Aujourd’hui – Mali : Quel regard portez-vous sur le bilan des 4 ans de la Transition, notamment sur les plans sécuritaire économique et social et politique ?
Modibo Soumaré : D’abord sur le plan politique, je crois que c’est un échec, ça il ne faut pas se leurrer parce qu’une transition est faite pour ne pas durer, 18 mois suffisaient largement pour sortir de cette situation exceptionnelle. Donc sur ce plan, c’est un échec, du fait qu’il y a aussi un manque cruciale du dialogue politique. Le dialogue politique n’existe pas cela chose est malheureusement dommageable pour le pays parce que si les acteurs politiques ne se parlent pas, cela pose énormément de problèmes. Donc cela passe par des intimidations, des défis, des privations de liberté et c’est ce que nous vivons.
Donc sur le plan politique c’est vraiment un échec parce que le Mali aurait pu être au-dessus de tout cela. Et qu’un dialogue fécond puisse se passer pour que la Transition soit une réussite.
Et sur le plan économique ?
Sur le plan économique, je vous révèle qu’en plus d’être président de parti, je suis chef d’entreprise, les entreprises battent de l’aile. Les entreprises peinent à régler leurs engagements, parfois à payer leurs salariés. Il n’y a pas d’électricité, et cette crise d’électricité fait qu’on ampute une bonne partie des avoirs et des économies des entreprises. Malheureusement, on n’a pas les moyens pour assister ces entreprises comme cela se fait dans un pays normal. Autre constat, les entreprises sont laissées à leur propre sort avec pour conséquence : des licenciements économiques et même à des fermetures. Toute chose qui va agrandir les rangs des chômeurs. Et si le taux de chômage augmente, il faudra s’attendre à une augmentation de la délinquance et même des agressions.
Sur le plan sécuritaire, c’est difficile de me prononcer en tant qu’acteur politique car on devrait avoir un dialogue de haut niveau avec les autorités pour qu’on sache ce qui se passe réellement au nord de notre pays. En plus de l’acquisition des matériels militaires et de la reprise de Kidal, nous n’avons pas d’autres informations fiables sur le plan sécuritaire. Car en tant qu’acteur politique je dois me fier aux informations officielles venant des autorités de la Transition. Malheureusement, il n’y a pas de communication entre les autorités de la Transition et les acteurs politiques. C’est pourquoi je préfère être prudent.
Avez-vous des conseils ou des propositions aux autorités de la Transition ?
Je pense que les solutions à proposer sont, entre autres, d’abord, il faut que le Mali sorte de cette situation d’isolement. L’AES n’est pas incompatible avec la Cédéao. L’AES doit exister comme le Cilss, le Liptako Gourma et comme la Cédéao.
Le Mali ne doit pas sortir de la Cédéao, ça serait une grave erreur. Et si nous sommes des panafricanistes, des voisins, le Mali doit avoir la meilleure relation d’amitié en premier lieu avec la Côte d’Ivoire où réside la plus grande communauté à l’extérieur du pays. Je le dis ici, je suis en train de travailler depuis des mois sur la création d’un groupe d’amitié ivoirio-malienne. Ce groupe permettra de mettre des parlementaires, des membres de la société civile, des acteurs politiques dans un groupe de réflexion pour sceller, approfondir, renforcer nos liens d’amitié avec la Côte d’Ivoire.
Aussi nous devons pacifier nos relations avec l’Algérie et la France. Il est important aujourd’hui qu’on sorte de cette situation où on fait la guerre, en conflits avec tout le monde. Ce n’est pas dans les défiances qu’on va résoudre les problèmes des Maliens. Faire la politique avant tout c’est chercher les meilleures solutions aux défis qui nous sont posés. Nous devons travailler sur ça. Si la Transition est prête d’aller en ce sens, on l’accompagnera. Le pouvoir transitoire n’a pas d’opposition. Il y a certains acteurs aujourd’hui qui pensent qu’ils ont gagné l’élection par les urnes donc ils veulent créer un système d’opposition à la Transition. C’est une position qui ne sert à rien. Ce qu’il faut faire c’est de fixer la date de l’élection présidentielle le plus tôt possible pour organiser des scrutins transparents et crédibles afin de sortir de cette situation de conflit qui paupérise nos populations.
Je termine en disant que le Premier ministre en exercice doit éviter d’être dans le militantisme politique aujourd’hui. Ce n’est pas possible qu’on entende le Premier ministre dans un meeting aujourd’hui, au moment où il y a le projet de Dialogue inter malien, le projet de Charte pour la paix et la réconciliation, traiter les Maliens de différents bords de soutien et de non soutien à la Transition. Jusqu’à traiter certains acteurs politiques d’ignares. Je crois que le Premier ministre doit présenter ses excuses. Je suis convaincu qu’il doit être le premier au front de la recherche de solutions aux problèmes des Maliens mais pas dans les défiances. S’il veut rentrer dans le jeu militantisme, qu’il se démette. En dehors de ça, il doit comprendre qu’il est le Premier ministre de tout le monde. Il n’est pas le Premier ministre du MPR, ni de M5-RFP. Et s’il n’en est pas capable, en tout cas notre position est claire : il faudra trouver un Premier ministre qui reste en dehors des jeux politiques et qui puisse rassembler les Maliens.
Propos recueillis Kassoum Théra
Source: Aujourd’hui-Mali