Avec un potentiel de près de 2 millions d’hectares irrigables, soit l’un des plus grands périmètres de l’Afrique de l’Ouest, l’Office du Niger possède 1.440.000 hectares irrigables par gravité. Sur cette superficie, 130 000 hectares sont aménagés. Notre objectif, avec la volonté politique affichée, est de faire de l’agriculture le moteur de l’économie. Pour cela et, compte tenu des défis du changement climatique, les cultures irriguées sont stratégiques pour assurer la sécurité alimentaire.
Pour assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires, il faut des investissements dans les aménagements et dans les réhabilitations. Ces travaux coûtent très chers. Pour les financer, nous mettons un accent particulier sur le développement de l’irrigation via des Politiques, Plans et Programmes (PPP) et cela à travers un autre PPP (Partenariat Public Privé). Le PPP peut nous aider à accroitre les superficies aménageables. Déjà, l’Etat a consenti de gros efforts entre 2012 et aujourd’hui, car beaucoup de surfaces ont été réhabilitées et beaucoup d’aménagements pour l’extension des superficies ont été réalisés. Nous entendons déployer plus d’efforts pour les augmenter dans la mesure du possible, en fonction de la disponibilité de l’eau et également pour les réhabiliter.
Pour le financement des travaux d’aménagement et de réhabilitation, nous bénéficions de financements canadiens pour, par exemple, réhabiliter 2 000 hectares. Nous disposons également de financement de la BAD pour certaines réhabilitations, ainsi que pour de nouveaux aménagements. Afin d’accroitre le taux des travaux d’aménagement et de réhabilitation, nous demandons aux privés de nous aider à nous développer. C’est heureusement le cas avec le projet d’irrigation commerciale qui est en train d’être développé à Alatona avec la Banque Mondiale. Grâce à ce projet, nous allons avoir 8 800 hectares pour les grandes sociétés privées et 1 000 hectares pour les exploitations familiales. L’irrigation va se faire sous pression, une technique très rentable car elle évite les pertes d’eau.
La porte de l’Office est donc ouverte à tous les investisseurs. Nous sommes en train de prendre des dispositions afin de rationaliser au mieux la gestion de l’eau en zone Office du Niger tout en évitant les pertes d’eau, notamment avec la culture de la canne à sucre qui nous pose d’énormes problèmes. Irrigué par gravité, un hectare de canne consomme en effet deux fois plus d’eau qu’un hectare de riz. La canne à sucre demande ainsi 25.000 m3, le riz 15.000 m3 de façon générale. A l’Office du Niger, nous nous situons à environ 12 à 13.000 m3.
L’extension des parcelles étant limitée par la quantité d’eau disponible, il nous faut pratiquer une politique réaliste. Cette année, les pluies étaient mal reparties et déficitaires, nous avons eu des difficultés d’irrigation, mais celles-ci ne vont pas considérablement affecter notre production.
Intensifier la production
Nombre de mesures sont prises dans ce sens, et l’intensification doit être analysée sous plusieurs aspects. D’abord l’aspect de la production. Pour la culture principale qui est le riz, une culture qui fait office de locomotive à l’Office du Niger, l’éventail d’actions possibles est large : par exemple, les techniques améliorées de production du riz, les techniques au niveau de la recherche, les techniques de repiquage. Il faut tout d’abord que le sol soit bien préparé. Nous formons le paysan à la bonne préparation du sol, au repiquage et à l’utilisation des engrais à la bonne période ainsi qu’à une bonne planification et à une bonne gestion de l’eau. L’engrais doit être administré à la bonne période pour que le riz puisse l’utiliser.
Pour intensifier, nous avons le système de riziculture intensif qui présente beaucoup d’avantages car il permet au paysan de cultiver une parcelle de taille raisonnable et de repiquer le riz à bas âge, ce qui favorise le tallage du riz, tout en utilisant moins d’eau. Les gens ne comprennent pas que le riz n’est pas une plante aquatique. Il a cependant besoin d’eau pour se développer. Le système de riziculture intensif permet au producteur d’humecter sa parcelle et d’utiliser l’engrais. Si celui-ci est utilisé sur une surface bien humectée, le riz en profite. C’est là un système que l’on souhaite intensifier à l’Office du Niger. Nous formons le paysan aux bonnes techniques de production agricole, depuis la préparation de la pépinière puis le repiquage et l’entretien jusqu’à la récolte.
La récolte doit être faite à la bonne date pour obtenir une valeur ajoutée. En effet, lorsque le riz est récolté à 100% de maturité, quelle que soit la qualité de la machine utilisée, elle va être brisée. Il faut effectuer la récolte à 80% de maturité. Les paysans sont formés et encadrés par les techniciens à maitriser tous ces facteurs. La petite mécanisation a été adoptée afin que les agriculteurs puissent respecter le calendrier. Ils apprennent aussi à planter le riz à la bonne période afin que la production soit très élevée.
Encourager les cultures de diversification
Le riz est la culture principale. Mais, nous encourageons les cultures de diversification, surtout en contre-saison. La culture du riz est bonne en saison des pluies grâce à la grande disponibilité de l’eau. Néanmoins, notre vocation est d’encourager d’autres cultures moins consommatrices d’eau. La presque totalité des parcelles rizicoles utilisent l’eau du fleuve Niger. Dans le même temps, il faut tenir compte du delta intérieur qui s’étend dans Région de Mopti et abrite un système favorable aux migrations saisonnières. Il faut lâcher de l’eau pour que ce delta puisse être irrigué. Pour cela, notre entreprise joue un rôle primordial avec le barrage de Markala. Pendant l’étiage, on demande à l’Office de laisser passer 40 m3 à la seconde, c’est ce qu’on appelle le débit écologique. Mais cela est souvent très difficile surtout avec le changement climatique qui provoque une crise d’eau. Et s’il n’y a pas d’eau, le barrage de Markala ne peut pas en lâcher. Afin de gérer au mieux cette situation, il nous faut préserver et valoriser nos richesses en eau.
