Au nombre des affaires soumises à l’examen des conseillers composant la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Bamako ce lundi 2 juin 2014, figurait celle inscrite au rôle sous le N°22, ministère public contre Abdrahamane Coulibaly pour répudiation. La partie civile est Dédé Fofana, domiciliée à Faladiè en Commune VI du District de Bamako. Elle est assistée de Maître Boubacar Maïga, avocat à la Cour. A la lecture de son nom par M. Léon Niangaly, présidant l’audience, le prévenu de taille moyenne, un peu corpulent, vêtu d’un pantalon avec de grande poche à chaque jambe et d’un tee shirt s’immobilise à la barre. Il est suivi de son épouse Dédé Fofana, de taille courte, vêtue d’un grand boubou. Après la lecture de sa filiation, le président l’interroge en ces termes : « quel travail faites-vous ? ».
« Je ne travaille pas » répond Abdrahamane Coulibaly. Le président s’étonne : « comment faites –vous alors pour nourrir votre famille ? Il ne serait pas un délinquant ? ». « Je suis ancien cheminot » rectifie Abdrahamane. « En voila qui est plus élégant », se satisfait le président. Lequel poursuit : « à l’audience ordinaire du 22 juillet 2013, le Tribunal de la Commune VI vous a déclaré coupable de répudiation. Il vous a condamné à trois mois de prison avec sursis ; condamné à payer 7500 F CFA de pension alimentaire par mois et à verser 200.000 F CFA à titre de dommage intérêt à votre épouse. Vous avez fait appel de cette décision. Pourquoi ? ». « J’ai fait appel de la condamnation civile », précise le prévenu. Madame Djeneba Djenepo, occupant le banc du ministère public prend la parole : « Vous refusez ? ». « Non, je ne refuse pas mais je n’ai pas les moyens. Je ne travaille pas », se justifie Abdrahamane.
Le ministère public revient à la charge : « apportez votre fiche de pension. Pourquoi vous l’avez répudiée ? ». Réponse du prévenu : « c’est elle qui s’est répudiée en 1987. Elle a quitté le domicile conjugal pour prendre une chambre en location non loin de là. Six mois après, elle m’interpelle pour réclamer une pension alimentaire. Notre dispute est consécutive à l’abandon de la famille par notre garçon depuis trois jours après son échec au DEF. J’ai décidé alors que l’enfant rentre à Ségou chez mon grand frère, ce que mon épouse a refusé… ». Pendant ce temps, son épouse gesticule de la main à l’intention du président comme pour démentir ce que dit son époux. Invité à prendre la parole, Maître Boubacar Maïga, conseil de la partie civile pose une série de questions au prévenu. « Voulez-vous répéter devant la Cour ce que vous aviez dit devant le tribunal de la Commune VI ? Combien d’enfants avez-vous avec elle ? Combien vous lui versez pour les nourrir ? Vous avez combien de maisons à Bamako ? ». Abdrahamane reste de marbre. Son épouse invitée à prendre la parole dit : « Depuis qu’il s’est remarié, il m’a laissée pour compte. C’est sa nouvelle épouse qui lui a dit de chasser mon fils de la famille, de le renvoyer à Ségou et quand j’ai refusé cela, il me dit de sortir de sa maison. Le commissariat de police du 10è arrondissement est intervenu, l’imam aussi afin que je reste dans mon foyer, mais il a refusé ».
Contrairement à la version de son époux, Dédé dit que ce dernier possède deux maisons à Bamako et qu’il perçoit par mois des frais de location. Par ailleurs, poursuit Dédé, il travaille dans une boulangerie. C’est dire, précise t- elle, qu’il a les moyens de payer la pension alimentaire, mais qu’il refuse de le faire. A la question d’un conseiller de savoir qui des deux demande le divorce, Dédé a répondu que c’est son mari. Dans sa plaidoirie, Maître Boubacar Maïga, avocat de Dédé Fofana fait savoir que la répudiation est une faute pénale. Citant des auteurs de droit et des textes de lois pour étayer son argumentaire, il dit que la répudiation consiste en la volonté exprimée et non équivoque de l’époux de rompre unilatéralement le lien conjugal. Abdrahamane, à ses dires, a décidé de violer la loi sans regret. Le premier juge regrette, Maître Maïga, a été léger. Il devait avoir la main plus lourde car, on ne peut pas gérer sa famille de cette manière. Ma cliente a donné trois enfants à ce monsieur et en récompense, il la chasse sans droit. C’est sa deuxième épouse qui dirige la maison. C’est une foutaise de dire je ne veux plus, martèle Maître Maïga, très applaudi.
Le ministère public prend la parole pour demander à Madame si elle renonce à ses dommages intérêts. « Je veux réintégrer mon foyer avec mes enfants », répond Dédé Fofana. Son avocat vient à son secours. « Sept millions de F CFA, ce n’est pas trop car, elle paye aussi une chambre en location et nourrit les enfants ».
Dans son réquisitoire définitif, le ministère public a élevé le ton : « dire qu’il n’a pas les moyens de nourrir sa femme, c’est une autre infraction, un refus de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants. Je requière de confirmer la première décision et d’éviter de l’enfermer pour ne pas casser le peu de relation avec son épouse ». Le délibéré est renvoyé au 30 juin prochain.
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