L’Office Central de Lutte Contre la corruption et l’enrichissement Illicite(OCLEIL) a présenté à la presse, le samedi 4 janvier 2020, son rapport d’évaluation des activités liées à la prévention et à la répression de l’enrichissement illicite couvrant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018. Dans sa présentation, le Président de l’OCLEI, M. Moumouni Guindo, a révélé que le dossier de trois fonctionnaires, qui se seraient enrichis illicitement, a été déjà transmis à la Justice.
Selon le conférencier Moumouni ” des progrès notables ont été réalisés dans la lutte contre la corruption. Il s’agit notamment de l’existence physique de l’OCLEI dans l’architecture institutionnelle du pays, de l’évolution significative du nombre de déclaration de biens, de la mobilisation des ressources financières au niveau national et international. Pour lui, 89 Déclarations de biens ont été faites au niveau de la Cour suprême en 2017.
Selon, le conférencier ‘’les principales méthodes et pratiques d’enrichissement illicite couramment utilisées par les agents publics sont : la perception de pot-de-vin avec une concurrence de 39,24% ; le détournement des deniers publics avec 25,60% et l’abus des d’autorités avec 11,95%.
Selon l’indice de perception de la corruption établi par l’ONG Transparency International, le Mali est classé à la 29ème place parmi les 54 pays africains les plus corrompus et à la 122ème place sur les 180 pays au niveau mondial.
Au total l’OCLEI a mené des enquêtes sur 35 personnalités et a remis à la justice des dossiers de corruption de trois fonctionnaires qui portent sur 4 milliards FCFA environ.
À en croire le président de l’OCLEI, le premier concerne un inspecteur des services de sécurité sociale : «Nous avons identifié 17 maisons d’habitation dont trois maisons ont déjà été vendues ; 4 véhicules particuliers. La valeur des biens est de 969,31 millions à titre d’expertise (fait par des experts évaluateurs immobiliers) alors qu’en 6 ans (2014-2019) son revenu est estimé à 63,3 millions et la somme à justifier est de 906,02 millions FCFA », explique-t-il.
Il ajoute : « Le deuxième dossier concerne un inspecteur des Finances. Il possède 18 maisons d’habitation dont une résidence, un bâtiment de trois étages avec une piscine, qui a coûté 400 millions de FCFA. Pendant que l’enquête était en cours, il a vendu trois maisons, plutôt à brader (une villa à l’ACI à 10 millions de FCFA) à ses propres enfants mineurs. Nous avons trouvés 18 maisons non encore bâties. Le total des biens s’élève à 1 milliard 751 millions de FCFA alors que le total de ces revenus légitimes en 6 ans (2014-2019) est de 27 millions. Et le montant total à justifier pour cet individu est de 1 milliard 720 millions».
Avant de conclure : « Le troisième concerne aussi un inspecteur des Finances. Nous avons identifié 20 bâtiments dont 17 maisons d’habitation, deux écoles privées, une ferme agricole mise en valeur, 46 parcelles dont l’essentiel est en titre foncier, deux maisons d’habitation déjà vendues, un bâtiment commercial vendu aussi. Cette personne a beaucoup utilisé des prête-noms. Il y a ses enfants de 2 ans, de 4 ans et de 6 ans qui possèdent des maisons de 300 millions, 100 millions, 200 millions etc. La valeur présumée de ses biens a été estimée à 1 milliard 562 millions de FCFA à titre d’expertise alors que son revenu légitime en 6 ans est de 29,47 millions FCFA. Et la somme totale à justifier pour cet homme est de 1 milliard 591 millions».
Aujourd’hui, la question que l’on se pose, est de savoir si cette chasse aux « voleurs » de la République touchera tout le monde. Jusqu’où s’étendra la nasse ? Bien malin celui qui saurait y répondre par l’affirmative. Toujours est-il que cette initiative devrait restaurer l’image écornée du Mali, qui, comme on le sait, est coutumier des scandales financiers.
Cela dit, ce réveil de la justice, pourra-t-il arrêter l’hémorragie ? Rien n’est moins sûr. Car, force est de constater que la corruption passe pour être une marque déposée au Mali.
Pourvu que cette opération ne soit pas une tempête dans un verre d’eau
En tous les cas, souhaitons que le coup de pied que la Justice veut donner dans la fourmilière révèle d’autres scandales, car, ceux qui ont été révélés peuvent n’être que la partie visible de l’iceberg. La corruption a fait beaucoup de tort aux Maliens. Surtout dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. On se rappelle en effet, que du matériel militaire nouvellement acheté, était quelques mois après, hors d’usage et ce sont donc les « fous d’Allah » qui se frottaient les mains. Ce scandale avait même poussé la société civile à donner de la voix pour dénoncer la mal gouvernance d’IBK.
Si derrière cette initiative, c’est le régime d’Ibrahim Boubacar Keita qui est à la manœuvre, l’on peut croire que le président du Mali veut terminer son deuxième mandat en redorant son blason. Il a donc les mains libres pour traquer tous les ripoux de la République. Du reste, l’on se rappelle que « Kankeletigui » avait promis d’éradiquer le mal, si le peuple lui accordait un second mandat. Est-ce cette promesse qu’il essaie de tenir en lançant cette opération ? En tout cas, les autorités maliennes doivent montrer patte blanche en faisant de la lutte contre la corruption, leur priorité. Et pour cela, elles se doivent de faciliter la tâche au procureur afin qu’il ratisse large. En tout état de cause, toutes les sombres affaires de détournement de fonds publics doivent être élucidées pour ne pas hypothéquer l’avenir des enfants du Mali. Pourvu que cette opération ne soit pas une tempête dans un verre d’eau.
Jean Pierre James
Source: Nouveau Réveil