Revenu au Mali en fin 2017 après avoir servi dans les instances internationales dont l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), Dr Hamandoun Touré, candidat de l’Alliance Kayira se prépare pour la course vers Koulouba dont le premier tour est prévu le 29 juillet prochain. Dans une interview qu’il nous a accordée, il a non seulement parlé de son expérience mais aussi proposé des solutions de sortie de crise pour le Mali.
Le Pays : Présentez-vous, s’il vous plait
Hamadoun Touré : Je suis Dr Hamadoun, fondateur de l’Alliance Kayira. Un mouvement créé pour apporter la solution aux problèmes du Mali. Comme vous le savez, depuis mon retour au pays, j’ai engagé un certain nombre d’actions visant à promouvoir le dialogue et discuter des maux du pays, de ses causes et trouver des solutions idoines pour que le Mali trouve sa grandeur. Je suis ce Malien qui a non seulement eu une certaine expérience au niveau national mais aussi au niveau international et qui a une solution à apporter à la situation du Mali. Dans les années passées, je ne m’intéressais pas à la politique et c’était à tort. Je reviens maintenant car il n’est jamais trop tard pour servir son pays. Je pense que nous devons aller avec un dialogue constructif. Nous devrons faire un changement de la politique menée ces dernières années et trouver une alternance à cela. Il faut faire ce combat pour le Mali sans que ça ne soit contre quelqu’un. En ce sens, je suis prêt à discuter avec tout le monde. Il est important que le changement demeure aujourd’hui sinon le Pays va droit au mur.
Vous avez honoré le Mali travers le monde. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre carrière ?
J’ai eu la chance de représenter le Mali et l’Afrique dans plusieurs instances à travers le Monde. Cela m’a rendu beaucoup plus riche en expérience. J’ai travaillé comme ingénieur dans le programme d’assistance et de développement d’Intelsat de 1985 à 1996 et dans d’autres compagnies de satellite dont je suis spécialiste. J’ai toujours évolué dans le domaine scientifique. C’est d’ailleurs pourquoi je suis membre de plusieurs académies et centres de recherche scientifiques. J’ai dirigé l’Union Internationale de la Télécommunication dont j’ai été élu secrétaire général en 2007. L’UIT est en charge de mener la politique de développement des technologies de la communication dans le monde entier. Quand j’ai pris ma retraite en 2015, les chefs d’Etats Africains dont le Mali, ont créé une nouvelle entité, Smart Africa et m’ont demandé de diriger. J’ai piloté cette agence jusqu’en fin 2017. Là-bas, J’ai été recruté pour 5 ans mais j’avais promis de faire le travail en deux ans pour qu’un plus jeune puisse me remplacer et c’est ce que j’ai fait.
J’ai eu cette chance de servir le continent africain car c’est un domaine qui a beaucoup d’interactions avec la jeunesse. Les questions fondamentales qui interviennent ici au Mali sont entre la question de l’emploi des jeunes, l’entreprenariat… dont j’ai des solutions.
Cette carrière à l’internationale m’a permis de mettre un réseau au Mali et faire beaucoup d’investissements et de programmes. C’est pourquoi, j’ai reçu des distinctions honorifiques venant de l’Etat malien. Le président Alpha Oumar Konaré m’a fait chevalier de l’ordre national ; le président Amadou Toumani Touré aussi.
Que pensez-vous de la situation actuelle du Pays ?
Je vois malheureusement aujourd’hui une classe de dirigeants qui, au lieu de servir le pays se servent. C’est ce qu’il faut vraiment changer. J’ai une détermination pour changer la situation actuelle du Mali car je me dis que nous sommes tous fautifs. Quand on parle de la corruption, ceux qui donnent de l’argent, ceux qui prennent et ceux qui observent silencieusement sont tous fautifs. Mais la question n’est plus là. Il faut s’interroger à ce qu’on doit faire pour résoudre ces problèmes. Pour cela, Il faut un nouveau type de dirigeant déterminé à changer. Celui qui n’est pas mouillé dans le système, n’a pas menti à la population, peut créer la confiance, gagner la confiance des investisseurs et peut mener une politique de développement adéquat du pays.
J’ai eu la chance d’être dans le conseil présidentiel de plusieurs chefs d’Etats et j’ai vu comment ils fonctionnent. Il faut que les gens sachent qu’on conçoit le développement et avec les fils et les filles de ce pays. Ce qui nous manque ici au Mali, c’est le dialogue. On n’est pas en train d’utiliser nos enfants. C’est pourquoi je suis venu avec ma fameuse formule : ’’nous sommes tous brillants mais quand on nous met ensemble, ça ne brille pas’’. Les Maliens sont en train d’aider les autres pays partout dans le monde entier ; que ce soit les intellectuels ou des commerçants même des illettrés. Mais pourquoi on n’arrive pas à développer notre pays ? Ce n’est pas quand même les hommes qui nous manquent. C’est le système qui n’est pas bon et c’est ce qu’il faut changer. Si pendant 10 à 15 ans, la même formule n’avance pas, il faut qu’on la change. Le changement s’impose car si on ne fait pas, c’est le pays qui va sombrer. Lutter pour le changement d’un système ne veut pas dire qu’on est contre une personne. Nous nous battons pour le Mali. Des gens comme moi qui ne peuvent pas accepter que le même système continue, travaillent pour le changement et c’est pourquoi je suis dans une plateforme. Je cherche les Maliens qui ont les mêmes visions que moi pour le changement. La population veut le changement aujourd’hui et ça se fera cette année.
