Avec l’arrivée de la démocratie, le pouvoir du peuple par le peuple les mesures de contrainte ou d’incitation au respect de l’environnement n’ont pas eu d’écho sur le terrain. Les services d’hygiène sont devenus des figurants dans la lutte contre l’insalubrité. Les mairies, à l’approche des élections, se plaisent à inviter la presse à être témoin des actions isolées et insignifiantes. Ces actions ne sont que pure tromperie puisqu’aucun suivi n’est fait. Nous y sommes habitués mais c’est scandaleux, parfois ironique lorsqu’on aperçoit des maires enjamber les flaques qui barrent l’accès aux bureaux de la mairie.
Le constat est sans appel : Bamako ville sale, Bamako ville malade !
Mais il paraît que nous avons un ministère chargé de la question de l’environnement ! S’il a été doté d’une mission quelconque, ce n’est pas celle d’un assainissement de nos villes ! Si cela était le cas, nous le saurions à travers les actions quotidiennes et l’amélioration de notre cadre de vie et de la santé publique. Or, sur le plan sanitaire, Bamako pourrait avoir la palme d’or de la capitale la plus insalubre de l’univers ! Pourtant la loi (article 10 Loi 01-020 AN RM, relative aux pollutions et aux nuisances) est claire, « Toute personne qui produit ou détient des déchets domestiques solides dans des conditions susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité publique ou à l’environnement de façon générale, est tenue d’en assurer l’élimination ou le recyclage ». C’est une loi sans intérêt puisqu’elle n’a jamais été appliquée ! Les pouvoirs publics ont multiplié les programmes inutiles (ex. PRODESS II) alors qu’il suffisait d’assainir, dans le cadre de la recherche d’un développement durable, nos cadres de vie. Cela aurait permis la réduction des dépenses de santé et parallèlement l’augmentation des capacités productives des agents économiques.
Solutions ?
Il nous faut impérativement repenser nos politiques publiques d’assainissement à travers une implication des services d’hygiène dans le maintien de l’ordre public environnemental ! Nous avons été témoins de l’échec du « PLAN STRATEGIQUE DE LUTTE CONTRE LE PALUDISME 2013-2017 ». C’est fort regrettable car son budget s’élevait à 138 916 803 430 Franc CFA, un investissement colossal pour un résultat médiocre. Et comme tous les plans au Mali, il a échoué parce que nous manquons d’hommes pour en assurer le succès.
Champions du monde en conception théorique de plan en tous genres, nous n’avons jamais été en mesure d’assurer le succès de ces multiples plans, faute d’adhésion de la société civile. Il ne suffit pas d’injecter de l’argent (jeter par la fenêtre) si l’Etat n’est pas capable de contraindre les habitants à être « plus propres ». Or, c’est la santé publique qui est en cause !
Ensuite, la politique nationale de lutte contre le paludisme (document disponible sur le site du ministère de la santé) a curieusement été élaborée en oubliant de mettre l’accent sur l’assainissement de l’environnement. Le point b.1.3 nous dit, dans le cadre de l’aménagement de l’environnement, que « l’accent sera mis sur l’amélioration de l’habitat. Il se fera avec une forte implication des collectivités décentralisées et de la société civile ». Une déclaration politique sans réelle portée et aux apports quasi-nuls car nous ne rencontrons jamais les agents du ministère de la Santé sauf pour lors des campagnes de vaccination ! Une vraie politique de lutte contre le paludisme ne peut être axée sur la distribution de moustiquaires ou de médicaments. C’est un peu comme le pompier qui concentre son action sur la flamme au lieu de viser le foyer du feu ! Le volet environnemental n’a pas été priorisé. De ce fait, on s’est attaqué aux conséquences (moustiques) et non à la cause (l’insalubrité) ! Or l’équation est simple : Bamako ville sale = Bamako ville malade ! J’ai donc le regret d’annoncer aux autorités que le « plan stratégique pour un Mali sans paludisme » sera toujours un échec si elles ne renforcent pas le volet environnemental. On a pu croire, à tort, que la pulvérisation intra-domiciliaire pouvait constituer une alternative. Comment pensaient-ils pouvoir éradiquer des insectes et des parasites qui mutent et résistent aux traitements ? Ils nous ont distribué des moustiquaires imprégnées d’insecticides longue durée. Mais malheureusement on ne pourra pas les utiliser dans la rue.
L’Etat doit user de ses prérogatives de puissance publique, sans complaisance, pour imposer aux citoyens le respect des normes d’hygiène dans les lieux publics (les rues, les hôpitaux, les administrations…). Les comportements destructeurs doivent être sanctionnés. Et la loi, l’article 39 de la Loi 01-020 AN RM, du 30 mai 2001 relative aux pollutions et aux nuisances le permet. Le texte dispose explicitement que « Les agents assermentés de la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances et les officiers de police judiciaire recherchent et constatent par procès-verbaux les infractions aux dispositions de la présente loi. »
On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs ! Les autorités ne peuvent donc pas fuir leur devoir régalien au risque d’accentuer le chaos sanitaire qui règne dans ce pays. Alors, le citoyen que je suis, réclame son droit constitutionnel à un environnement sain ! L’article 15 de la Constitution du Mali m’en donne le droit ! Et l’Etat malien a l’obligation (article 15) de protéger mon environnement et de promouvoir la qualité de la vie.
J’accuse la population malienne pour son incivisme, son manque de respect pour l’environnement. La population, parce qu’elle se sait auteur des atteintes répétées à l’environnement, fait fi des conséquences de l’insalubrité de nos cadres de vie.
On voit jaillir du sol des immeubles d’habitation à cent, deux cent millions de franc CFA mais les propriétaires sont incapables de contribuer pour assainir le quartier dans lequel ils vivent. Ils se concentrent sur la propreté de leur somptueuse villa, comme si celle-ci n’était pas dans la même rue que nos maisons d’infortune. Mais hélas, nous avons le regret de leur apprendre que les mouches et les moustiques du voisin ont des ailles. Ils s’envolent des caniveaux et atterriront, un jour ou l’autre, dans votre résidence à deux cent millions. Et par ailleurs, l’air que vous respirez n’est pas différent de celui du voisin.
Oui, entre Bamako ville propre ou Bamako ville malade, il nous faut choisir !
Notre penchant quasi-naturel pour le moindre effort nous perdra à coup sûr. L’insalubrité permanente de nos quartiers, de nos rues, de nos hôpitaux, de nos marchés et mêmes de nos maisons est la conséquence immédiate de l’indiscipline collective qu’il nous faudra corriger pour réduire nos dépenses de santé.
Nous y avons tout intérêt pour plusieurs raisons :
-la morosité trentenaire de la conjoncture économique amoindrit de jour en jour le pouvoir d’achat des ménages et les dépenses de santé deviennent de plus en plus insupportables.
-le manque cruel et affligeant de services de santé dignes de ce nom (plus de morgues que d’hôpitaux valables, plus d’apprentis sorciers que de médecins compétents…) sont les facteurs permanents des homicides involontaires commis tous les jours. Et comme la responsabilité médicale est un mythe dans ce pays, les pauvres n’ont plus qu’à attendre le jugement dernier !
-la prolifération de médicaments contrefaits et l’automédication demeurent les facteurs irrésistibles des suicides involontaires et collectifs
Agissons proprement pour améliorer nos cadres de vie, réduire les maladies, ou agrandissons nos cimetières !
Dr DOUGOUNE Moussa
mali24