Une sentence bambara nous enseigne qu’il y a des limites à trop tirer sur la queue de l’âne. De toute évidence, l’ancien président burkinabé ne connaissait pas cette sentence ou du moins ignorait sa portée. Il se trouve que d’octobre 1987 où il est passé sur le corps de son ami Thomas Sankara pour accéder au pouvoir à octobre 2014 où il a été contraint de franchir la frontière pour se sauver la peau, Blaise Compaoré n’a eu de cesse d’éprouver la patience de ses compatriotes. En franchissant année après année les limites qu’il a lui-même fixées, en changeant les règle du jeu à son avantage exclusif sans jamais se soucier des mises en garde de ses compatriotes, il avait certainement fini par prendre les Burkinabé pour des ânes et à s’estimer hors de portée de leur courroux. Quelle méprise ! En n’ayant pas compris la portée de la sentence bambara, Blaise Compaoré a reçu, sous la forme d’un coup de pied de l’âne, la sanction populaire : chassé du palais présidentiel, il est aujourd’hui en exil en Côte d’Ivoire. Pour le moment.
En attendant qu’il finisse de méditer sur son sort (ça peut être très long), en attendant un hypothétique médiateur qui pourrait plaider en faveur de son retour au Faso (ses nombreuses victimes l’y attendent de pied ferme), Blaise assiste en (télé) spectateur au démantèlement des derniers vestiges de son règne. Contre toute attente, les Burkinabé cheminent ensemble pour sortir le pays de l’impasse actuelle. Il est vrai que pour le moment les « anciens dignitaires » de l’ère Compaoré ne sont pas acceptés autour de la table parce que cristallisant sur eux les ressentiments des populations. Mais fort heureusement, les militaires, dont la tentation de se comporter en nouveaux maîtres a été réfrénée par les véritables acteurs du changement intervenu, se dévouent au nom de la réconciliation nationale à mettre tout le monde ensemble. Pour le moment, la seule véritable certitude c’est que la Transition durera un an et le successeur de Blaise Compaoré sera connu en novembre 2015.
Chez nous au Mali, presque personne n’a pleuré la chute de Blaise. En cela on trouve au moins deux raisons. Primo, les Maliens sont profondément rattachés aux valeurs démocratiques. Comme les Burkinabé, ils ont payé le prix fort en 1991 pour se débarrasser de l’une des dictatures les plus féroces. Secundo, Blaise Compaoré est connu pour être au moins celui qui offrait le gîte et le couvert aux rebelles. Protecteur pour les uns, parrain pour les autres, Blaise n’a jamais été accepté par les Maliens dans la médiation pour le retour de la paix. Avec sa chute, les Maliens espèrent voir les rebelles redevenir raisonnables parce que ne disposant plus de parrain capable de les nourrir, les loger, les blanchir et leur donner de l’argent de poche. En attendant de voir concrètement les bénéfices que le Mali pourra tirer du changement intervenu au Burkina, on peut dire que le coup de pied de l’âne n’a pas atteint que le seul Blaise.
Akhimy Maïga