Il s’appelle Djibril Makan N’diaye, communément appelé « Djibi N’diaye », né en 1960 de Médine et fils d’un ancien contrôleur de train et d’une teinturière. M. N’diaye est un comptable de formation, mais aujourd’hui agriculteur, maraicher, planteur et éleveur, bref un homme de tout terrain.
A son actif plus de 5 000 pondeuses, 5 000 pieds de papayers, 500 pieds de manguiers, 500 pieds de tangilots, 400 têtes de moutons, 15 hectares de champs. Djibi ravitaille actuellement le marché de Kayes, de sadiola des produits maraichers. Grâce à lui le prix des plaques d’œufs ont baissé de 3000 Fcfa à 1900 F cfa, il couvre les besoins en papayes tout le marché de Kayes. Mais l’enfant de Médine, pas plus de 60 kgs, a le cœur gros comme la colline de Médine et une ambition démesurée, avec un objectif à court terme : faire du bord du fleuve Sénégal un « 2ème fort de Médine » où les visiteurs du fort pourront désormais régaler leurs yeux avec la verdure en face de l’autre côté du fleuve sur la rive droite ! Adulé par tous les villages environnants, affectueusement appelé « Djibi» à travers ces œuvres caritatives, l’homme a dressé, à 17 kms de Médine dans une zone autrefois pressentie hantée, un hameau qui porte son nom : Djibibougou. Modeste, simple, amoureux des animaux et de la verdure, Djibril Makan N’diaye pense que toute autosuffisance passe nécessairement par la maîtrise de l’eau et l’agriculture, son adage préféré : «la terre ne ment pas.» Ainsi Djibi, en donnant le bel exemple, invite les jeunes à s’intéresser à la terre ! Son engagement, ses investissements, sa foi en la terre et aux bénédictions des parents forcent l’admiration et l’envie de travailler la terre! Djibi est tout simplement une grosse source d’inspiration pour toute la jeunesse Kayesienne : la réussite est au bout des efforts ! répète-il. La pisciculture, la culture du coton, la plantation des pourgueurs sont les très prochaines expérimentations de Djibi Ndiaye.
Le parcours atypique de l’homme, son projet exemplaire, sa réussite dans tous les domaines investis ont poussé le journal KayesInfos à s’intéresser à ce monsieur qui constitue aujourd’hui une référence régionale ! Suivez son entretien …
KayesInfos : Pouvez-nous nous expliquer ce que vous faites ?
J’ai un vaste projet dans le secteur de l’agriculture, l’élevage, le maraichage, l’aviculture et la pisciculture. Avec le maraichage, c’est surtout la plantation d’arbres fruitiers. J’ai 500 pieds de manguiers tous de variétés américaines et aussi des orangers et des goyaviers.
Je suis de Médine à 12 km de Kayes, une vieille ville dont la plupart des habitants sont des fonctionnaires et la principale ressource de cette ville qui a pris l’allure d’un village aujourd’hui est le tourisme. L’histoire de Médine est intimement liée à l’histoire du fort construit vers 1860 par les colons blancs. En tant que fils de cette ville, je dis que je dois apporter ma petite contribution au développement et le constat amer que j’avais fait, c’était l’exode rural, les jeunes du village commençaient à trop vider Médine pour aller chercher leur pain quotidien ailleurs. J’ai voulu montrer qu’ici, à Médine, nous avons des grosses ressources sures notamment le fleuve Sénégal. En investissant dans les secteurs comme l’agriculture, l’élevage, le maraichage je veux montrer aux jeunes qu’on peut réussir dans ces domaines en restant sur place. Et aujourd’hui, il faut reconnaitre que beaucoup de personnes ont compris et commencent à s’investir dans ces secteurs que je considère toujours porteurs. « la terre ne ment pas » dit-on. Alors j’invite la jeunesse à s’investir davantage dans l’agriculture.
