Depuis bientôt deux ans, l’Hôpital CHU Gabriel TOURE traverse une crise sans précèdent qui hypothèque ses missions, voire même son existence. Ce lundi 17 juillet 2023, les responsables du Syndicat national de la Santé, de l’Action sociale et de la promotion de la famille (SNS-AS-PF) a animé un point de presse essentiellement consacré aux raisons de cette série de grèves qui paralysent ce centre hospitalier du Mali.
Au cours de cette rencontre avec les médias, dans l’enceinte de l’Hôpital, le Dr Locéni BENGALY, secrétaire général du SNS-AS-PF, a dénoncé ce qu’il qualifie de mépris des autorités face aux doléances des travailleurs. Après avoir souhaité prompt rétablissement aux patients qui y sont en soins, le Dr BENGALY a invité les autorités à tout mettre en œuvre pour les permettre d’accomplir dignement leur mission.
Pour rencontrer la presse, le Dr Locéni BENGALI avait à ses côtés plusieurs autres responsables du Comité syndical, notamment le porte-parole du syndicat, Djimé KANTE, non moins secrétaire général adjoint du SNS-AS-PF ; et Seydou BAMBA, secrétaire à l’organisation dudit syndicat.
Le devoir d’agir
Un personnel lésé, des conditions d’accueil déplorables, le non-respect des engagements plus par l’État, un plateau technique défaillant, voici la situation chaotique décrite par le Comité syndical du CHU Gabriel TOURE au niveau de cet établissement sanitaire.
À l’entame de son propos, le secrétaire général a exprimé toute la peine qu’il éprouve à venir parler encore des problèmes de Gabriel TOURE si bien que les cessations de travail y ont été nombreuses ces derniers mois.
Il a rappelé que l’actuel mot d’ordre de grève a été lancé par deux syndicats de l’hôpital, à savoir SNS-AS-PF et le SYNACAM (syndicat autonome des cadres médicaux du Mali). À l’issue d’une Assemblée générale tenue, le vendredi dernier, les deux syndicats ont donc décidé de rompre le silence autour de la situation qui semble devenir normale au niveau de l’hôpital malgré les enjeux.
Cette grève qui est en cours est, dit-il, le résultat de l’échec des négociations entre le syndicat et les autorités de la transition.
Aujourd’hui, a-t-il fait savoir, il n’y a plus de dialogue entre le syndicat et le gouvernement après l’accord bancal arraché au mois de ramadan dernier.
Depuis que le syndicat a déposé son nouveau préavis au mois de mai dernier, les autorités ont brillé par le silence.
«Aujourd’hui, c’est l’indifférence totale. Les deux ministères qui sont chargés de gérer ce préavis ne nous ont pas conviés à la conciliation comme cela se doit ; et la grève était inévitable», a-t-il déploré.
Même si le syndicat n’a pas lancé un mot d’ordre de grève illimité, force est de constater que depuis le 31 mai, ledit hôpital enregistre seulement quelques jours de travail par semaine.
«Nous sommes face à des autorités qui n’ont que du mépris pour le syndicat, qui ne daignent même pas répondre à nos correspondances et demandes d’audience pour rechercher des solutions concertées à des problèmes qui peuvent mettre en péril la vie des Maliens», a critiqué le conférencier.
Devant des Autorités qui ne tiennent aucun engagement, quelle conduite tenir tout en continuant à vivre dignement et sans trahir ses convictions professionnelles ? s’est-il interrogé.
Dans le secteur de la Santé, a-t-il déploré, le Dialogue social est en passe de devenir un vain mot à tel point que le niveau de confiance entre les Syndicats et l’Administration s’amenuise.
«Il est regrettable de constater que les Syndicats, à chaque fois, soient obligés de procéder à des préavis de grève pour parvenir à des négociations et aboutir à des Procès-Verbaux (PV) de conciliation», s’est-il insurgé.
Les agissements du DG
En effet, a-t-il révélé, au CHU Gabriel Touré, depuis plus de deux ans, le Directeur général, avec l’appui de certains membres du bureau exécutif national du SNS-ASPF, a entrepris la mise en place d’un Bureau parallèle en violation de toutes dispositions règlementaires. D’où l’existence de deux bureaux au sein du Comité syndical du CHU Gabriel Touré. Une situation préjudiciable qui est utilisée par le Ministère chargé du dialogue social ainsi que par celui en charge de la Santé et la Direction du CHU Gabriel Touré pour tenter d’annihiler toute activité syndicale au sein de l’hôpital Gabriel Touré.
