La politique de la chaise vide a rarement profité à ceux qui la pratiquent. Conviés par le Président de la Transition deux fois en l’espace de dix jours en septembre dernier pour qu’ils acceptent prendre part aux Assises Nationales de la Refondation pour raison d’opportunité pour le peuple malien dans son ensemble de saisir l’occasion de, entre autres, se concerter autour de la vision de changement et des réformes globales necessaires, les chefs des partis politiques et de regroupements de partis politiques, pourtant dits d’un cadre d’échanges pour une transition réussie, ont toujours préférer jouer aux abonnés radicaux du refus. Leurs prétextes, comme toujours, ampoulés et démagogiques, mettaient toujours en avant l’inclusivité, mot galvaudé sans arrêt depuis au moins un an, mais qui ne signifie autre chose que faire obligatoirement de la place à tout le monde, majorité et opposition, qui n’existent pas vraiment en période transitoire. La quête de ce fourre-tout auquel ils ont été habitués pendant trente ans les a rendus sourds à tous les appels à l’union sacrée autour de la patrie.
Depuis, ils ont alterné bravades comiques et menaces stériles, allant jusqu’à décréter qu’ils ne reconnaîtront plus les institutions transitoires à partir du 27 février, puis à compter du 26 mars. Tant de tempêtes dans un verre d’eau n’ont servi, à leur détriment, qu’à prouver à l’opinion publique nationale et internationale qu’ils n’ont que la rondeur de la baudruche vite dégonflable. Et, surtout, ils sont apparus, par leurs horripilants chantages qu’il ne faut plus accepter, tels des lillupitions usant de la méthode des terroristes qui, même nains, font des coups d’éclat pour faire peur et attirer l’attention populaire sur eux. Un criminel vaut bien un autre, il faut l’admettre. Gouvernement inclusif, gouvernement d’union, d’ouverture, de mission : adieu veaux, vaches ! La Loi électorale a été promulguée, les autorités, conformément aux recommandations des ANR, s’attèlent à préparer les prochaines élections. Les partis politiques sont pour la démocratie comme les piliers pour un édifice, ils ont vocation à concourir aux suffrages et non à rechercher les conditions de piller l’État et la République. Ils ont désormais l’occasion de prouver qu’ils peuvent bien exister sans les subsides de l’État, comme le défi leur a été lancé par Seydou Traoré, ancien ministre et ancien président de la CENI. Mais on sait que sans l’argent public et l’énorme (mais immonde) capacité de monter des bureaux d’études et des agences mafieux pour pomper les deniers publics, nos partis n’ont pas une réelle assise qui leur permet d’aller vers les électeurs, et l’on comprend leur desarroi depuis le 18 août 2020. “C’est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde”, se gausse Boris Vian, écrivain français. C’est le cas de nos partis politiques dont les leaders n’ont pas véritablement d’assises populaires et ne parviendront certainement pas à se faire élire à l’issue d’élections régulières échappant à l’argent de la corruption, celui acquis grâce au brigandage au détriment de l’État. Gros pavé dans leur marre, l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, leur a administré un uppercut il y a quelques jours. Il a clairement martelé que les “gouvernements sont devenus des vaches à lait pour les partis politiques”. Pour illustrer son propos, il cite un cas pertinent d’une période transitoire : le Premier ministre Cheick Modibo Diarra est arrivé et a mis en place un gouvernement de technocrates; il a pris les meilleurs dans les différents domaines. Au bout de deux mois, les partis politiques se sont levés pour dire que ce n’est pas un gouvernement d’union nationale, que c’est un gouvernement de technocrates. La CRDEAO, déjà et toujours elle, obligé Cheick Modibo Diarra à ouvrir son gouvernement. Du premier au deuxième, on passe de 24 à 31 membres. Partage de gâteau : Adema, Codem, Cnid, Urd, Rpm à table, tout le monde a eu sa part…Ce n’est pas de ça dont on a besoin. Si on fait cela aujourd’hui, on finit de tuer le peu qui reste du Mali…
Qu’il me soit permis de citer des notes prises de l’intervention improvisée, en 2004, de l’écrivain français, Jean-Louis Gouraud, ancien directeur de la rédaction de Jeune Afrique, au festival d’Assilah (Maroc) : “…La démocratie voulue par l’Occident n’est-elle pas parfois dangereuse ? Dans des pays pluriethniques, le multipartisme n’encourage-t-il pas l’ethnicisme, n’exacerbe-t-il pas le tribalisme ? N’y a-t-il pas eu plus de morts politiques en Afrique après qu’on y eut imposé la dissolution des partis uniques qu’avant ? Ne va-t-on pas, de la même façon, compter bientôt plus de morts …?” Avec espoir que ce rappel n’est pas un cheveu dans la soupe, les Maliens doivent se rappeler sans cesse l’âpreté des luttes de 1991 et de 2020, le sang parfois versé, en ayant un regard rétrospectif sur l’action des acteurs politiques des trente dernières années et sur les perspectives heureuses créées par les dirigeants de la transition actuelle. Il y a de grandes leçons.
Amadou N’Fa Diallo
Source : Le National