Beaucoup d’associations de la société civile et même certains partis politiques sont montés au créneau pour demander le report pur et simple des législatives. Si les raisons du report évoquées par les demandeurs sont bien valables, à savoir se préserver contre la propagation de la pandémie du COVID 19, les conséquences du report sur la stabilité et même sur notre démocratie sont malheureusement reléguées au second plan. Que cachent réellement ces leaders de partis politiques et d’associations en menant cette campagne tous azimuts pour un report sine die des législatives ? N’ont-ils pas un autre agenda différent de celui du Mali ?
Le temps nous le dira après, mais d’ores et déjà, il demeure opportun d’évoquer quelques-unes des conséquences du report, à ce stade du processus électoral, de ces législatives censées trouver des solutions au problème de légitimité des députés et permettre de mener des réformes idoines. En effet, ces législatives, bien que difficiles à être tenue dans certaines localités et dans toutes les conditions idoines, sont aujourd’hui un mal nécessaire, après deux reports successifs. Sans démagogie et sans langue de bois, ni esprit politicien partisan, les conséquences de la non-tenue des législatives seront multiples tant sur la paix, la stabilité que sur la démocratie.
La première conséquence est le vide constitutionnel que la non-tenue des élections occasionnera au-delà du 2 Mai 2020, date d’expiration de la deuxième prolongation du mandat. Le hic est qu’aucun leader de ceux qui demandent le report ne propose de solutions alternatives, si ce n’est la mise en place d’un collège transitoire, ou encore, permettre au Président de la République de gouverner par ordonnance. Quelle aberration en entendant ces propositions qui donneront des pleins pouvoirs à celui dont la légitimité est mise à rude épreuve par une frange non importante de la classe politique, à savoir IBK. Légiférer par ordonnance est la preuve d’un manque de conviction dans le combat politique mené jusque-là par ces leaders.
La deuxième conséquence serait la mise entre parenthèses des réformes non seulement indispensables pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, mais aussi et surtout, celles relatives à la modernisation du système électoral pour des élections crédibles et transparentes, gages de paix et de stabilité. Ces différentes réformes nécessitent une révision Constitutionnelle. Cette même Constitution porte en elle les tares de la non-modernisation. Donc, elle doit s’adapter à l’évolution du monde. Un report des législatives mettra fin à tout ce processus et notre démocratie en pâtira.
La troisième conséquence, serait le trouble sociopolitique que le report engendrera. Au-delà du 2 mai 2020 une chienlit généralisée s’installerait et ceux qui ne peuvent même pas mobiliser leurs familles se taperont la poitrine en se faisant passer pour les dignes représentants du peuple et envahiront la rue pour demander le départ de ces députés. De marche en contre marche, la grande muette risque de s’inviter dans les débats pour soit disant mettre de l’ordre dans le pays et c’est la démocratie qui prendra un coup de massue mortel.
En somme, le gouvernement a pris ses responsabilités en maintenant la date de tenue des législatives quoi qu’il advienne. Si report il devrait y avoir, c’était en amont de la campagne, mais en aval, après avoir englouti des sommes faramineuses, si le gouvernement venait à reporter, les candidats se réserveront les droits de réclamer à l’Etat des dédommagements énormes. Donc, tenir les législatives, c’est choisir entre le mal et pire.
Youssouf Sissoko
Source : Infosept