La première confrontation tant attendue entre forces patriotiques et forces républicaines aura tenu toutes ses promesses : un débat largement suivi (certainement le meilleur record d’audience de l’histoire de l’Ortm) et très largement commenté, à travers la personnalité des débatteurs, de leurs mandants, des attentes du peuple malien et de ses amis du Mali. Le choc aura comblé les attentes de toutes parties : l’Ortm qui enregistre son record d’audienc et le large sourire des débateurs disant long sur leur satisfaction. Au-delà de ce chic du choc donc que faut-il retenir de ce premier match très disputé et très suivi ?
Les deux protagonistes sont des jeunes loups aux dents aiguisées issus du même sérail politique que les fortunes diverses ont propulsé à être dans des postures opposées et à jouer des rôles opposés, comme dans un jeu de chaises musicales. Amadou Koita, ancien président de la jeunesse du Mouvement Citoyen et du PDES, virevoltant et incisif porte-parole du FDR, qui ne ratait aucune occasion pour démolir le Kankenlentigi, se voit confier le rôle gratifiant d’être le héraut d’un régime IBK au plus mauvais point. Issa Kaou Djim ?
Le beau-fils et l’héritier de Cheickh Mahmoud Dicko, ancien président du Haut conseil islamique et ami personnel d’Ibrahim Boubacar Keita qu’il a aidé à accéder au pouvoir du mieux qu’il peut. Voici donc un IKD, éminent membre du premier cercle d’IBK aux côtés de son mentor d’Imam révolté tenir le crachoir pour faire le rabat-joie du jour en l’absence de politiques d’envergures qui se sont tous défroqués pour avoir été à la soupe et partis sans faire la vaisselle.
Revendication officialisée
Le mieux à l’aise dans l’exercice sur le plateau de notre consœur Sira Bathily était celui qui le mieux qui a assumé son parcours passé et sa posture actuelle. À la notation, c’est le populiste IKD qui a réussi à faire passer son message impensable sur l’ORTM : « nous voulons la démission du président IBK et de son régime » qui, dit-il, n’a plus rien à offrir aux Maliens. En réussissant ce coup, objectivement IKD a pris une longueur d’avance sur le ministre AK qui avait visiblement de la peine à assumer son passé tout en voulant être crédible sur le bilan du régime.
Aussi, par moment, le ministre AK a donc indirectement apporté du vent du moulin de IKD sur ses inepties sur le régime. La référence du scandale des avions et des blindés en carton remet IKD en selle et lui permet de submerger son adversaire.
Le ministre AK a semblé trop insister sur la main tendue du président IBK au lieu de donner les solutions politiques auxquels s’attendaient les téléspectateurs. Pourtant, l’ancien ministre, qui maitrise bien le bilan du président, avait esquivé des amorces de solutions dont l’une est justement l’incontournable tour de table entre le régime et les contestataires.
Casting millimetré d’AK
Le match était-il pour autant aussi nul que ça ? Le ministre Koita, bien que s’étant mis trop de pression au regard de l’enjeu du moment qu’il semblait plus maitriser que son vis-à-vis, est resté camper sur son registre, dans ses éléments de langages. À chaque fois qu’il a réussi à élever le niveau du débat, il a mis IKD dans les cordes.
Il en a été ainsi lorsque le ministre AK a demandé à IKD sur quoi se fendait-il pour parler au nom du peuple malien ou lorsqu’il a réussi à lui faire avouer qu’il y a effectivement une fracture entre le M5-RFP et l’Imam Dicko parce que ce dernier n’a jamais demandé la démission du président IBK. Pourquoi donc la CMAS, qui se réclame de l’Imam, demande-t-elle la démission d’IBK ? IKD, visiblement coincé, a divagué. Très bon point pour le ministre AK.
Le ministre a-t-il fait une erreur de casting en trop s’accrochant au bilan et à la main tendue d’IBK ? Peu de ministres ou responsables politiques de la majorité aurait réussi la performance de AK et fait preuve de sang-froid face aux assauts de IKD.
