Le tramadol, en association avec le paracétamol ou seul, est un médicament antalgique ou anti douleur, utilisé dans le traitement des douleurs modérées à intenses. Mais il est de plus détourné de son usage médical pour devenir une drogue prisée par la jeunesse à cause de son prix bas et de la facilité avec laquelle on peut se la procurer. En effet, à Bamako, on peut se procurer la tablette de gélules de tramadol à seulement 200 Fcfa. De quoi détruire l’avenir de millions de jeunes en un laps de temps.
Suite au communiqué de l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) que nous avons publié la semaine dernière et qui appelle à la mobilisation et la vigilance contre l’usage abusif du tramadol, nous avons voulu en savoir davantage sur l’ampleur du phénomène au Mali. Mais quelle est grande notre surprise, lorsque nous constatons que cette drogue se vend librement comme de petits bonbons, sous le nez et la barbe des autorités.
Lors de nos investigations, nous avons interrogé 53 vendeurs ambulants de médicaments pour leur demander s’ils avaient du tramadol. Seuls 16 ont répondu par la négative. D’ailleurs parmi eux, nous doutons qu’il y en ait qui ne disent pas la vérité parce que se méfiaient de nous. Tous les autres n’ont pas rechigné à nous en proposer, parfois s’en savoir exactement la nature du produit qu’ils sont en train d’écouler. Une femme vendeuse de médicament, ne sachant ni lire ni écrire, a osé même nous prodiguer des conseils quant à l’utilisation du tramadol en plusieurs circonstances. Et il faut voir comment elle était fière de ses explications, comme si elle était en train de réaliser un exploit.
Aux environs du grand marché de Bamako, c’est vraiment la foire au tramadol. Sur place, on peut même s’approvisionner en gros car nous avons suivi discrètement des revendeurs de médicaments chez leurs fournisseurs qui écoulent le tramadol dans le lot de médicaments en tous genres.
C’est une évidence que le tramadol est présent en grande quantité à Bamako pour justifier son prix si bas : 200 Fcfa la plaquette de 10 gélules. Plus grave, on l’appelle directement par son nom, contrairement aux amphétamines rebaptisées selon les milieux utilisateurs, pour faire preuve de discrétion. En un mot, la vente et la consommation de tramadol sont devenues des faits anodins au Mali.
Il y a trois semaines, dans le cadre de nos investigations, un interlocuteur nous signalait que le tramadol est en train de faire des ravages au nord du Mali où il est introduit en énormes quantités. D’ailleurs, il n’y a guère longtemps, un camion venant du Nigeria à destination du nord du Mali a été intercepté au Niger avec à son bord des cartons contenant au total 3 millions de comprimés tramadol. Mais une chose est sure : ce n’est plus seulement le nord du Mali qui est infesté par le tramadol. Le reste du pays aussi l’est bien, raison pour laquelle il y est bon marché.
Rappelons que le tramadol est un analgésique opioïde synthétique utilisé pour prévenir ou traiter la douleur modérée à sévère. On le classe dans la catégorie des antalgiques de niveau 2, comme la codéine et le dextropropoxyphène. Il peut être utilisé pour la douleur aiguë (par exemple après une intervention chirurgicale) et la douleur chronique (comme dans le cas d’une blessure au dos ou en cas de cancer).
Il agit sur le même type de récepteur que la morphine, c’est un agoniste des récepteurs morphiniques. Il est détourné pour ses effets opiacés et/ou stimulant dus à son action sérotoninergique. En principe, le tramadol n’est délivré que sur ordonnance. Mais lorsque les pharmacies déménagent sur les trottoirs, y a-t-il encore besoin d’une ordonnance pour se procurer de tels produits ?
Aux abords du grand marché de Bamako, surtout vers le Dabanani, les grossistes de médicaments sont connus et se sont enrichis par cette activité illégale de vente de médicaments qui favorise le trafic de drogue conditionné en comprimés comme les amphétamines et les opioïdes dont fait partie le tramadol. Il est temps que les autorités du pays en charge de la Santé publique prennent leurs responsabilités car les pharmaciens ont beau crier à l’illégalité des pharmacies par terre ou de la vente libre, mais personne ne les écoute. Alors, jusqu’à quand devra durer ce jeu ?
N.S.
Source: lesphinxmali