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Egypte : trois ans après la révolution, un anniversaire au goût amer

Ils sont d’abord cinq, puis dix, puis cinquante. Tous courent vers la même cible : un jeune homme aux cheveux longs, un appareil photo autour du cou. Pris au piège au milieu d’une foule de citoyens ivres de haine, il passe de mains en mains, roué de coups, traîné par terre, tiré par les cheveux. L’agression dure plusieurs minutes, insoutenable, avant que les quelques policiers présents n’interviennent et ne mettent fin à ce qui ressemble à un lynchage collectif en bonne et due forme.

 

policiers egyptiens caire

Photographe ? Révolutionnaire ? Egyptien ou étranger ? On ignore tout de cette victime, hormis le fait qu’elle représente une menace évidente pour ses agresseurs. « Appareil photo et cheveux longs ! Il a le profil type des gens accusés par les médias de comploter contre l’Egypte ou d’être des terroristes ! Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la police ou l’armée qui attaque, ce sont aussi les citoyens. Ils ont perdu leur humanité ! »

Effondrée, Naïra regarde la scène depuis le premier étage d’un immeuble du quartier de Borsa au cœur du Caire, où elle s’est réfugiée avec quelques amis manifestants et journalistes. Agée de 27 ans, la jeune femme participe à toutes les manifestations depuis le début de la révolution. Elle n’imaginait pas un troisième anniversaire aussi belliqueux. « S’ils nous voient, ils vont venir nous chercher, ferme la fenêtre ! », lui enjoint un de ces amis, lui aussi révolutionnaire.

RÉPRESSION AVEUGLE

Pourtant, à trois cents mètres de là, place Tahrir, l’heure est à la fête. Les hélicoptères de l’armée sillonnent le ciel, larguant des centaines de drapeaux aux couleurs de l’Egypte pour le plus grand plaisir d’une foule de plusieurs milliers de citoyens en délire, qui reprennent en chœur la chanson de l’armée « Tesalam el ayadi ». A l’appel du nouveau régime, ils commémorent la révolution de janvier 2011. Ils rendent également hommage aux forces de police, dont la fête a été réhabilitée ce jour-ci pour la première fois depuis la chute d’Hosni Moubarak.

Les jeunes révolutionnaires n’avaient pas choisi le 25 janvier au hasard. Jour de la fête de la police, ils descendaient dans les rues pourdemander « du pain, de la liberté, de la justice sociale » et la fin de l’Etat policier de Moubarak. Trois ans plus tard, l’anniversaire a un goût amer.

Depuis le renversement du président Frère musulman Mohamed Morsi par l’armée en juillet 2013, le ministère de l’intérieur, avec l’assentiment des militaires aux manettes, a retrouvé de sa superbe. La police s’attaque sans relâche et dans un esprit de revanche non dissimulé à toute forme d’opposition. Une répression aveugle soutenue par une large frange de la population, galvanisée par une rhétorique d’incitation à la haine et à la xénophobie diffusée par la quasi-totalité des médias.

« C’est horrible, je n’arrive pas à croire ce que je vois ! On ne peut même pas descendre dans la rue. Il suffit que tu sois pris pour un révolutionnaire ou un Frère musulman et tu te fais attaquer ! Même quand tu es journaliste, même quand tu n’es pas contre le régime, tu es en danger ! », poursuit Naïra, rongée par l’angoisse. « Je n’en peux plus ! C’est trop dur. Je ne veux pas me faire arrêter ! »

LE RÔLE DE « L’HONORABLE CITOYEN »

En ce jour anniversaire, les hostilités ont commencé en début d’après-midi. Dans le quartier aisé de Mohandessine, partie ouest du Caire, un millier de manifestants, révolutionnaires pour la plupart, pro-Frères pour certains, se sont rassemblés devant la mosquée Mostafa Mahmoud, point de départ emblématique des manifestations de janvier 2011. Trois slogans contre le régime militaire et dix minutes plus tard, ils essuyaient une pluie de gaz lacrymogène d’une rare intensité et s’enfuyaient par les rues adjacentes alors que certains riverains leur jetaient des cailloux depuis leur balcon.

C’est au centre-ville que la répression a été la plus violente. Un cortège d’une centaine d’activistes pacifiques marchant vers la place Tahrir a été dispersé à coup de gaz lacrymogène et de tirs à balles réelles. Sayyed Wizza, un jeune militant du 6 Avril, un des mouvements pro-démocratiques à l’origine de la révolution de janvier 2011, y a perdu la vie, abattu par les forces de police. Une course poursuite dans les rues piétonnes du centre-ville s’en est suivie, sous le regard médusé des commerçants qui tiraient les uns après les autres le rideau de fer de leur magasin, en saluant bien souvent l’action des forces de sécurité.

« La situation est pire que pendant les 18 jours d’affrontements contre les forces de Moubarak. Car, aujourd’hui, le régime militaire est soutenu par le peuple. Je ne peux pas dire que je suis contre le général Al-Sissi dans la rue », explique Talal, manifestant d’une vingtaine d’années, évoquant le tendance aujourd’hui partagée par beaucoup d’Egyptiens à jouer le rôle de « l’honorable citoyen ». C’est-à-diredénoncer les personnes soupçonnées d’œuvrer contre le régime et lesremettre gentiment dans les mains de la police.

54 MORTS

La nuit est tombée sur le centre-ville alors que des rixes éclataient entre pro-Sissi et opposants. Parmi les sympathisants du régime, on comptait bon nombre de policiers en civil, bien souvent armés de pistolets. Les médias égyptiens, fidèles à leur rengaine, ont accusé les manifestants Frères musulmans d’être à l’initiative des violences.

SOURCE / lemonde

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