Le gouvernement transitoire du Mali est de plus en plus sujet à réflexion au regard des incohérences qui le caractérisent. Le ministre de la Défense et des anciens Combattants, le Colonel Sadio Camara, et celui de la Sécurité et de la Protection civile, le Colonel Modibo Koné, semblent avoir quelques problèmes avec la gestion des hommes, que cela déteint dangereusement sur la mise en œuvre de la feuille de route confiées à eux dans le cadre de la transition et sur l’attente des maliens.
Les multiples nominations que ces deux ministres (très stratégiques pour la stabilité et la défense du pays) opèrent se poursuivent, sans discontinuer. Le limogeage des Directeurs généraux (DG) et de leurs Adjoints, au niveau des structures de l’Armée, lors des conseils des ministres suscite les commentaires des maliens. Les récentes nominations opérées en mars dernier sont des illustrations parfaites.
La plupart des révocations et des nominations en série qu’effectuent ces deux ministres, depuis la mise en place du gouvernement de transition sont de grosses surprises pour les maliens. La facilité avec laquelle les responsables des démembrements de ces deux départements sont remerciés, entache la crédibilité de ces deux ministres en charge de la défense et de la sécurité au sein du gouvernement de transition. Loin de vouloir défendre des individus, c’est plutôt les responsabilités que requièrent ces postes et les structures concernées qui préoccupent ici. En espace de deux mois, on compte banalement plus d’une centaine de nominations pour ces deux ministères et leurs démembrements, les plus importants maillons de la défense de l’intégrité territoriale du pays et de la sécurité nationale. Pour ne se limiter qu’au Conseil des ministres de mars dernier, on se souvient que le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara et son homologue de la Sécurité ont fait débarquer des responsables au niveau de leurs départements et des services rattachés. Tous des hauts gradés de l’Armée, on les présentait comme des technocrates. Mais à peine quelques mois de transition, ils sont relevés de leurs postes, sans raison, du moins officielle. Avec ces nominations en série, les deux ministres maliens en charge de la défense nationale et de la sécurité croient dur comme fer qu’ils arrivent à choisir des hommes providentiels, des oiseaux rares qu’ils ont réussi à débusquer pour sortir le Mali de la crise.
Le parachutage des cadres
La plupart de ces nominations que les deux ministres effectuent au sein de leur département et démembrements ne répond a priori à aucune exigence technique. Si le ministre de la Défense, Sadio Camara et celui de la sécurité, Modibo Koné, sont censés être les seuls à connaître et à définir les raisons et l’opportunité de ces choix, il reste que les entités de ces deux ministères sont les poumons de la défense nationale puis de la sécurité du pays et qu’il ne faut pas s’amuser à changer leurs directeurs généraux et adjoints à tout bout de champ. En outre, lorsqu’un nouveau DG s’installe, il définit une nouvelle politique de défense et de sécurité au niveau des forces armées. Pour la mettre en œuvre et en escompter des résultats tangibles, une période raisonnable s’avère nécessaire. En l’espace de quelques mois, il est impossible de diriger convenablement une structure comme l’armée et pouvoir en mesurer les impacts. Il se trouve qu’au bout des mois de gestion de la transition (nous sommes à 7 mois déjà), le ministère de la Défense et des anciens Combattants, celui de la Sécurité et de la Protection civile en ont connu des changements à la pelle à tous les niveaux. Ou presque.
Cette situation appelle quelques observations. La première fait remarquer la manière presque cavalière avec laquelle les ministres Sadio Camara et Modibo Koné parachutent leurs hommes à la tête des services. Ces derniers qui se croient alors tout-puissants ignorent royalement leurs supérieurs hiérarchiques et traitent directement avec leurs ministres qui eux-mêmes prêtent le flanc à ce jeu. La conséquence en est que les cadres se sentent frustrés et les rapports entre eux sont souvent conflictuels. Alors qu’en temps normal, le ministre une fois à la tête d’un département, choisi des hommes valables qui travaillent en phase. Tel n’est pas le cas avec les ministres Sadio Camara et Modibo Koné qui multiplient les nominations à chaque conseil des ministres, au rythme que le désaccord se crée au sein de la grande muette.
Chassé comme des malpropres
La seconde observation porte sur les raisons du limogeage de ces hauts cadres militaires de leurs postes. Soupçonnés, d’être proche du régime défunt ou d’être imprudent au sein de la grande muette, ces hauts responsables de l’Armée sont suspendus de leurs postes pour dit-on « manquement à l’autorité ». Cette faute suffit-elle pour mériter de pareils sorts ? C’est à se demander s’il n’y a pas en filigrane l’intention cachée de se débarrasser de ces gens. Si ce n’est pas le cas, n’aurait-on pas dû leur adresser un avertissement, quitte à leur infliger une sanction plus grave en cas de récidive, au regard des responsabilités qui sont les leurs en leur qualité de hauts cadres du ministère de la Défense et du département de la Sécurité?
Et, plus étonnant est que la raison qui sous-tend leur suspension ne met nullement en cause leurs compétences professionnelles, ni une malversation, ni une erreur de gestion et encore moins une insuffisance de résultat. Si pour un « manquement à l’autorité », on peut du jour au lendemain sauter des DG au niveau des services rattachés au département de la Défense et des anciens Combattants et à celui de la Sécurité et de la Protection civile à qui on ne reproche pas une mauvaise gestion ni un détournement, il y a de quoi s’interroger. À moins que les ministres Sadio Camara et Modibo Koné, les auteurs de ces arrêtés de révocation viennent expliquer le contenu de « manquement à l’autorité ».
Jean Pierre James