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Egypte: l’armée donnne mandat à al-Sissi pour briguer la présidentielle

L’armée égyptienne a appelé lundi son chef, Abdel Fattah al-Sissi, architecte de la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en juillet, à répondre à l'”appel du peuple” en se présentant à l’élection présidentielle.

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Cet appel, lancé par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) dans un communiqué lu à la télévision entre deux clips vidéo à la gloire de l’armée et de la police, a levé les dernières ambiguïtés sur les ambitions du nouvel homme fort du pays.

Prudents, les Etats-Unis sont restés lundi évasifs sur la perspective de le voir briguer la présidence, mais ont souhaité que les autorités égyptiennes respectent à l’avenir “l’équilibre des pouvoirs”.

Le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a noté que la Constitution récemment adoptée à une écrasante majorité “permet quelques améliorations dans la protection des droits de l’homme”. Mais “nous restons préoccupés par des articles qui permettent que des civils soient jugés par des tribunaux militaires”, a-t-il ajouté. “L’équilibre des pouvoirs entre l’armée, le gouvernement civil et le pouvoir judiciaire sera aussi important”, a ajouté M. Carney lors de son point de presse quotidien.

Dimanche, Adly Mansour, nommé président par intérim par le maréchal Sissi le 3 juillet, le jour même de la destitution de M. Morsi, marquait une première étape en annonçant que la présidentielle se tiendrait avant les législatives et ce dans les trois mois à venir. Ce calendrier semble taillé sur mesure pour que le maréchal Sissi, de loin l’homme le plus populaire du pays, non seulement l’emporte aisément mais s’assure aussi une majorité au Parlement, selon les experts.

Lundi, le président Mansour n’avait plus qu’à promouvoir Sissi maréchal, le plus haut grade de l’armée, un titre présenté par les experts et son entourage comme un hommage appuyé et un “au revoir” de l’armée à son héros.

Quelques heures après, le haut-commandement de l’armée se réunissait, sous la présidence de M. Sissi, et publiait un communiqué estimant que “la confiance populaire donnée au maréchal Sissi est un appel auquel il faut répondre”. A quoi, le maréchal répondait, selon le texte, en remerciant le commandement militaire de lui avoir donné “le droit de répondre à l’appel du devoir”.

Un haut-gradé a indiqué à l’AFP que le maréchal Sissi allait sous quelques jours quitter ses fonctions au sein de l’armée, la Constitution interdisant à un militaire de postuler pour la magistrature suprême. “Ensuite, il va préparer un programme” à appliquer s’il est élu, pour “unir le peuple, restaurer la sécurité et la position internationale de l’Egypte”.

 

Engrenage de la violence

 

Secouée depuis trois ans par des crises à répétition et déserté par les touristes, l’Egypte est depuis juillet prise dans l’engrenage de la violence, les attentats contre les forces de l’ordre sont désormais quasi-quotidiens et la répression des pro-Morsi a fait plus de 1.000 morts.

Samedi, lors des célébrations du troisième anniversaire de la “révolution”, une cinquantaine de personnes ont été tuées lors de heurts entre manifestants et forces de l’ordre, l’ONU rappelant les forces de sécurité à “leur devoir de respecter le droit de manifester pacifiquement”. En outre, des milliers d’islamistes ont été arrêtés, dont la quasi-totalité de la direction des Frères musulmans, l’influente confrérie de M. Morsi qui avait remporté toutes les élections depuis la révolte de 2011.

Depuis, les leaders du mouvement islamiste sont, comme M. Morsi, jugés et encourent la peine de mort. Fin décembre, la confrérie islamiste a en outre été déclarée “organisation terroriste”, après un attentat meurtrier contre la police pourtant revendiqué par un groupe jihadiste basé dans le Sinaï.

C’est dans cette péninsule désertique que samedi le même groupe jihadiste, Ansar Beit al-Maqdess, qui dit s’inspirer d’Al-Qaïda, a affirmé avoir abattu un hélicoptère de l’armée. Et les attaques, notamment à la voiture piégée, ont gagné jusqu’au coeur du Caire, secouée par cinq explosions ce weekend.

 

‘Mythe du sauveur’

 

“Je comprends que les gens veuillent Sissi comme candidat. Ils ont peur pour leur sécurité et réclament un homme fort”, explique Alfred Raouf, cadre du parti libéral Al-Dostour qui a soutenu l’éviction de M. Morsi. Mais, dit-il, “j’aurais préféré une élection présidentielle opposant des candidats civils pour mettre en place une démocratie civile”.

Aussitôt après l’annonce de l’armée, Ibrahim Mohamed, un professeur de 44 ans, a affirmé à l’AFP que “le pays a besoin d’un militaire”. Car, a-t-il dit, “en temps de guerre, il faut un gouvernement militaire”.

Pour Karim Bitar, spécialiste du Moyen-Orient, la promotion du militaire de 59 ans au grade le plus élevé de l’armée est “une étape supplémentaire dans la construction politique et médiatique du mythe du sauveur, du héros et de l’homme providentiel”.

Par ailleurs, note ce directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), “d’ordinaire, cette distinction n’est octroyée qu’après une grande victoire militaire. Ce qui signifie que l’on a considéré que la répression actuellement en cours et la +guerre contre le terrorisme+ valaient un triomphe sur le champ de bataille”, affirme-t-il.

 

© 2014 AFP

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