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Du Maroc au Sahel, l’Afrique cherche à réhabiliter ses terres agricoles dégradées

Sous une serre, de frêles plants d’acacias, d’arganiers et de caroubiers attendent d’être replantés en pleine terre: des essences choisies pour dépolluer et régénérer les sols épuisés, au Maroc comme dans une bonne partie de l’Afrique.

“Nous nous sommes orientés vers la réhabilitation des sols dégradés par l’érosion, l’exploitation minière ou salinisés, et dans l’adaptation de l’agriculture au manque d’eau et au changement climatique” explique Mohamed Elgharous, qui dirige cette ferme expérimentale liée à l’université Mohammed VI, à Benguérir, au Maroc.

Le but est d’essayer de réparer les outrages des hommes ou ceux du climat –surexploitation du sous-sol, ou sécheresses et inondations à répétition–, afin de nourrir la population croissance du continent africain.

“D’ici à 2050, l’Afrique pourrait connaître une baisse de ses rendements agricoles de 20%, alors que la population va doubler” selon le livre blanc de la coalition Adaptation de l’Agriculture Africaine au réchauffement climatique, qui réunit 36 des 54 ministres de l’agriculture africains.

Rattan Lal, professeur émérite en sciences des sols à Ohio State University (Etats-Unis) et ancien membre du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), estime que 65% des terres cultivables sont dégradées en Afrique, 30% des prairies, et 20% des sols des forêts, alors que 180 millions de personnes vivent sur des terres très peu fertiles.

“La dégradation des sols est une des causes principales d’insécurité alimentaire et de famine”, notamment au sud du Sahara, un “cercle vicieux” qui génère malnutrition et troubles politiques, a dit le chercheur à l’AFP lors d’une réunion récente de ministres de l’agriculture africains, également à Benguérir. L’Afrique subsaharienne dispose de 20% des terres arables non cultivées sur la planète.

– L’Afrique “peut le faire” –

Parmi les solutions testées, l’agroforesterie avec des cultures sous des plantations d’arbres (cacao par exemple) pour retenir l’humidité et la vie organique du sol, les plans de verdissement du Sahel, ou une meilleure gestion de l’élevage et des transhumances permettant une réutilisation des déchets organiques des animaux pour fertiliser.

L’expérience de Tigré, en Ethiopie, où l’aménagement de terrasses dans les montagnes a permis depuis 20 ans de retenir l’eau et les sols, et de protéger les arbres, est positive, juge Guillaume Benoit, ingénieur général des eaux et forêts en France, qui a participé à la réunion.

Pour Rattan Lal, l’Afrique, en retard sur l’utilisation d’engrais par rapport au reste du monde, doit augmenter la productivité de ses sols: “C’est à l’Afrique de se nourrir elle-même et elle peut le faire” estime-t-il, si les 17 kilos d’engrais par hectare utilisés en moyenne “augmentent à 30 kg par hectare en 2025 et 60 kg en 2030”.

Dans le même temps, réchauffement oblige, les sols doivent aussi servir à capter le carbone, via la chlorophylle, car les stocks de carbone en Afrique subsaharienne ont baissé d’un tiers par rapport au début des années 2000, fait-il valoir. “Pour cela, il faut rémunérer les agriculteurs” avance-t-il.

Au Maroc, le géant marocain des engrais OCP a lancé un programme de réhabilitation de 200 hectares par an de sols dégradés par l’exploitation minière, explique M. Elgharous dans la ferme expérimentale. “Ils ont perdu leur fertilité, il s’agit de les retransformer en sols cultivables”.

– Sols “sales” –

Le premier exportateur mondial d’engrais phosphatés explique sur son site internet miser “sur le potentiel énorme de croissance que représente le continent africain” dans son ensemble, avec des usines et des programmes d’assistance aux agriculteurs locaux.

En lançant la culture du quinoa, source de protéines alimentaires, sur des sols “sales”, un millier d’agriculteurs peuvent améliorer leurs revenus dans les régions arides autour de Benguérir.

Non sans difficultés: dans des sols salinisés, la graine de quinoa ne germe pas. Transplanté dans le sol, le plant, lui, se développe, explique Myriam Moussafir, ingénieure-agronome.

La culture du cactus, utilisé dans l’alimentation animale, a elle dû être abandonnée, sous les attaques de cochenilles, selon M. Elgharous.

Sa ferme expérimentale a développé un réseau en Afrique, avec notamment une ferme de 160 hectares en Côte d’Ivoire. “Nous discutons aussi avec une université au Sénégal, au Ghana, et au Nigeria” dit M. Elgharous.

TV5

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