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Envoi de sucre aux beaux-parents pendant le carême : OBLIGATION OU ACTE DE GENEROSITE ?

Depuis belle lurette déjà, cette pratique est entrée dans nos habitudes

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Le mois de Ramadan est un mois de don et de générosité. C’est aussi celui du bien et des récompenses. Les écritures saintes enseignent que pendant ce mois, la récompense des bonnes actions est démultipliée. Allah le Tout Puissant et Miséricordieux accorde son pardon pour les péchés. Mais Il exige en même temps que les fidèles se gardent de commettre les mauvaises actions. Le moment est donc favorable pour les actes de générosité. Ceux-ci se manifestent de plusieurs façons, chacun donnant ce qu’il peut. Généralement, les donations vont aux nécessiteux. Il y a aussi la pratique qui consiste à faire des donations aux proches, pour leur témoigner la solidarité et consolider ainsi les liens de parenté et d’alliance. Cette dernière pratique est très développée dans notre pays. Il est de coutume d’offrir du sucre aux beaux-parents. C’est une marque de solidarité, de respect et de considération car le sucre est un produit de grande consommation pendant le Ramadan. Depuis belle lurette déjà, cette pratique est entrée dans nos habitudes. Ainsi, chaque année pendant le mois de Ramadan les gendres apportent du sucre dans leurs belles familles. La pratique est si ancrée dans nos mœurs qu’elle tend à devenir une obligation. Tant et si bien que le gendre qui ne fait pas le geste, a toutes les chances de faire face à la soupe à la grimace de la part de son épouse. Les femmes ont tendance à imposer à leurs maris de faire le cadeau à leurs parents. La pression est accentuée surtout dans les familles où plusieurs filles sont déjà mariées. Chacune d’elles veut que son mari fasse le geste. Et pas pour une petite quantité. De peur d’en offrir moins que les autres. Mais au fait, ce cadeau relève-t-il de la tradition ou de la religion ? Nous avons approché plusieurs interlocuteurs qui nous ont donné leurs avis sur la question. Il se trouve que beaucoup font le geste sans savoir si c’est une obligation religieuse ou pas. C’est le cas de Mama Doumbia de Konatébougou. L’homme confie que chaque année, il donne 5 à 6 kg de sucre à ses beaux parents. Il fait le geste sans jamais chercher à savoir si l’acte relève d’une exigence de l’islam ou de l’habitude. Boubacar, vendeur de cartes téléphoniques et autres accessoires, est dans le même cas. Il offre chaque année 10 kg de sucre à sa belle famille au village. «Dès la première semaine, j’achète les 10 kg que je remets à des personnes qui vont au village pour y passer le mois de carême. Souvent ce n’est pas facile de trouver quelqu’un», témoigne-t-il. Un monsieur assis juste à côté de lui, s’invite dans l’échange et assure que c’est la religion qui recommande le geste. « Pour moi, c’est ça puisque c’est pendant le mois béni de l’islam qu’on offre du sucre », affirme-t-il. Pour Youssouf, c’est selon les habitudes des uns et des autres. Il pense qu’on a adopté cette obligation à cause du mélange des cultures. « Chez nous, dans l’aire culturelle bambara du Baniko (région de Koulikoro), l’habitude de donner du sucre à la famille de ta femme n’existe pas », assure-t-il. TRADITION CITADINE. Pour lui, un homme n’a pas de dépenses particulières à faire à la famille de son épouse après le mariage. Parce que par les liens du mariage, l’homme intègre la famille de sa femme. Youssouf pense que c’est une pratique imposée en ville. Le sociologue Fakô Diarra soutient lui aussi, cette thèse. Pour lui, ce geste n’entre pas du tout dans la tradition bambara. « Le mois de carême, c’est pour les musulmans», précise-t-il, avant de souligner que le sucre n’est même pas beaucoup consommé dans les villages bambara. « Chez nous, on ne fait aucun cadeau à nos beaux parents pendant le mois de Ramadan. C’est quand on cherche la femme en mariage qu’on se permet d’apporter des cadeaux, sinon pas, une fois qu’elle est mariée, on ne fait plus de cadeau », souligne notre interlocuteur. Selon M. Cissé, le fait d’offrir du sucre aux beaux parents est souhaité par l’islam puisque c’est pendant le Ramadan qu’il est demandé aux musulmans de multiplier les actes de bienfaisance. Il indique que chez les sonhraï, ce geste est crucial. Le gendre a le devoir d’apporter chaque année du sucre. En retour, généralement vers la fin du Ramadan, la belle famille lui prépare un repas copieux. Il précise que les sonhraï mettent même un bélier au four pour cette occasion. « Culturellement et religieusement ce geste n’existe pas, c’est moderne pour moi », estime de son côté A. D. Pour moi, c’est quelque chose qui a été inculqué en ville, sinon elle n’existe pas dans nos villages. Dans notre capitale, cette habitude a tendance à être perçue comme une obligation. Elle est très souvent source de conflit dans certaines familles qui sont très exigeantes vis-à-vis du mari de leur fille. Elles vont jusqu’à être trop regardantes sur les quantités de sucre apportées. K. Théra raconte une anecdote à ce propos : « Il y a deux ans, j’ai amené 5 kg dans ma belle famille et on m’a demandé d’en ajouter. J’ai alors décidé de ne plus leur offrir du sucre. Visiblement revenue à de meilleurs sentiments, la belle famille m’a rappelé pour me dire d’apporter dorénavant les 5 kg ». M. C. raconte que son cousin avait l’habitude d’apporter aussi 5 kg. Mais, une année, il a décidé d’apporter 20 kg. C’est en ce moment que ses beaux parents ont exigé un sac. M. C. lui-même donne chaque année 5 kg de sucre à ses beaux-parents. Il compte continuer ainsi. La vieille Sayon avoue qu’elle se dispute tout le temps avec son mari à la même période. « J’exige que mon mari apporte chaque année du sucre chez ma mère », dit-elle. Pour cette dame, grand-mère aujourd’hui, c’est une obligation pour son mari. Elle considère même que c’est une honte s’il ne le fait pas. Pour éviter cela, elle confie qu’elle le fait des fois à sa place. Pourtant, le cadeau de sucre pendant le Ramadan n’a rien d’une obligation religieuse. L’imam Yaya Cissé est formel. « Ce n’est pas écrit dans le Coran », précise-t-il. Mais, souligne-t-il, c’est juste un honneur qu’on fait aux beaux parents. Il explique que c’est quand on a vraiment les moyens qu’on peut se le permettre, dans le cas contraire, il n’y a pas lieu de forcer. « Il ne faut pas forcer en faisant quelque chose sinon on va à l’encontre de l’islam », prévient-il. Celui qui revend ses biens dans le but d’accomplir cette pratique, commettra un péché, précise Yaya Cissé. Avant d’insister sur le fait qu’il est interdit de faire des reproches à son gendre qui n’a pas pu s’acquitter de ce geste. Même analyse de la part d’un fidèle de la mosquée de Konatébougou, Amadou Koné, qui invite les familles à plus de compréhensions et à être moins exigeantes envers leurs gendres.

F. NAPHO

source : essor

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