«Aujourd’hui une puissante action syndicale s’impose pour l’intérêt même des populations afin que nous puissions assurer avec efficacité la prise en charge des patients à nous référer», a préconisé le Dr BENGALI.
Il ressort de son propos que les principales préoccupations actuelles des Comités syndicaux du CHU Gabriel Touré qui ont fait l’objet de la cessation de travail de ces derniers mois s’articulent autour de trois axes majeurs à savoir : l’avènement d’une bonne gouvernance hospitalière ; la sécurité du personnel et l’amélioration des conditions d’accueil, d’hospitalisation et des soins des patients ; le respect des engagements pris par les Autorités.
Pour le porte-parole du SNS-AS-PF, Djimé KANTE, ce qui se passe aujourd’hui dans les hôpitaux du Mali, et particulièrement à l’Hôpital Gabriel TOURE, interpelle chacun de nous.
Des offres au rabais
Selon lui, il est inadmissible que des engagements pris en toute responsabilité par les autorités vis-à-vis d’un secteur aussi important que la santé ne soient pas respectés.
«Il y a des examens qu’on peut faire dans les centres de santé des différents quartiers qu’on ne peut pas faire à Gabriel TOURE. Il est souvent impossible à certaines heures de la nuit de faire une simple échographie abdominale», a-t-il dit, faisant allusion au plateau technique de l’hôpital.
Même pour un bilan préopératoire, on est obligé, dit-il, de référer le malade dans les laboratoires privés.
«Régulièrement, des appareils indispensables dans un CHU tels que le scanner et la radio tombent en panne et souvent pendant longtemps», a-t-il indiqué.
Il ressort de son propos que le Comité syndical a attiré l’attention des autorités plusieurs fois sur les mauvaises conditions de travail et le faible niveau du plateau technique qui prévaut au niveau de centre hospitalier sans que les mesures idoines ne soient prises.
Selon lui, cette grève dure depuis longtemps sans que cela ne dérange personne même si c’est la vie des populations dont il est question. D’ailleurs, a-t-il fait savoir, elle avait été suspendue à la suite de l’embargo de la CEDEAO en 2022.
Au lieu que cette suspension soit mise à profit pour discuter avec les syndicats du secteur afin de trouver des solutions, on a plutôt assisté, dit-il, à des campagnes de dénigrement, à des menaces, à des intimidations, à des tentatives de corruption des responsables syndicaux ou de division des syndicats.
Un hôpital indigne
Selon Djimé KANTE, les salles d’hospitalisation sont puantes ; les conditions d’accueil déplorables. «Nous avons un hôpital qui n’est pas digne de soigner des êtres humains. », a déclaré Djimé KANTE, secrétaire général adjoint.
À en croire Djimé KANTE, des accompagnateurs repartent souvent avec d’autres maladies parce que l’hôpital est sale. Des malades qui sont hospitalisés pour une pathologie sortent avec d’autres pathologies contractées en milieu de soins.
Selon ses explications, pour une simple consultation, le patient peut passer deux heures de temps. Une situation qui perdure malgré les propositions concrètes d’amélioration des syndicats.
De l’avis de ce syndicaliste, la mauvaise gouvernance est l’une des raisons qui font qu’il y a beaucoup de problèmes dans nos structures de santé.
«Il faut souvent faire le tour de l’Hôpital pour pouvoir trouver un ordonnancier afin de prescrire un médicament. Pour aussi trouver une photocopieuse qui fonctionne, vous avez des problèmes à Gabriel TOURE», a-t-il critiqué.
Quand on nomme un directeur à Gabriel TOURE, vous avez deux choix. Soit vous êtes brillants, vous travaillez correctement ; soit vous vous attaquez aux syndicats pour les diviser pour cacher vos faiblesses, a-t-il caricaturé.
«Nous voulons un hôpital épanoui dans notre intérêt, mais surtout au bénéfice des patients», a-t-il exigé.
Pour le syndicaliste, notre pays a aujourd’hui un système de santé qui est sincèrement bancal, mais dès que le syndicat commence à dénoncer, il est traité d’ennemi du pays.
«Ce que nous revendiquons, ce n’est pas de la mer à boire. Ce que nous demandons, c’est vraiment un cri de cœur, un appel que nous lançons, nous sommes aussi des fils de ce pays. Nous voulons être écoutés, compris ; nous voulons être juste mis dans nos droits», a imploré M. KANTE.
«Si nous sommes en train d’agir dans l’illégalité que nous subissons toute la rigueur de la loi», a-t-il défié.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info Matin