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Djibril Tangara , ancien ministre : “Il n’y a pas de mot pour qualifier les bienfaits d’ATT”

Mes relations avec ATT sont plutôt familiales car mon père et celui d’ATT sont des amis d’enfance. Quand mon père était marchand de bétail, Toumani (le père d’ATT) était son logeur à Mopti et en même temps l’intermédiaire entre lui et les fournisseurs de bétail. D’ailleurs, c’est pourquoi son père se rendait à Sofara, à Somadougou, à Sévaré, pour lui chercher des animaux. Malgré tout, j’ai connu ATT quand j’étais inspecteur régional des impôts à Mopti et en même temps j’étais trésorier du Débo club. Je ne me rappelle plus exactement de l’année, mais notre club devait jouer la demi-finale de la Coupe du Mali contre le Sigui de Kayes, après avoir éliminé une équipe de Bamako. On pensait avec cet exploit qu’on allait jouer la demi-finale dans la capitale malienne, mais avec l’appui d’un cadre kayesien de la femafoot, ils se sont arrangés pour nous faire déplacer à Kayes. Les joueurs et les dirigeants, aussi bien que les supporteurs, ont tous considéré cela comme une injustice. Nous avons donc pris attache avec les cadres de la région de Mopti dont ATT qui travaillait à la Présidence de la République et Mahamane Santara qui est de Djenné afin qu’ils plaident en notre faveur au niveau de la Fédération.

C’est au cours de cette rencontre que j’ai vu  ATT pour la première fois. Il n’avait pas encore fait le coup d’Etat. La rencontre s’est déroulée à la Base. Il nous a conseillés de ne pas faire de ce déplacement sur Kayes un problème car cette région est aussi un territoire du Mali et il nous a fait savoir, de la même manière, que nous avons battu un club de Bamako ici à Bamako, pourquoi pas le Sigui de Kayes chez lui. Dès ce jour, j’ai vu en ce monsieur les qualités d’un grand homme. Pendant tout ce temps, je ne savais pas encore qu’il était l’ami de mon père.

Aussi, durant mon séjour de fonctionnaire à Mopti, je logeais dans un immeuble qui abritait aussi le magasin du père de ATT et chaque matin on était ensemble, sans que lui aussi sache que je suis le fils de son ami marchand de bétail. C’est durant nos causeries, un jour, qu’il a su que je suis le fils de son ami. Après, j’ai été muté à Ségou comme directeur régional des impôts et lorsque  ATT était de retour de l’école de guerre de Paris, il était parti rendre visite à son père qui lui a conseillé de faire escale chez moi, à Ségou. Effectivement,  il a suivi les conseils de son père et m’a rendu visite. Ce jour, j’animais une conférence, mais je suis sorti de la salle pour le conduire en famille. Sur place,  nous avons mangé, causé. Il m’a demandé : “Petit frère, qu’est-ce que je peux faire au Mali maintenant ?”.  J’ai répondu : “Grand frère, le pays-là est mélangé maintenant, tu ne peux rien faire et je te conseille de retourner à l’Ecole de guerre de Paris ou demander un poste à l’international”. Il m’a répondu : “Je ne vais pas retourner en France,  j’aime trop le Mali”.

Ce jour-là, il avait promis de me revenir et c’est une semaine après cette visite qu’il a fait le coup d’Etat. Et après le putsch, il m’a invité à l’aider durant la Transition. En guise de réponse, j’ai soutenu que je préfère attendre, surtout au terme de la Transition, le voir à Koulouba. Il m’a dit en riant : “Dis, petit-frère, tu es fou ou bien ?”.

Après la Transition de 14 mois et sa médiation dans le conflit centrafricain, beaucoup de nos compatriotes pensaient à lui pour diriger ce pays après les deux mandats d’Alpha Oumar Konaré. Il s’agit notamment de nos intellectuels comme Ahmed Diané Semega, Souleymane Koné… à partir de l’appel de Dakar. Et les gens avaient créé toutes sortes d’associations de soutien à son nom. Moi j’avais créé une association à Sikasso qu’on appellait ATTA. C’est en ce moment qu’il m’a envoyé Modibo Doumbia et Lamine Cissé qui étaient aussi à la tête de leur propre mouvement pour que je les représente à Sikasso. C’est en ce moment que j’ai su que l’affaire était sérieuse car je me suis dit que quand le  grand frère me mets en mission, je ne peux faire que le maximum pour lui. J’ai toujours rassemblé mes amis pour la cause d’ATT à Sikasso et à travers le pays.

A la première réunion, nous avons eu 9 personnes, la seconde 38 et après on ne pouvait  plus compter les gens. Et j’ai mis sur pied 80 cellules de soutien, en son nom, dans la capitale du Kénédougou. Et dans ça, il n’avait dit clairement sa position. Pour lever toute équivoque par rapport à sa candidature,  j’étais obligé de faire le déplacement de Bamako pour me rassurer, il m’a dit : ” Allez-y travailler seulement “. Ce jour-là, j’étais avec Dagamaissa, notre porte-parole et Ousmane Touré, l’actuel directeur national de l’Environnement. En nous accompagnant, ATT a ajouté : “Ma réponse est plus proche du oui que du non, mais je vais vous répondre”.

Entre temps, il m’avait demandé de voir comment fédérer toutes les associations qui portent son nom. ATTA de Sikasso était devenue dans cette logique la plaque tournante, mais on faisait toutes nos activités à nos propres frais. La seule personne qui nous a aidés, pour la première fois, c’était l’ancien président du Cnpm, Mamadou Sidibé, qui nous a remis des t-shirts et d’autres cadeaux. Ce geste nous a confortés qu’ATT sera candidat.

Par la suite,  ATT avait décidé de s’adresser au peuple malien. Je lui avais suggéré de le faire à Sikasso. Les associations présentes à Bamako n’étaient pas d’accord sur le choix du lieu, mais ATT avait convaincu tout le monde que Sikasso était le meilleur choix. Et le 10 mars 2002, il a fait sa déclaration. Les gens disaient qu’on allait échouer en termes de mobilisation pour la simple raison que cela coïncidait avec le jour de la foire. En plus de cela, j’avais proposé de prendre le stade Babemba et ATT trouvait cela osé, mais je l’avais rassuré.

Nous avons relevé le défi de la mobilisation. Amadou disait dans sa déclaration, après la lettre de Dakar, après la déclaration de tous les mouvements de soutien : “Je vais tenter de conquérir le pouvoir. Si je réussis, c’est bien et si je ne réussis pas, on ne m’accusera pas de ne pas pouvoir tenter, surtout pour les enfants”. Il a gagné les élections et un jour on m’a appelé pour m’informer que je suis désormais ministre lors de la formation de son premier gouvernement. J’ai été deux fois ministre sans qu’on me demande de CV. On m’a fait savoir qu’à chaque fois qu’il nommait un nouveau Premier ministre, il lui suggérait de tout faire pour trouver une place pour moi.

Bref, ATT est un homme immense, social. Il aime surtout le Mali et les Maliens. Il n’y a pas de mot pour qualifier ses bienfaits, les gens oublient que c’est grâce à ATT que la mensualisation des pensions a été adoptée. C’est un volet que beaucoup de personnes oublient. Il y a l’assurance maladie obligatoire. En somme, je ne peux que prier pour le repos éternel de son âme et présenter mes sincères condoléances à toute sa famille et au peuple malien”.

Source: Aujourd’hui-Mali

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