Cette décision intervient quelques jours après que la communauté internationale ait fait la pression sur le Mali sur la même question. Ce calendrier montre, même si c’est par la pression internationale, la volonté du gouvernement malien à respecter les 18 mois pour la durée de la transition. L’exécutif aura certainement respecté, s’il arrive à exécuter ce calendrier, ses engagements non seulement envers le peuple malien mais aussi envers la communauté internationale. Mais la Transition aura bâclé les élections, piétiné ses engagements d’une vraie refondation de l’État malien, car elle ne pourra pas résoudre les vrais problèmes.
Il est illusoire de croire à la possibilité, au Mali, d’élaborer une nouvelle constitution, la faire adopter par le Conseil national de Transition jugé « illégitime » et d’organiser le referendum en six mois. Si cela est fait, le processus n’aura pas été inclusif et il faut s’attendre à des contestations. Et surtout, quand il s’agit de la révision de la Constitution, il faut écouter toutes les forces vives de la nation afin d’éviter un mouvement d’opposition comme la plateforme AN TE A BANNA en 2017. Les concertations et l’inclusivité éviteront à ce que la question de l’article 118 de la Constitution de 1992 soit soulevée.
Organiser les élections générales au Mali sans l’organe unique indépendant de gestion des élections, c’est comme remuer le couteau dans la plaie. Aucun problème ne sera résolu dans ce cas. Il risque de s’aggraver davantage. Il faut s’attendre à un président de la République et des députés contestés quand les élections à venir seront organisées encore par le ministère de l’Administration territoriale, car l’impartialité des autorités en place est mise en cause. Pour le cas des conseillers communaux, des conseillers de cercles, des conseillers régionaux, et des députés, des élus seront « nommés » par les armes dans les localités rouges au centre et au nord du pays. Même pour la présidentielle, il faut s’attendre à des bourrages d’urnes dans ces zones d’insécurité. Et le candidat le plus impopulaire, s’il fait l’affaire des groupes armés, risque de se faire une bonne place.
D’ailleurs, si la situation sécuritaire ne s’améliore pas, beaucoup de localités, surtout au centre du pays, ne pourront pas voter, car l’État même n’y est pas. Et les forces du mal présentes dans ces localités sont hostiles à la démocratie.
Le Mali est profondément malade. Son existence est beaucoup menacée. Il a donc besoin de soins sérieux, pas à la vitesse pour les beaux yeux de la communauté internationale, mais pour éviter sa disparition. Les autorités en place devraient avoir le courage de dire cette vérité à la communauté internationale. Le calendrier, tel que publié, est trop serré et s’il faut le respecter à la lettre, il faut s’attendre à des élections bâclées. Et les mauvaises élections ouvrent des voies à de nouvelles crises. Les autorités doivent donc faire attention. Elles doivent faire en sorte que la promesse de refondation ne se transforme pas en aggravation de la crise.
Boureima Guindo
Source: Journal le Pays- Mali