Ventre affamé n’as point d’oreilles. La faim fait sortir le loup du bois.
Après le second tour de l’élection des députés à l’Assemblée nationale d’hier dimanche 19 avril 2020, les regards sont à présent braqués sur le Président de la République et son gouvernement quant aux mesures concernant les villes infectées par le Covid 19, Bamako notamment. Dans son adresse à la nation du 10 avril, Le Chef de l’Etat a émis l’éventualité d’un isolement de la capitale. «Le gouvernement n’a pas d’autre choix que de s’assumer. Tout en privilégiant la pédagogie de la persuasion par le dialogue, il est le principal garant de la santé publique. Dès lors, il examine, avec l’avis du Conseil scientifique, la possibilité d’isoler Bamako, épicentre de l’épidémie, du reste du territoire. La population sera informée de la décision qui sera prise dans les heures à venir. Les heures d’ouverture et de fermeture des marchés, foires rurales et supermarchés sont revues et elles seront communiquées par les voies les plus appropriées», a-t-il déclaré.
Bamako sera-t-il isolé après les législatives ? Quelles conséquences aura une telle décision aux plans économique et social ? Sur le plan sanitaire, est-il trop tard d’isoler la capitale ? Faut-il adapter les heures du couvre-feu au mois de Ramadan qui commence dans quelques jours ? Les mosquées resteront-elles toujours ouvertes ? Voilà quelques interrogations pertinentes pouvant servir de base à une véritable réflexion.
A l’état actuel de la situation, le président IBK et son gouvernement doivent éviter l’épreuve de force. Les équilibres sont fragiles. Ils ne disposent pas de socle solide pour être sûrs de l’issue d’une telle épreuve en leur faveur. Le climat social est pourri à cause des grèves dans le secteur public, dont celui de l’éducation. Déjà la tenue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale nécessaire pour éviter un vide institutionnel susceptible de basculer la République dans l’inconnu, est contestée par plusieurs de nos concitoyens redoutant une contamination massive. Les écrits, sons et images véhiculés sur les réseaux sociaux et certains médias sur des vols en provenance de la France et d’autres pays contaminés ont largement contribué à mettre en mauvaise posture un gouvernement se contentant comme à son habitude de se justifier par des communiqués sans saveur. A tort ou à raison, nombreux sont les Maliens qui attribuent une part de responsabilité de nos gouvernants dans la propagation de la maladie.
Sur la pandémie, la communication gouvernementale sème souvent le doute dans les esprits. Jusque-là, des Maliens ne sont pas convaincus de l’existence de cette maladie et d’autres récusent les chiffres officiels communiqués. Les comportements n’ont pas beaucoup changé en dépit des mises en garde formulées çà et là par les spécialistes en la matière. Cela prouve à suffisance qu’il est difficile de déconstruire les croyances en Afrique en général et au Mali en particulier, liées aux fausses informations circulant sur le Covid.
Toute décision qui va être prise doit obligatoirement tenir compte du vécu quotidien de ceux à qui elle s’applique. Les décisions du ministre des Transports et de la Mobilité urbaine relatives au transport public ainsi que celle de son collègue de l’Industrie et du Commerce sur l’ouverture et la fermeture des marchés sont restées lettres mortes.
Les mesures annoncées par le Président IBK dans son adresse du 10 avril ne sont pas de nature à avoir des impacts immédiats sur le quotidien de ces milliers de personnes qui cherchent leur pain au quotidien dans l’informel. Il faut continuer à privilégier «la pédagogie de la persuasion par le dialogue». Car, pour le Secrétaire exécutif du NEPAD, l’Agence de développement de l’Union africaine, Ibrahim Hassan Mayaki, «On ne peut pas confiner la pauvreté».
Chiaka Doumbia
Le Challenger