Pour avoir été aux affaires, le ministre AK était bel et bien dans son rôle (et même devoir moral) de défendre le bilan du régime. En défendant ce bilan, AK assume ce que beaucoup de barons hélas n’osent faire aujourd’hui publiquement. Il aurait suffi seulement à AK d’assumer son passé comme il assume le bilan d’IBK pour écraser IKD dont les maladresses et insuffisances étalées au grand jour lors de ce débat seront un tournant majeur de cette crise et pourraient impacter gravement la cohérence interne du M5-RFP.
Une entité, deux approches
Comment effet la CMAS, éminent membre du M5-RFP, va-t-elle gérer ses relations et convaincre ses alliés sur sa sincérité à partir du moment où le plus que président d’honneur, le mentor, Cheickh Imam Mahmoud Dicko qui lui a instruit le sursis à la participation aux législatives ne s’inscrit pas dans la logique de demande de démission de son grand frère Ibrahim Boubacar Keïta ?
Sur l’exigence fondamentale du M5-RFP, celle qui les rassemble (démission de IBK et de son régime), le virevoltant IKD coincé par le ministre AK estime qu’il s’agit d’un problème politique auquel il faut apporter une réponse politique. IKD, au nom de son camp qu’il représente accepte-t-il l’offre de dialogue : ‘’nous ne refusons pas le dialogue’’. Même s’il s’empresse de dire que le dialogue portera sur l’objet de leur revendication.
Un pas vers la décrispation
En acceptant l’invitation de la télévision nationale à débattre avec un éminent membre du camp présidentiel, si IKD saisit l’opportunité de porter devant la nation la revendication de son camp (démission de IBK et de son régime), il fait un grand pas dans le sens la décrispation du climat politique. En effet, si on ne peut, à ce stade, parler de capitulation, il est clair que le M5-RFP, en opposition frontale avec l’Imam sur la conduite pacifique de la contestation, est en train d’aller de reculade en reculade.
L’acceptation même du principe d’un débat est en soi l’amorce d’un dialogue entre les deux camps qui se dessinent à travers toutes les rencontres qui se tiennent désormais au grand jour. Pour ceux qui hier, comme IKD à l’issue du rassemblement du 5 juin, avaient dit qu’ils ne reconnaissent plus la légitimité d’IBK qui n’était plus président du Mali parce que le peuple (la foule de la place de la Liberté) a exigé et validé sa démission, dire sur les antennes nationales qu’ils restent légalistes que IBK est et reste le président de la République du Mali ; qu’ils ont du respect pour lui, consacrent clairement que les lignes bougent.
IKD appelle au Dialogue ?
Y a-t-il une évaluation de la lutte qui a obligé le M5-RFP à un réexamen de la revendication fondatrice ? En tout cas, par « démission d’IBK et de son régime », le coordinateur de la CMAS, représentant du M5-RFP, IKD sur le plateau de Sira Bathily, a estimé ce mardi soir qu’en fait, ce qu’ils demandent, c’est une Transition démocratique dont les contours doivent être discutés avec IBK. Aveu d’un plan putschiste, proteste le ministre AK qui avait auparavant titillé IKD en lui disant qu’une opposition sans proposition était un mouvement d’humeur ? Que non ! Il faut prospecter toutes les solutions politiques estiment IKD qui dit son que camp n’a jamais prôné le putsch…
En tout cas, en optant de mettre balle à terre et de sortir des logiques de confrontation, le M5-RFP à travers IKD ouvre la voie au dialogue qu’on peut difficilement récurer avec la posture de l’Imam qui refuse la violence, et la position clairement exprimée par la Communauté internationale sur les ruptures constitutionnelles sans oublier le camp d’en face qui s’apprête à donner une réplique foudroyante à ceux qui s’estiment propriétaires du peuple alors qu’ils ne sont que des vils manipulateurs qui sont démasqués et seront battus sur leur propre terrain.
En clair, IKD laisse les armes, et à demi-mot invite ses adversaires à parlementer pour sortir de la crise.
La Rédaction
Source : INFO-MATIN