Quelle solution avez-vous pour que l’Etat retrouve sa forme normale de stabilité ?
L’état de santé du Pays, c’est la crise du Nord ; l’accord d’Alger qui n’a pas bougé, il n’y a que des monologues. Il n’y a ni interlocuteur ni dialogue. Il va donc falloir changer cela et trouver une solution rapide. Le problème sécuritaire a fait que le Mali ne nous appartient plus. Parlant des problèmes d’administration, nous vivons dans un pays centralisé. Il y a quand même une façon de décentraliser qui peut convenir aux populations. Les problèmes du Mali sont économiques. Quand on parle de rébellion du Nord mais quand tu vois la misère dans les autres parties aussi, c’est inquiétant. Les racines du mal se trouvent là. Plus de 60 ans d’indépendance, nous sommes toujours à ce niveau, ça ne va pas. L’éducation fait partie des autres maux de notre société. Au lieu de chercher du savoir, les gens ne cherchent que de diplôme. Il faut aussi revoir cela. Nous sommes à l’heure de la société de l’information dans le monde mais certaines matières importantes ne sont même pas enseignées chez nous, par exemple la programmation qui devait être dans le programme depuis le jardin d’enfant. Le système de santé n’est pas aussi bon. Les élites se soignent ailleurs et la population souffre. A chaque fois que le président va se soigner à l’extérieur de son pays, c’est le prix d’un hôpital tout fini chez nous et qui peut soigner beaucoup de Maliens. Quant à la justice sociale, tout le monde sait sa qualité. Or, un pays ne peut pas se développer ni avoir la paix sans justice sociale. Il faut que ce problème de justice sociale soit résolu. Il faut un leadership discipliné pour montrer un bon exemple. On peut lutter contre la corruption, l’injustice … sans défavoriser quelqu’un et favoriser l’autre. Pour réussir tout cela, il faut augmenter les salaires. Il faut aussi lutter contre le chômage des jeunes. Il y a des solutions à tout cela et ces solutions sont à l’intérieur du Pays. On ne doit pas aller chercher la solution du Mali à l’extérieur. Les autres pays comme Zimbabwe, la Tunisie…ont résolu leurs problèmes chez eux. Pourquoi pas nous ? Pourquoi l’accord de Ouaga, l’accord d’Alger au lieu que ce soit l’accord de Bamako ou Ségou ? Le Mali est un grand pays et a besoin d’un vrai dialogue. Pourquoi ne doit-on pas résoudre nos problèmes chez nous ? Je pense qu’il est temps qu’on pense à cela. Nous avons même tendance à demander à la communauté internationale de donner la solution à nos problèmes. Or la communauté internationale doit nous accompagner et non nous assister. En plus des problèmes sécuritaires liés au trafic de drogue et autres, il y a des problèmes de sous-développement. Tout le monde a intérêt à ce que le Mali soit stable. Des accords internationaux sont nécessaires pour que chacun joue sa partition. Le pays a besoin de réunir toutes ses forces. Nous sommes dans une situation difficile mais il y a de l’espoir car la mentalité du Malien est arrivée à un certain niveau où il ne réclame que le changement.
Certains de mes détracteurs disent que les gens ne me connaissent pas ici tout en oubliant que la population préfère les gens qu’elle ne connait pas que de collaborer avec le Diable qu’elle connait. Le Mali a été divisé en Nord, Sud, Ouest, Est et Centre. Il est aussi divisé en Malien de l’intérieur et de l’extérieur et c’est ce qu’il faut arrêter.
Aujourd’hui, il y a quelque chose qui ne va pas au niveau institutionnel qu’il faut changer. La solution de ce pays est simple, choisir un dirigeant qui n’est pas mouillé. Il faudrait commencer avec une nouvelle classe de leaders qui ne veulent pas se servir mais servir le Pays. On est en train d’aller droit au mur mais il n’est jamais trop tard pour un pays de se réveiller. La situation difficile que le Mali a connue avec l’arrivée de ces terroristes devait être une occasion à ce que nous nous donnions la main. Les soldats sont en train de mourir sans savoir pourquoi ils sont morts. On est en train d’envoyer certains de nos officiers supérieurs hors du Mali, dans des ambassades…seulement par peur de coup d’Etat. Le Mali est un pays très riche en ressource naturelle, l’or et le coton ; nous avons un fleuve qui traverse le Pays à plus de 1500 Kilomètres ; des terres irrigués ; des régions où nous avons l’agriculture, Ségou et Sikasso. Ces ressources peuvent développer le Pays.
Les prochaines élections seraient un moment de débats et de propositions de solutions. Moi, je suis prêt à discuter et proposer mes solutions.
Quel est votre dernier mot à l’endroit du peuple malien ?
C’est surtout à la jeunesse malienne que je voudrais dire un mot. Les jeunes ont un important rôle à jouer dans le développement du Pays. Ils doivent être motivés. Ils doivent savoir que l’avenir leur appartient et ils sont aussi l’avenir du pays. Je voudrais leur rassurer que nous voulons faire quelque chose pour eux. Je veux leur dire de rester mobilisés, ne pas perdre espoir et ne pas croiser les bras.
Par Boureima Guindo
Source: Le Pays