Tout néophyte ou tout profane définirait le journalisme comme un métier comme tant d’autres où une femme ou un homme, de préférence jeune, se dédie à vouloir rapporter un événement, décrire une situation, analyser un fait, soit pour informer soit pour distraire. Cet événement, cette situation ou encore ce fait pourrait être d’ordre social, économique, culturel, politique, religieux, et que sais-je encore et…. même sportif.
Quant au petit Larousse Illustré de la langue française, l’édition importe peu, dictionnaire de référence s’il en fut un, dit ceci : journalisme «profession de journaliste» et journaliste « professionnel chargé, au sein d’un média, de sélectionner des informations, de les vérifier et de les mettre en forme».
Mais rapporter un événement, décrire une situation, analyser un fait, peut-il faire d’une jeune personne un journaliste ? Que fait alors l’historien, le conteur ou tout autre trouvère ou troubadour ? Et puis, pourquoi vouloir définir ce métier ! Il vaut mieux le laisser à des spécialistes ! Mais j’avais bien dit que cela aurait pu être le point de vue d’un néophyte ou d’un profane. Et puis, pourquoi définir ce métier ! Il y en a qui le font si bien depuis de fort longues années et le métier lui-même existe depuis des décennies sinon depuis les premiers moments de l’humanité.
Car si être journaliste c’est raconter, décrire ou analyser, que fait–on toutes les fois que-sans être pour autant jeune-l’on parle à quelqu’un ou que l’on parle de quelqu’un ou même que l’on médite soi même sur une question ou une situation donnée ? La pensée, en effet, n’est pas née avec le métier «nouveau» de journaliste. Et puis dans ce mot, se trouve une idée de temps et d’écriture ! Alors quid de celui qui conte sans rien lire d’écrit, qui explique sans tenir compte du temps ?
Je voudrais en réalité m’essayer à décrire les postures de l’individu qui, pour raconter, décrire ou analyser, se met dans tous ses états ou en tout cas peut se trouver dans tous les états et dans toutes les situations. Dans tous les Etats et dans tous les lieux. Physiquement et moralement et même des fois spirituellement. Est-ce parce que quelqu’un se met ou se trouve dans tous les états et même dans tous ses états, qu’il peut être considéré comme un journaliste, que dis-je comme un sportif ?
Mais au fait qu’est-ce qu’un sportif ? En nous référant toujours au petit Larousse Illustré, nous pouvons lire, lorsque le mot est un adjectif : «relatif au sport, qui manifeste de la sportivité » et lorsqu’il est un nom et adjectif : « personne qui pratique un ou plusieurs sports». Je souhaiterais m’intéresser à la personne.
JOURNALISTE OU SPORTIF ?
Alors pourquoi vouloir comparer un journaliste à un sportif ? Et le sportif est-il journaliste ? Rien qu’à cette double question, l’on se rend compte que le but de cette élucubration cérébrale n’est point de vouloir définir ou dire ce que fait un journaliste ni l’objet d’un journaliste. Il me semble qu’il s’agit bien plus d’épiloguer ou en fait de gloser sur les conditions dans lesquelles cet homme ou cette femme, jeune ou vieux, exerce ce beau et noble métier ? Du reste, existe-t-il des métiers qui ne soient ni nobles ni beaux ?
Je vous invite à observer à votre tour un journaliste. Comment il opère ! Debout la plupart du temps, assis des fois, penché selon les situations, assis s’il le faut, en situation de travail ou de repos. Marchant quelques fois, trottinant aussi et courant à grandes enjambées si c’est nécessaire. Mais ce n’est pas tout ! Quelle partie de son corps physique ne rentre pas en action ? Quelle disposition morale, intellectuelle ou spirituelle n’adopte-t-il pas ?
Encore une fois, il faut le répéter. Il et elle ont besoin de toutes leurs facultés physiques, jusque à ses yeux qui se ferment l’un après l’autre pour affiner une prise- ses lèvres connaissent des commissures sans qu’il ou elle n’en ait conscience, ses oreilles sont tendues pour entendre mais surtout pour écouter, et donc, je ne vous parle point de ses membres- qui sont les parties les plus sollicitées du sportif-ses facultés intellectuelles, morales et spirituelles entrent en ébullition, s’il veut produire un bon papier au lieu d’un choux gras.
Traduisons tous ces exercices – déjà ce mot exercice rappelle le sport, physique mais aussi intellectuel. Le journaliste fait de la méditation dès la conception de son plan de travail, il fait de la marche, il fait de l’haltérophilie ( on peut exagérer dès fois) en transportant tout l’arsenal d’appareils et d’équipements indispensables à son métier, il ne fait certes pas de la musculature mais il se fait les muscles, il court sans pour autant faire du jogging, il enjambe et saute les barrières brûlant les interdits des agents de sécurité ou de l’ordre, et pourtant il n’est pas à une compétition d’athlétisme pour le saut en hauteur ou en longueur ni ne fait les 100 m /haies, ni le triple saut. Il doit souvent marcher à cloche-pied, il a pourtant dépassé déjà l’âge de jouer à la marelle et du saut à la corde. Fatigué, il se tient debout sur un pied puis l’autre.
Impatient dans l’attente d’une personnalité, il n’a pas le droit de dormir, alors il se concentre sur une porte, une issue, une sortie, un véhicule ; et pourtant ce n’est point à un exercice de yoga auquel il se contraint, tout comme quand il est obligé de s’asseoir les jambes croisées, position à la fois de méditation et de prière par excellence s’il le fut, parce que là aussi souvent il doit se mettre à genoux pour ne pas gêner un confrère situé derrière lui pour avoir une meilleure prise de vue.
SPRINT FINAL
Comme disait un grand journaliste, quand je lui ai dit que le journaliste est un sportif, dire alors qu’il y a des journalistes sportifs, est-ce un pléonasme ? Je lui ai répondu que je n’ai pas dit que le journalisme c’est du sport mais que le journaliste est un sportif. Car à cette vitesse, il me ferait dire que le sportif est un journaliste. Cela est pour le prochain tournoi …. sportif !
Erevan, octobre 2018
Emmanuel
SAGARA
Professeur de lettres
L’Essor