On y est : ça commence à se déglinguer, tel un tricot dont une maille a filé, dans la kyrielle de partis politiques qui écument le boulevard démocratique national jusqu’à l’embouteillage monstre.
L’habituel communiqué du Cadre d’échanges du 29 mars dernier ne sera rien d’autre qu’un subterfuge pour masquer le délitement de ce regroupent qui ne pèse que le poids des illusions entretenus par quelques acteurs très conscients qu’ils ne peuvent plus peser sur le cours de la transition.
Mais le plus marrant est la dernière sortie de l’Adéma-Pasj, parti rénégat de la démocratie et de la Révolution du 26 mars 1991 dès 2000, au moins. Pas un seul observateur attentif n’a vu venir ce que l’on qualifie, depuis quatre à cinq jours, de retournement de veste spectaculaire, de virage à 180°, de reniement, etc., de la part de l’Adéma-Pasj le 1er avril 2023, si bien qu’on s’est contraint de refuser de croire au plus gros poisson d’avril jamais servi par un parti politique dans le landerneau politique national. Pour comprendre la stupéfaction des uns et des autres, il faut remonter à quelques quatre mois, le 20 novembre 2022. L’Adéma-Pasj, après un réquisitoire développé sur quatre pages contre le projet de nouvelle constitution, proposait sa condamnation : “En l’absence d’un dialogue politique national inclusif dans un cadre approprié devant aboutir à un large consensus autour du projet, l’Adema-Pasj, prenant acte des réserves et commentaires pertinents formulés par une composante significative des forces vives du pays, exhorte le Président de la Transition à renoncer à la poursuite du processus de rédaction d’une nouvelle Constitution”. Ne perdons pas de temps pour savoir si les mots ont des sens, ils l’ont et ceux utilisés par l’Adéma-Pasj dans l’invite au Président de la Transition sont précis et, politiquement, hautement expressifs. Mais ils donnent du vertige lorsqu’on les met bout à bout avec ceux que le parti de l’abeille solitaire a utilisés le 1er avril, comme si l’abeille était tout simplement pourchassée par les frelons. En effet, par la même façon de conclure après une débauche argumentaire, l’Adéma-Pasj proclame le 1er avril : “En conséquence, malgré ces réserves et commentaires pertinents ci-dessus formulés, l’Adéma-Pasj, soucieux de la stabilité et de la réussite du processus de transition en cours dans notre pays, prend acte du projet de Constitution ainsi finalisé et se fera le devoir d’en assurer une large diffusion auprès de l’ensemble de ses militants de l’intérieur et de la diaspora”. Voilà, il ne s’agit pas de galimatias auquel on ne comprend rien, les mots utilisés sont clairs et expressifs, politiquement.
Il y a certainement anguille sous roche, quelque chose de pourri au royaume de Danemark, pardon dans la Ruche. Les derniers évènements nous permettent de trouver quelques explications à cette sorte de fuite en avant. Il n’est caché à personne que l’Adéma-Pasj, avec d’autres certainement, était dans la logique de faire marcher contre la nouvelle Constitution et d’empêcher conséquemment la tenue du référendum. Entre temps, le jeudi, 23 mars, le Président de la Transition reçoit le rapport tant redouté de l’audit minier. Au conseil des ministres qui suivra le mercredi, 29 mars, il ne fait pas mystère de sa volonté de suivre personnellement le dossier. Que de l’angoisse naisse de cette décision, ceux qui étaient majeurs dès 1992 le comprendront. Depuis 1991, en effet, ce sont les acteurs de l’Adéma-Pasj et du CNID, notamment, qui ont successivement occupé les postes de ministres des mines et de directeurs de la DNGM. Or, cette période, jusqu’au 18 août 2020, correspond exactement à l’ère du bradage minier, des permis d’exploration et d’exploition de mines qu’on se livrait comme des cacahuètes et qui étaient vendus aux multinationales, donc contre les intérêts du Mali, juste pour que des délinquants à col blanc empôchent de significatives dividendes. Si le repositionnement de l’Adéma-Pasj est au prix d’un tel arrangement politique pour échapper à la justice, pour accorder l’impunité à des sangsues d’une époque, que le Président Assimi Goïta regarde mille fois la rougeur de nos yeux avant de consentir à passer par pertes et profits tant de crimes économiques qui nous ont causé de grands malheurs.
Amadou N’Fa Diallo
Source : Le National