Les élections communales se sont déroulées le 20 novembre dernier avec des fortunes diverses. C’est le moment de tirer les leçons de ce scrutin. Les services du ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la réforme de l’Etat sont appelés à corriger les défaillances organisationnelles afin de mieux organiser les élections régionales à venir. En attendant les résultats définitifs, le Rassemblement pour le Mali (RPM) pourra conserver son statut de première force politique du pays. L’Union pour la République et la Démocratie, la principale force politique de l’opposition, résiste au tsunami et obtient des victoires symboliques. L’ADEMA-PASJ pourra minimiser les dégâts, même s’il est fort probable que l’ancien parti au pouvoir perde du terrain. Déjà à Bamako, l’ADEMA perd le contrôle des mairies de la commune I, II, V et VI. Seule la commune III reste sous le giron des abeilles. Tout laisse penser que l’échiquier politique est sous la domination de la fratrie ADEMA- RPM-URD. Le recours aux alliances contre-natures qualifiées de « métissage bâtard » par le Président de la Convention Sociale Démocrate (CDS-Mogotigiya), Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, brouille les pistes et ne permet pas de mesurer les forces réelles des formations politiques, lesquelles se glorifient à tort ou à raison de grands partis.
Les responsables du RPM doivent avoir le triomphe modeste et tirer les leçons de ce scrutin. Le Président du Parti, Dr Bocary Tréta perd à Ténenkou. A Gao, Abdoulaye Idrissa Maïga et Malick Alfousseiny gagnent difficilement face au maire sortant, Sadou Diallo. Les ministres Ousmane Koné, Ramatoulaye Diallo et Nango Dembélé prennent un raclé à Sikasso, un vrai vivier électoral. Le Président de l’Assemblée Nationale, Issaka Sidibé, est humilié à Koulikoro. Le nouveau Secrétaire général, Me Baber Gano, est l’un des rares responsables à tirer son épingle du jeu. Le RPM fait une percée dans le cercle de Djenné, une localité jusque-là acquise à l’URD. La défaite de certains barons dans leurs fiefs et la victoire à l’arrachée exigent une véritable remise en cause dans la perspective de 2018. Les résultats du scrutin du 20 novembre ne manqueront pas de créer une certaine frayeur au sein du RPM et de la majorité présidentielle dont le mot d’ordre est de tout mettre en œuvre pour relever le challenge de la réélection du Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui fait face à plusieurs équations difficiles à résoudre.
Première équation à résoudre, la reconstitution de la majorité présidentielle. Cela va-t-il se faire autour du RPM ? Qui sera donc membre de cette majorité ? Voilà deux questions principales qui divisent l’entourage du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. En effet deux camps s’affrontent. Le premier estime qu’il faut nécessairement une nouvelle majorité autour du RPM avec des partis alliés sûrs. Les tenants de ce courant sont convaincus qu’il faut travailler à isoler l’ADEMA-PASJ dont les cadres risquent d’avoir des ambitions pour la présidentielle de 2018. Le second camp veut qu’on travaille à renforcer l’ADEMA-PASJ afin de permettre que l’ancien parti au pouvoir puisse sortir du socle de la réélection du chef de l’Etat.
L’autre équation que le Président Ibrahim, avec une « santé fragile », est appelé à résoudre, est plutôt compliquée. Il s’agit de la mise en place d’un nouveau gouvernement avec à sa tête un cadre du RPM et dont certains postes régaliens devraient revenir aux tisserands, tels que l’économie et les finances. Cette nouvelle équipe exclura certains « faux alliés » et des personnalités sans coloration politique. Tout cela peut s’avérer périlleux dans un contexte marqué par des frustrations sociales et politiques.
Face à l’impopularité du Président de la République et surtout sa rupture vis-à-vis de son électorat, certains de ses compagnons n’hésiteront pas à se démarquer de la majorité présidentielle afin de se préparer dans la perspective des échéances de 2018. Mais avant, il y a les régionales.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger