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Édito : styles et situation

Ces derniers jours, les deux têtes de l’exécutif sont descendues au charbon. Le chef de l’Etat s’est rendu à Kayes, le chef du gouvernement à Kouakrou, Soumpi et Niafunké. La tâche a été plus facile pour celui-là que pour celui-ci. Après les bains de foule, en toute quiétude, il a pu répondre aux discours de bienvenue, poser la première pierre d’une infrastructure, inaugurer des réalisations. Le chef du gouvernement a dû se limiter aux accueils populaires et, sous la vigilance d’une garde rapprochée des plus étoffées, à des conférences de cadres en lieux clos.

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Cette différence dans l’exécution des activités est le reflet de la situation qui prévaut actuellement dans notre pays : rien n’y fonctionne au même rythme. L’autorité de l’Etat s’exerce sans conteste sur l’étendue du District de Bamako et sur les régions de Kayes et de Sikasso. L’insécurité commence deux cents kilomètres après Ségou et Koulikoro, relative en certains endroits, absolue en d’autres. Le dernier rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur la situation d’ensemble que connaît le Mali n’a pas eu l’heur de plaire à nos gouvernants. Ils y ont décelé un certain excès, une dose d’exagération. Le lecteur attentif, après en avoir pris connaissance, conclura : c’est alarmant, cela dépasse l’entendement. Le rapport s’intéresse à la situation d’ensemble durant le troisième trimestre de l’année en cours. En voici un passage extrait de la partie relative à la « protection des civils »

 

La situation en matière de protection des civils s’est nettement détériorée dans les régions de Ménaka et de Mopti. La présence limitée des Forces de défense et de sécurité maliennes et les moyens restreints dont elles disposent pour contrer les menaces ont encore eu pour effet d’exposer les civils à des risques accrus, tout comme les violations du cessez-le-feu et les affrontements qui ont eu lieu dans les régions de Gao et de Kidal et la situation instable qui règne à Ménaka.

Or, c’est précisément dans ces secteurs d’insécurité que le Premier ministre a choisi de se rendre. C’est reconnaître qu’il se déplaçait en terrain miné. Et c’est ce qui incite à parler de son style.

Dans la pratique, il semble avoir choisi entre la fougue juvénile frisant la témérité du deuxième chef de gouvernement  après 2013 et l’immobilisme stérilisant du troisième. Sur le terrain, la situation ne cesse de se dégrader. Il choisit cependant de s’y rendre, s’entretenir avec les cadres et les agents de son administration. Ce sont des images émouvantes qui nous furent données d’apprécier par l’ORTM, images du Premier ministre s’entretenant avec les agents de l’Etat pour leur exprimer ses encouragements, son appui et sa volonté de garantir leur sécurité. L’acte mérite d’être salué.

Cependant, nous sommes exigeants. Notre vœu est que l’on ne dise pas : il est venu, il nous a parlé, il est reparti et, depuis, rien de nouveau. C’est sur ce nouveau que porte  l’exigence. La tâche est âpre. Il ne s’agit nullement de se substituer à l’Etat et de dire ce qu’il faut faire. Les spécialistes en la matière le savent mieux que nous. Il serait excessif de soutenir qu’ils ne font rien. Mais leur handicap est patent, c’est le rapport dont il a été question plus haut qui le reconnaît : nos forces de défense et de sécurité sont sur le terrain, l’ORTM leur a tendu ses micros, ils ont affirmé leur engagement à ne pas faillir au devoir ; mais, il y a l’envers du décor : « les moyens restreints » dont elles disposent.

La situation dans le Centre et le Nord revêt deux aspects. Dans le Nord, nous n’avons pratiquement plus de prise sur les événements. Nous avons choisi de nous en remettre à une médiation internationale pour nous aider à recouvrer notre souveraineté sur des régions dont l’appartenance à la République est contestée. Sous son égide, nous avons signé un Accord pour nous rendre compte, par la suite, qu’il ne peut être appliqué qu’au détriment de notre unité.

Au Centre, notre responsabilité se trouve plus qu’engagée et plus d’une voix autorisée s’est élevée pour le dire : c’est au Mali d’assurer sa sécurité.

Le style distinguant le Premier ministre gagnerait à être soigné davantage. Les déplacements sur Kouakrou, Soumpi et Niafunké susciteraient davantage d’espoir s’ils s’accompagnaient, progressivement, du recul des menaces que l’insécurité fait peser sur les populations. Tant que le Centre ne sera pas sécurisé, le Nord ne sera pas stabilisé, réintégré. C’est un Etat fort qui négocie pour faire prévaloir ses droits, non un Etat failli. Plus que jamais, l’Etat est à restaurer dans toutes ses prérogatives et, l’Etat, ne nous y trompons pas, ce n’est pas uniquement le Droit comme cela a tendance à nous être communément enseigné, nous les peuples que l’on tente d’infantiliser ; c’est également la Force. Sur ce point, les propos de Blaise Pascal sont sans équivoque : « le droit sans la force est faiblesse, la force sans le droit est tyrannie ».

LA REDACTION

 

Le Sursaut

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