«Le Mali ne s’est pas donné les moyens d’avoir une armée autosuffisante. La preuve : la première chose que la junte a faite, après son coup d’Etat militaire (au mois d’août 2020) c’est de réitérer sa demande de soutien de la force française Barkhane. C’est la première chose que les putschistes nous ont demandée, ainsi que le président de transition, pas plus tard qu’hier ». Ces phrases sont du président français, Emmanuel Macron. Elles sont extraites du livre « Le Piège africain » des journalistes Antoine Glaser de « La Lettre du Continent » et Pascal Airault de « L’Opinion ». Ces morceaux des propos du président Macron ont été choisis et publiés par le journal en ligne « Mondafrique ».
« L’Armée malienne se trouve dans un piteux état. Elle est déstructurée, démotivée, sous-équipée et rongée par la corruption. Cette douloureuse descente aux enfers fut un processus long, programmé peut-être, en tout cas prévisible. Elle fut insidieuse et fortement corrosive. Les capacités se sont effilochées d’année en année, avant de disparaître sous les coups de boutoir des politiciens mal avisés. Chacun des régimes qui se sont succédé depuis la fin des années soixante-dix y a sa part de responsabilité : sous-équipement ou obsolescence de l’existant, insuffisance de crédits, mauvaise politique de recrutement et absence de plan de carrière, gestion laxiste des intégrés, créant au sein des corps de troupe un sentiment d’injustice. L’armée a bel et bien commencé à s’enfoncer dans un immense trou noir, vers la fin des années quatre vingt, sous le régime finissant de l’UDPM ». Ces propos sont tirés du livre « Présumé coupable. Ma part de vérité » du général Yamoussa Camara, ancien ministre de la Défense et des anciens Combattants.
Le président français a raison. Le Mali ne s’est pas donné les moyens d’avoir une armée autosuffisante, capable d’assurer la défense de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Mais le président français évite juste d’ajouter les manœuvres entreprises en coulisses par son pays pour rendre difficile l’accès du Mali à certains types d’armes.
Quant au général Yamoussa Camara, fort de ses trente-six années sous le drapeau, il dit vrai. Il sait de quoi il parle. La situation actuelle du pays est la parfaite illustration de l’état de déliquescence de l’Armée malienne. Le général Camara analyse dans son livre les différentes causes de cette déliquescence même s’il n’aborde pas les conséquences des coups d’Etat. Or, du 19 novembre 1968 au 18 août 2020, les coups d’Etat ont largement contribué à détruire l’armée malienne.
Un pays doit-il compter sur les autres pour assurer sa propre défense ? La disparition brutale du maréchal du Tchad, Idriss Déby Itno, a accentué davantage les inquiétudes au sein d’une partie de l’opinion publique. C’est un leurre. Aucune nation ne peut compter sur une autre pour assurer sa défense et sa sécurité.
Au Mali, nous dormons sur les nattes des autres. Joseph Ki-Zerbo sous-titrait son livre consacré au développement endogène avec un proverbe africain selon lequel « dormir sur la natte des autres, c’est comme si l’on dormait par terre ». Il faut s’atteler sans relâche à bâtir une armée efficace et performante. Et cela a un prix. Acceptons de consentir ce sacrifice. Loin des bruits des réseaux sociaux où tout le monde est devenu expert en tout.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger