On nous annonce que tout est prêt pour la tenue de ces élections législatives : bulletins distribués, listes affichées dans les bureaux de vote… Dans cette ambiance de satisfecit préélectoral, un bémol néanmoins : au Mali, aucune trace de cette frénésie qui accompagne habituellement les derniers jours d’une campagne électorale. Meetings politiques rares, affiches des partis introuvables, joutes oratoires ternes. Bref, encéphalogramme politique constamment plat. Un scrutin qui suscite aussi peu d’engouement auprès des populations qu’il ne trouve d’échos dans les médias.
Que se passe-t-il donc ? C’est que l’actualité, toujours brûlante, nous détourne tous de ce calendrier électoral : d’abord, l’horreur indicible de l’assassinat des deux journalistes de RFI à Kidal plane toujours dans la région ; ensuite, les regards sont surtout tournés vers le général Sanogo, l’homme du 22 mars 2012, qui refuse toujours de se présenter à la justice [il fait partie des généraux responsables du coup d’Etat]. Et puis il y a des explications plus prosaïques : le manque de moyens financiers des candidats pour mener des actions sur le terrain, et, plus largement, la conjoncture économique difficile qui paralyse les partis politiques dans leur course à la députation. Tous ces facteurs viennent occulter ce qui se prépare pour ce dimanche… Au point que, surspris par la date du scrutin, certains en viennent à se demander : “Ah bon, y a une élection dimanche ?”
Renforcer la stabilité
Or, Dieu seul sait l’importance de ces législatives dans le processus de sortie définitive de la transition. En effet, pour cet Etat malien convalescent, disposer d’une Assemblée de députés élus qui vont examiner et adopter les lois, c’est parachever l’armature institutionnelle, c’est renforcer la stabilité du pays, c’est tourner la page de la transition, une bonne fois pour toutes. Trois mois après l’élection présidentielle, qui a permis aux habitants de reprendre espoir et qui a connu une mobilisation exceptionnelle, rien n’est encore tout à fait joué. Le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta, bénéficiera-t-il encore du soutien populaire qui l’a porté jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir ? Son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM), même s’il part favori, remportera-t-il l’adhésion massive et renouvelée du peuple ?
Pour le moment, les interrogations demeurent. Mais une chose est sûre : IBK a besoin d’une majorité à l’Assemblée. Pour gouverner, s’atteler pleinement aux chantiers du développement et continuer son entreprise de réconciliation nationale. Car la question du Nord, du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) [mouvement indépendantiste touareg] et de sa légitimité, n’est toujours pas résolue. Les incertitudes persistent, encore et toujours, oui, mais ce scrutin du 24 novembre devrait toutefois nous permettre d’y voir plus clair. Dans notre édito du 10 novembre 2013, nous écrivions en effet, à propos des législatives maliennes, que “ce sera l’occasion pour les membres du Mouvement de convaincre que les populations des régions du Nord (Kidal, Gao et Tombouctou), dont ils jurent la main sur le cœur qu’ils défendent les intérêts, les portent dans leur cœur”. Affaire à suivre.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons qu’un seul vœu pour dimanche : que ces élections se déroulent dans le calme, et que les fauteurs de troubles ne puissent pas s’adonner à leur sinistre dessein. Car la tenue même de ce scrutin constitue une victoire : victoire politique, victoire symbolique. Et même si la situation reste fragile, on peut d’ores et déjà s’en féliciter. Que de chemin parcouru ces derniers temps ! Quand on y repense : il n’y a que quelques mois seulement, on n’était sûr de rien. Vraiment de rien dans ce Mali transformé en bateau ivre en proie à tous les vents.