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Entre nous : L’équation Amadou Haya Sanogo & co ?

Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a promulgué, le 24 juillet 2019, la loi n°2019-042 portant entente nationale. Selon l’article 3, « les dispositions de la présente loi s’appliquent aux faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par le code pénal malien, les autres lois pénales spéciales et les conventions et textes internationaux ratifiés par le Mali en matière de protection et de promotion des droits de l’Homme, survenus dans le cadre des évènements liés à la crise née en 2012 et qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale ».

 

L’article 6 ajoute que « par devoir national, la présente loi offre, dans les conditions fixées aux chapitres II, III et IV ci-dessous : le bénéfice du Pardon national à toute personne ayant commis ou ayant été complice des faits visés par l’article 3 ci-dessus ; le bénéfice des mesures de solidarité et d’assistance nationales à toute personne ayant été victime des faits visés par l’article 3 ci-dessus ou, le cas échéant, à ses ayants-droits ». L’article 18 prévoit l’extinction de l’action publique à l’égard de toute personne détenue, non condamnée définitivement, pour avoir commis ou avoir été complice d’un ou plusieurs des faits visés par l’article 3 de la présente loi. Les bénéficiaires de l’extinction de l’action, précise l’article 20, sont libres de leur mouvement, sitôt accomplies les formalités prévues par la présente loi.

Le capitaine général Amadou Haya Sanogo et certains de ses compagnons, détenus dans l’affaire dite des bérets rouges du nom des éléments du 33ème régiment des commandos parachutistes froidement exécutés et jetés dans une fosse commune, peuvent-ils bénéficier des dispositions de la loi d’entente nationale ? Il faut poser la question au ministère de la réconciliation, selon Me Moctar Mariko, Président de l’association malienne des droits de l’homme (AMDH). Au niveau du ministère de la justice, on fait cas d’une volonté politique affichée et réelle d’aller, d’ici à la fin de l’année, vers le procès du capitaine général Sanogo.

Le Burkina Faso juge ses anciens putschistes. Pourquoi le Mali n’arrive-t-il pas à en faire autant ? Le procès de Sanogo et compagnie gène-t-il le Président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) et son gouvernement ? Le Président IBK est-il prêt à envoyer son ministre de la défense devant la Cour d’assises ? Le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako va-t-il déclarer, dans les jours à venir, l’action publique éteinte contre le capitaine Sanogo et ses compagnons conformément à cette loi d’entente nationale ?

« Toute la responsabilité du retard dans la tenue du procès de Amadou Haya Sanogo et autres incombe au seul gouvernement. Ce dossier, brûlant pour le politique, n’a rien de spécial ou de sorcier pour les magistrats », a confié Cheick Mohamed Chérif Koné, Président de l’Association malienne des procureurs et poursuivants du Mali.

Me Mamadou Ismaïla Konaté a démissionné du gouvernement le jour où il a reçu les résultats des tests ADN, la seule et unique motivation du renvoi de l’affaire, le 8 décembre 2016 à Sikasso. A l’hôpital Gabriel Touré, la porte de la salle où sont stockés les restes des corps retrouvés dans une fosse commune à Diago a fait l’objet d’une tentative de défonçage. Par qui ? Difficile de répondre à cette interrogation.

Si le gouvernement d’IBK met fin aux poursuites contre le général Sanogo et certains de ses compagnons, il jettera un lourd discrédit sur les institutions et donnera une très mauvaise image du pays. L’ex-ambassadeur d’Allemagne au Mali, Dietrich Becker, a récemment confié à notre confrère « L’indépendant » qu’il a personnellement plus confiance aux populations dans les campagnes et aux sages dans les villages qu’aux institutions de la République du Mali.

La meilleure option pour permettre aux institutions de garder leur crédibilité passe par la conduite jusqu’au bout de toutes les actions judiciaires. Aucun autre choix ne grandit ni les tenants du pouvoir, ni les personnes mises en cause. Pis, il engagera la République sur une pente plus que glissante. Les sorties de l’ex-ministre de la défense, Général Yamoussa Camara, contre certaines personnalités proches du Président IBK prouvent que les plaies sont loin d’être cicatrisées.

Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger

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