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Entretien avec Fatoumata Keita, promotrice de “Figuira Editions J’ambitionne de donner plus de visibilité aux ouvrages maliens et africains”

“Je demande aux jeunes d’être patients, d’accorder du temps à leur production littéraire”

Ecrivaine de renom, Fatoumata Keita aspire désormais à aider à la promotion de la littérature malienne et africaine d’une toute autre manière. C’est dans cette optique qu’elle s’est invitée dans l’édition à travers la création d’une maison d’édition dénommée Figura Editions, avec laquelle elle ambitionne de révolutionner le monde de l’édition livresque au Mali. Dans cet entretien exclusif, l’auteure de la célèbre trilogie composée de “Sous fer”, “Quand les cauris se taisent” et “Les mamelles de l’amour”, nous parle, entre autres, de la particularité, des ambitions…de sa maison d’édition. Ecrivaine d’expérience avec une dizaine d’ouvrages à son actif, elle livre des précieux conseils aux jeunes écrivains qu’elle invite à une réinvention de l’Afrique par les Lettres.  

 

Aujourd’hui-Mali : Vous venez de créer une Maison d’édition du nom de Figuira Editions, pouvez-vous nous la présenter ?

Figura Editions est, si je peux le dire ainsi, la plus jeune des maisons d’édition de livres au Mali, pour le moment. Elle est officiellement opérationnelle depuis septembre 2019. Notre objectif, c’est l’Afrique. Figuira Editions édite des livres d’auteurs maliens et africains. La littérature africaine parce que les autres éditeurs ont toujours eu des problèmes avec les œuvres africaines. Une œuvre est portée par des langues et ces langues ont forcément leur incidence sur l’écriture. C’est à l’Afrique aujourd’hui de porter sa littérature.

A Figuira Editions, nous avons cinq collections, à savoir Les grandes voix d’Afrique, Grandes figures du Mali, Contes et Légendes de l’Afrique et Djiguya (espoir). Cette dernière collection est destinée à des jeunes et enfants que nous encadrons à travers des ateliers d’écriture et à certains, nous trouvons des mentors. Ces jeunes sont âgés de 8 à 25 ans.

Que signifie le mot Figuira et pourquoi son choix ?

Figuira est le nom de mon village d’origine. Il est l’un des plus vieux villages du Mandé, après Wanda et Niani. Fuguira était un village de Wanda, mais il va être déplacé par le gré des grandes invasions de Massassi de Kaarta, sur la rive gauche de Kangaba dans la commune de Maramambougou. Le mot Figuira signifie ceux qui se sont déplacés d’un point à un autre. J’ai choisi son nom ni parce qu’il est l’un des plus anciens villages du Mandé ni pour sa richesse culturelle, mais par ce que ce village m’a apporté. Il m’a permis de me reconstruire culturellement. Les deux années de ma scolarité que j’ai passées dans ce village ont beaucoup contribué à l’écriture de ma trilogie. Ce séjour à Fuguira m’a permis de découvrir les cultures de mon milieu d’origine.

Ecrivaine, vous vous lancez dans l’édition. Peut-on savoir ce qui a motivé ce choix ?

Plusieurs raisons ont motivé mon choix à me lancer dans l’édition.  Dans un premier temps, il arrive que nous ayons beaucoup de choses qu’on a envie de partager. Il arrive aussi souvent qu’on n’a pas envie que nos frères et sœurs et nos enfants vivent les difficultés que nous avons vécues. Aussi, j’ai un capital d’expériences dans la littérature pour enfants pour avoir travaillé pour une organisation internationale où je fais de la production de matériels didactiques depuis 2009. A la fin de ces projets, l’organisation s’en va avec les livres parce que nous n’avons aucun droit sur ces livres qui sont pour le Ministère et quand celui-ci n’a pas les moyens d’imprimer ces ouvrages, ils ne sont pas exploités chez nous.  A un moment donné, je dis que c’est un gâchis, d’autant plus que je peux mettre cette compétence de façon définitive à la disposition de mon pays en produisant des œuvres qui vont rester chez nous. Des ouvrages que je peux imprimer quand je veux.

J’ai publié chez plusieurs maisons d’édition au Mali comme ailleurs, mais sans satisfaction réelle. La plupart de mes œuvres ont été publiées chez La Sahélienne, souvent en coédition avec L’Harmattan. Je salue ces deux maisons de passage, notamment La Sahélienne qui m’a donné la visibilité qu’elle a pu, mais elle a eu ses limites comme toute œuvre humaine. Cependant, malgré les efforts de ces maisons, mes œuvres n’ont pas la visibilité qu’elles méritaient sur la scène internationale. Les Maisons d’Editions maliennes n’ont pas de soutien sur le plan de la visibilité. Je compte, à travers Figuira Éditions, œuvrer à donner plus de visibilité à nos ouvrages maliens et africains. J’envisage également des partenariats avec des maisons d’éditions étrangères pour plus de visibilité pour nos livres.

C’est le lieu pour moi de saluer toutes les personnes qui contribué à la création de cette maison car j’ai eu des soutiens sans lesquels le projet ne verrait peut-être pas le jour. J’espère pouvoir faire honneur à toutes ces personnes qui ont cru en moi et qui m’ont soutenue.

Qu’est ce qui fait la particularité de Figuira Editions ?

Nous avons une centaine de maisons d’édition au Mali, mais rares sont celles qui ont un comité de lecture. A Figura Editions, nous en avons. Je pense que si nous voulons une littérature compétitive sur la scène internationale, il faut qu’on mette du sérieux dans notre Edition. Mon comité de lecture n’est pas composé que de Maliens. J’ai des professeurs des universités du Mali, du Burkina, des professeurs de la Sorbonne à Paris. Je remercie ses personnes qui essayent de m’aider.

Nous comptons produire 10 livres par an. Je veux que les livres que je produis soient de bons livres car si je décide de faire quelque chose, je le fais bien. Mon ambition est que Figura Editions soit comptée parmi les meilleures maisons d’édition du Mali. Cauris éditions est l’une des maisons d’éditions qui m’inspire au Mali car à plusieurs de mes voyages à l’étranger, je vois des ouvrages de Cauris Editons dans les rayons des pays étrangers.

L’on peut dire que vous êtes désormais votre propre éditrice ?

Oui, on peut dire ça ! Cependant, hormis les livres pour enfants, je ne projette pas de m’éditer en me relisant moi-même. Je n’ai d’ailleurs plus envie d’écrire encore de livres à part les livres pour enfants, mais ma muse me surprend ces derniers temps et je me vois en train de commencer un autre roman comme une suite de la trilogie. S’il arrive que mon roman soit publié, je le publierais en coédition avec une autre maison d’Edition.  Je crois, ce serait La Continentale, une maison d’édition française avec laquelle je suis déjà en discussion pour une éventuelle collaboration. Cette maison envisage d’acheter même une part des droits de ma trilogie qu’elle souhaite republier. La Continentale promet, à travers cette republication, de me donner plus de visibilité à travers le monde. Mais la trilogie est encore sous les droits de La Sahélienne jusqu’en mai 2021. Cette collaboration entre Figuira Editions et La continentale me tient vraiment à cœur car je crois qu’elle sera une grande opportunité sur le plan visibilité pour ma jeune maison.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée pour ce début dans le monde de l’édition ? 

Les difficultés pour nos débuts sont financières. C’est pratiquement le problème dans toutes les maisons d’éditions. Mais moi, j’ai la chance d’avoir, dans mon comité de lecture, des personnes bénévoles qui ont décidé d’eux-mêmes de m’accompagner. Des personnes que je ne paye pas à la fin du mois.

J’ai la chance d’avoir une écrivaine très connue du Burkina Faso, du nom de Bernadette Dao, dont les œuvres ont berné de nombres générations.  La deuxième grande difficulté c’est la distribution. Je suis toujours à la recherche de dépôts dans plusieurs pays. J’ai déjà quelques pays où les livres de Figura seront distribués. La question de distribution à l’international reste entière, mais nous cherchons à résoudre cette équation pour la plus grande visibilité de nos ouvrages en Afrique et dans le reste du monde, notamment en Europe.

Avez-vous un message à l’endroit des écrivains maliens, notamment les jeunes ?

Je reçois beaucoup de manuscrits, mais je rejette bon nombre d’entre eux, malheureusement. Il y en a que j’ai décidé d’aider à s’améliorer et à murir leur œuvre. L’un des problèmes de certains jeunes écrivains, c’est qu’ils pensent que ce qu’ils écrivent est intouchable. Mais rares sont les auteurs dont on ne change pas grand-chose dans leurs écrits. Même moi, quand j’écris un livre, je l’envoie à beaucoup de personnes qui font leurs remarques. Des remarques qui m’aident à améliorer mon livre.  Je demande aux jeunes d’être patients, d’accorder du temps à leur production littéraire. Ils ont la vie devant eux. Je leur demande de mettre leur cœur, leur temps et leur sueur dans leur œuvre.  Tous les manuscrits ne sont pas éditables. Il faut qu’ils prennent le temps pour faire de belles œuvres.

Si j’écris un livre, je mets un an pour le relire et l’améliorer. Par exemple, mon roman Sous Fer m’a pris environ 10 ans pour pouvoir y mettre tout ce que j’ai comme richesse intellectuelle. Les deux autres volets de la trilogie, notamment Quand les cauris se taisent et Les mamelles de l’amour, que j’ai écrits simultanément, m’ont pris 3 ans pour être éditables. Tout ce que j’avais comme richesses en termes de tournures grammaticales, forme poétique, figure de style, je revenais à l’œuvre pour les y porter. Je pense qu’on a besoin d’expérience aussi dans l’écriture. Je dis aux jeunes d’être patients. Nous avons toute notre vie pour écrire. Mon désir est vraiment d’aider les enfants écrivains, mais il faut qu’ils se donnent du temps pour faire du bon travail.  Je demande également aux jeunes de lire car la lecture les aide énormément dans l’écriture de leur livre.

Quel sera votre mot de la fin ?

Je vous remercie vous et votre journal pour votre intérêt pour la promotion du livre au Mali. Je remercie toutes les personnes qui m’aident à visage découvert ou couvert pour la réussite de Figuira Edition. C’est le lieu aussi de remercier tous nos partenaires, notamment Binthily Communication et Imprim-Services qui sont des partenaires très précieux pour moi. Je dis à la jeunesse qu’on a à écrire l’Afrique. Ecrire l’Afrique et réinventer l’Afrique, c’est d’abord par la littérature, c’est dans les mots, dans les concepts. C’est de pouvoir expliquer l’Afrique au reste du monde et cela passe par nous les producteurs d’idées. Nous avons du pain sur la planche.

        Réalisée par Youssouf KONE

 

Source: Aujourd’hui-Mali

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