être populaire disait Raymond Barre ; on ne gouverne pas la peur au ventre en ayant une fixation sur les critiques et les qu’en-dira-t-on.
Mais notre Gouvernement, comme à son habitude, semble opter pour les enseignements du Florentin pour bien faire face à la situation : remercier le peuple pour son civisme et garantir à l’élite sa liberté d’activisme. Exactement comme le préconise Nicolas Machiavel dans «Le Prince » : « Contenter le peuple et ménager les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner. »
Sauf que Machiavel n’a pas vécu au temps du terrorisme comme celui que nous connaissons aujourd’hui.
Par Sambi TOURE
Source: info-matin