Réhabiliter et transformer
L’objectif à l’Office du Niger est d’augmenter les superficies dans des conditions raisonnables, en fonction de la disponibilité de l’eau. De la création de l’Office en 1946 à nos jours, il existe des endroits qui n’ont jamais été réhabilités. Ainsi, toutes les parcelles qui ont été aménagées pour le riz, des années 60 à nos jours, méritent aujourd’hui d’être réhabilitées. Car, après plus de 20 ans d’exploitation en matière hydraulique, il faut vraiment s’occuper des réseaux qui se dégradent. Une forte nécessité de réhabilitation s’impose.
Le problème est peu sensible durant l’hivernage lorsqu’on utilise moins de 6% de la capacité du barrage. Et cela suffit. Mais en contre-saison, on est obligé d’utiliser 50% de cette capacité.
Le contrat plan inclut ainsi un fichier avec des objectifs de production dont le rythme doit suivre celui des aménagements : l’an dernier, 158 000 hectares étaient prévus pour une production d’environ 1 050 000 tonnes de riz. Le rythme d’aménagement ayant ralenti, les objectifs de production ne pouvaient être respectés. L’objectif de production aurait dû être à 1 000 000 tonnes aujourd’hui, mais nous nous situons à environ 730 000 tonnes.
« Il faut changer les mentalités : l’agriculture n’est pas considérée comme une activité gratifiante »
Pour produire un certain tonnage, il faut disposer d’une superficie précise, mais cette superficie dépend elle-même des aménagements que l’Etat réalise. Au Mali, les investisseurs privés potentiels ne considèrent pas l’agriculture comme une activité gratifiante. Le grand commerçant malien préfère aller à Dubaï ou ailleurs pour pratiquer le négoce.
Il faut donc revoir comment développer les Partenariats Publics Privés, revoir comment revaloriser les relations commerciales. Cette révision doit aider nos producteurs à disposer de plus de garanties juridiques, comme des titres fonciers, afin de bénéficier de davantage de financements. Sans garanties pour obtenir un financement, on ne peut pas travailler.
Investisseurs ….
Il y a des projets publics ainsi que des projets privés en zone Office du Niger. Il existe des privés tel Modibo Keïta de GDCM qui a beaucoup investi avec de nouvelles technologies de pointe. Il produit de la pomme de terre, du maïs… Aujourd’hui, Modibo Keïta est un exemple à suivre pour les investisseurs maliens.
Nombreux sont les investisseurs étrangers à avoir manifesté leur intérêt : des Chinois, des Turcs, des Marocains et des Sud-africains.
J’invite les investisseurs à l’Office du Niger qui se prête au développement agro-pastoral et même aquacole. L’Office du Niger est un cadre favorable à un grand nombre d’activités : l’agriculture et pas seulement du riz, les cultures maraichères, l’embouche, pour exporter de la viande.
On sait que le département de l’Agriculture ambitionne de développer des agropoles au Mali. Et ce n’est pas un hasard si pour la première de ces agropoles, c’est l’Office du Niger qui a été retenu.
Demain
A l’horizon de 5 ans, je vois l’Office du Niger évoluer et devenir une puissante entreprise agricole capable de satisfaire une grande partie des besoins du Mali et de la sous-région. Dans les 5 ans, l’Office du Niger doit parvenir à couvrir plus de 60% de ces besoins alimentaires en riz. Il doit également contribuer notablement à la production de l’échalote qui est une de nos cultures phares. L’échalote procure, en effet, un revenu annuel de 27 milliards de Fcfa. Plus que le riz ! Ces perspectives quinquennales font une bonne place à la pomme de terre qui se développe bien et à la tomate. Pour cette dernière, les 5 années à venir devraient enregistrer l’introduction de la culture de la tomate industrielle et l’essor d’un pôle industriel de développement et de transformation de la tomate qui intéresse déjà des investisseurs chinois. Ces partenaires qui souhaitent avancer vite, veulent produire en régie mais aussi travailler avec de petites exploitations agricoles familiales qui seront ainsi connectées au marché. Ce projet de transformation de la tomate profiterait ainsi au partenaire qui apporte les capitaux, à l’Office du Niger et à nos paysans.
L’Office du Niger cultive donc de grands espoirs en l’avenir, surtout si une solution est trouvée à un problème qui freine son développement : celui de l’électricité. L’énergie électrique est, en effet, la clé du développement. Heureusement, aujourd’hui, des engagements ont été pris que les zones les plus importantes de l’Office du Niger seront couvertes.
J’invite les investisseurs à venir à l’Office du Niger parce que nos conditions d’investissement sont très attractives. La loi foncière spécifie clairement que la terre n’est pas vendue, des garanties juridiques et un code d’investissement prévoient l’exonération du matériel agricole.
En résumé, l’Office du Niger est un outil stratégique sur lequel l’Etat peut compter pour atteindre la sécurité alimentaire et devenir le grenier de l’Afrique. Le Mali se positionne ainsi à l’horizon 2020 pour être un pays émergent, exportateur de céréales. Ce pari ne peut être gagné que par la mise en valeur du potentiel irrigable de l’Office du Niger.
A. DIARRA
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