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Dr Souleymane Coulibaly dit Papa, psychiatre au CHU Point G : «Le cannabis est la drogue la plus consommée par la jeunesse»

L’office central des stupéfiants (OCS) du Mali a organisé, du 20 au 23 novembre dernier, en partenariat avec l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC),  à l’Hôtel Club de Sélingué, un atelier de formation des journalistes sur le thème « la problématique du trafic de drogue et la criminalité transnationale organisée ». Selon Colonel magistrat Adama Tounkara, Directeur général de l’OCS, cet atelier visait à outiller les hommes de média et renforcer leurs capacités dans la recherche et le traitement des informations relatives à la criminalité dite émergente, telle que le trafic illicite de drogue, la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. Dr Souleymane Coulibaly dit Papa a présenté deux importantes communications. Psychiatre au Centre hospitalier et universitaire Point G, Professeur assistant à la Faculté de Médecine, il a brillamment exposé les thèmes « Drogues et dépendance » et « Lutte contre la drogue au Mali : quelle politique de prévention et de prise en charge ? ». À la fin de l’atelier, Dr Coulibaly nous a accordé une interview. Lisez !

Le Challenger : Dans votre communication, vous avez dit que l’usage de la drogue est une question de santé publique. Pourquoi ?

Dr Souleymane Coulibaly dit Papa : L’usage de la drogue est une question de santé publique. On le dit pour beaucoup  de raisons. La consommation de la drogue peut créer deux ou trois situations. Quand on consomme de la drogue, elle peut faire apparaître des troubles liés à la consommation ou, sous l’effet de la drogue on n’est pas à même de contrôler certains de ses comportements qui peuvent être des comportements à risque pour la santé. Le fait que la conscience puisse être diluée sous l’effet de la drogue peut aussi engendrer d’autres situations connexes qui aboutissent à des désastres. Vu toutes ces raisons, nous pouvons dire que la consommation de la drogue est un problème de santé publique.

Vous avez aussi dit dans votre communication que personne ne consomme de la drogue pour se faire du mal. Pouvez-vous nous expliquer un peu cela ?

Personne ne consomme de la drogue pour se faire du mal. Il faut être au contact des usagers pour comprendre cela. Dans le rapport du consommateur, qu’est-ce que c’est ? Il va consommer de la drogue soit pour gérer une tension interne qui est en lui, c’est-à-dire qu’il a l’impression de ne pas bien se sentir, il a une sensation de malaise qu’il faut chercher à résorber. Il a recours à la drogue. Ce n’est pas pour se faire du mal. Intégrer un groupe, ce n’est pas pour se faire du mal. Se faire plaisir, vouloir faire la fête, se libérer de certains stress. On prend de la drogue pour ces raisons. Et l’effet escompté, c’est que la drogue vous met dans un état où vous pouvez sentir du plaisir. Ce n’est pas pour se faire du mal. Malheureusement, il faudra le dire, par la suite ce qui va se passer, c’est qu’il y a l’effet de la drogue et les contre-effets de la consommation qui apparaitront assez douloureux. En plus des conséquences liées à la consommation de la drogue, ils font apparaître des ennuis sanitaires.

Selon vous, quelles sont les raisons qui poussent une partie de la population juvénile à s’adonner aujourd’hui à la consommation de la drogue ?

Je vous ai cité quelques raisons qui sont des motifs qui amènent un sujet à consommer de la drogue. Il y a la mondialisation avec la facilité d’avoir le produit à travers toutes les informations qui sont disponibles sur le net et autres outils de connexion. Il y a également la télévision où nous n’avons pas tout le contrôle des modèles qui influencent le comportement de nos enfants.

Tous ces paramètres peuvent constituer des facteurs qui amènent un sujet jeune à aller vers cette consommation. Il ne faudra pas oublier que nous sommes organisés de sorte que nous n’avons pas de temps à consacrer aux enfants. Cette situation de détresse psychologique aussi peut amener quelqu’un à consommer. Il y a beaucoup de raisons qui peuvent pousser les gens surtout la jeunesse vers la consommation. Et la jeunesse est une période naturellement de curiosité. Certains sont dans cette dynamique d’essayer quelque chose,  de savoir qu’est-ce que cela va donner parce qu’il a été dit ceci ou cela. Donc la curiosité peut pousser les gens à consommer.

Pour d’autres, tout simplement, il s’agit d’une façon de s’affirmer. Cela peut les amener à enfreindre aux règles qui sont fixées par les adultes.

Quels sont les types de drogues que les jeunes consomment dans le contexte malien ?

Dans notre contexte malien, c’est surtout le cannabis. La drogue illicite, le plus consommé, c’est naturellement le cannabis. Et cette drogue s’introduit à travers la cigarette. Les gens vont d’abord expérimenter la cigarette ensuite le cannabis qui est la drogue la plus consommée par la jeunesse. On l’appelle communément le « Join».

Est-ce que certaines de vos consultations ont un lien avec la drogue ?

Il ne se passe pas une journée sans qu’on ait quelqu’un qui vienne au service pour demander de l’aide pour une prise en charge typiquement liée à un trouble de la consommation. Ou encore, au cours de l’interrogatoire sur l’histoire du patient, nous retrouvons une notion de consommation.

Existe-t-il un dispositif de prise en charge des consommateurs de la drogue ?

Je ne sais pas ce que vous voulez dire par dispositif. En ce qui concerne l’organisation, des gens sont organisés pour la prise en charge. Ce sont des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux. Cette ressource humaine est disponible au service de psychiatrie du Centre hospitalier et universitaire du Point « G ».

Quelque part, on peut rencontrer d’autres organisations typiques qui s’orientent uniquement sur la prise en charge des drogues. Ce dispositif peut exister dans d’autres pays, dans les pays développés par exemple. Au Mali, la ressource est là pour prendre en charge même s’il y a des insuffisances à combler.

Quelles sont ces insuffisances ?

En termes de ressource humaine, il faudrait que le personnel soit étoffé. Il faut créer des unités orientées sur cette prise en charge qu’on appelle l’addiction, c’est-à-dire des sujets qui ont développé une dépendance aux drogues ou à d’autres types de comportement de dépendance.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté par rapport à la prise en charge des consommateurs ?

Comparativement à l’ampleur du phénomène et à la demande de soins, nous pouvons largement dire que les gens ne sont pas informés par rapport à la prise en charge. La population en général, ne sait pas que nous pouvons faire la prise en charge des sujets qui ont un problème lié à la drogue au service de psychiatrie du Centre hospitalier et Universitaire du Point « G ».

Il faudra que les gens le sachent. C’est bien possible de venir et de trouver un soutien par rapport à la prise en charge des sujets liés à la consommation des drogues. Il y a une nécessité de mieux cadrer les politiques liées à la prise en  charge ou encore à la législation.

MP Propos recueillis par Chiaka Doumbia

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