Après avoir sollicité et obtenu, au seuil du terme légal de sa détention préventive, la tenue d’une comparution publique qu’elle croyait décisive, la plus célèbre des acteurs du dossier emblématique de la répression a col-blanc, Mme Bouaré Fily Sissoko, est retournée dans son cachot de Bollé sans être fixée sur son sort.
En cause, l’achoppement des assises aux tares congénitales d’une procédure tirée par les cheveux, mais aussi les difficultés du ministère public à asseoir les chefs d’inculpation sur des témoignages plus solides que les présomptions contenues dans l’acte d’accusation. En effet, aucun des témoins à charge contre l’ancienne ministre des finances n’aura réussi, tout au long du ballet d’accusateurs, à apporter des preuves assez solides pour conforter les reproches qui lui sont faits et que le parquet a déclinés en «faux en écriture, usage de faux, trafic d’influence et favoritisme». Les avocats de la célèbre accusée n’auront par conséquent aucun mal à surfer sur l’insignifiance de l’implication qu’on prête à leur cliente dans la procédure d’acquisition de l’avion présidentiel pour une bagatelle de 18 milliards ainsi que des commandes militaires pour 69 milliards pour 69 milliards francs CFA. Pour les équipements militaires, la ministre de l’Economie et des Finances de l’époque ne fait aucun mystère de sa partition et assume fièrement la responsabilité d’une lettre de garantie autonome au nom de l’urgence à laquelle sa démarche répondait. Il n’en est pas de même pour les lettres afférentes à l’opération de dotation d’IBK en avion de commandement. Cette autre opération repose notamment sur trois correspondances émises respectivement entre janvier et mars 2014 sous les numéros 04, 33 et 113. Les deux premières références correspondent aux instructions de la ministre pour le règlement de simples frais d’approche ou d’intermédiation, tandis que la dernière a trait au décaissement de 15 milliards francs CFA représentant le principal du montant de l’avion présidentiel. Ainsi, en vertu de la correspondance y afférente en date du 21 mars 2014, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la ministre des finances en a formellement autorisé le paiement. Il pourrait s’agir, toutefois, d’une simple régularisation d’une opération effectuée dans le dos de l’intéressé. En atteste à tout le moins des dissonances et anachronismes criants révélés, tout au long de l’instruction du dossier et des comparutions publiques. Par exemple, les responsables du trésor se prévalent d’une instruction reçue pour le paiement de la plus grosse tranche du montant de l’avion présidentiel, mais il se trouve que la correspondance y afférente est bien postérieure à l’effectivité des paiements opérés, à en juger par les références temporelles. Toutes choses parmi tant d’autres qui font de l’ancienne ministre des Finances l’instrument d’une nébuleuse dans laquelle son rôle ne saurait correspondre aux chefs d’inculpation que le parquet a retenus contre sa personne.
A. KEÏTA