KayesInfos : Quelles autres activités?
Je fais aussi l’aviculture, j’ai 5000 pondeuses et c’est uniquement pour servir le marché de Kayes. Je suis parti petit à petit, au début j’ai commencé avec 100 pondeuses, la deuxième année 400 et maintenant j’en ai 5000. Je fais en moyenne 200 à 400 alvéoles par semaine et je sers le marché de Kayes, Sadiola et de Gangounteri aujourd’hui.
Je fais également l’élevage et j’ai divisé ce domaine en trois parties. Les vaches avec les espèces hollandaises que je fais croiser avec nos espèces maures et peulh et les résultats sont concluants, je fournis suffisamment de lait à Kayes maintenant. A côté j’ai aussi plus 400 têtes de moutons de toutes les races notamment la race très prisée de « babali ».
KayesInfos : Quel est l’impact local et régional de votre projet ?
A Médine, nous avons des potentialités et nous pouvons créer beaucoup de richesses. Beaucoup de choses ont changé à Médine et dans les villages environnants depuis le début de mon projet. Autrefois c’était le matin la bouillie, l’après midi, le riz et le soir le couscous, mais avec le projet de maraichage par exemple, les habitudes de consommation ont changé et les populations ont compris par exemple qu’avec juste de la salade, ou des concombres qui coûtent moins cher, on peut se servir pour le petit déjeuner ou le dîner. Et cela fait une économie pour le chef de famille et moi aussi je gagne. Au niveau de Kayes aussi, le prix a considérablement baissé sur le marché. Autrefois les produits maraichers venaient de Bamako, mais aujourd’hui, la plupart des produits viennent de Médine et nous comptons servir tout le marché de Kayes et de Sadiola dans les années à venir.
KayesInfos : Quels Emplois ?
En terme d’emploi, ce n’est pas Médine seulement, c’est tous les villages environnants. J’ai actuellement 26 jeunes en temps plein et de façon temporaire, je recrute 60 à 80 jeunes par jours et dès fois pendant 02 à 03 mois. Les femmes aussi participent de façon temporaire. J’ai également initié les femmes qui jetaient après la récolte d’arachide leurs pailles. J’ai pu les organiser et leur montrer comment utiliser ces pailles que je rachète. Maintenant elles gagnent beaucoup avec les pailles et souvent plus que les graines d’arachides. Donc, grosso modo, j’initie aujourd’hui les jeunes et les femmes pour qu’ils puissent participer au développement de leur commune avec les activités de maraichage.
KayesInfos : Comment vous arrivez à approvisionner le marché de Kayes ?
Sur une superficie de 5 hectares, au départ, j’avais planté 5 000 pieds de papayes en 1ère année, j’arrivais à servir le marché de Kayes en papayes, en concombres et autres fruits. En 2ème année j’ai planté 10 000 pieds de papayes et aujourd’hui Dieu merci, nous arrivons à servir le marché de Kayes en produit maraicher. C’est pour dire qu’ avec une superficie de 5 hectares seulement nous arrivons à satisfaire le marché de Kayes, imaginez si on arrivait à exploiter tout le long du fleuve, chaque kayesien pourrait avoir une papaye en dessert! Autrement, j’invite les populations à s’investir dans le secteur maraicher si nous voulons vraiment arriver à l’autosuffisance alimentaire. Maintenant je voudrais dans un proche avenir avec des partenaires peut-être initier de petites usines de transformation de jus de papaye, de mangues et autres. En plus nous avons la chance d’avoir des mines dans la région où il y a beaucoup de d’affluence. Actuellement, je sers le marché de Sadiola et de Djidjan en œufs. Hier, les plaques d’œufs étaient vendues à Kayes à 3000 ou à 2500 Fcfa et aujourd’hui grâce à notre production, le prix est à 1900 F cfa. Moralement je me suis dit qu’aujourd’hui je participe au développement de ma commune et de ma région.
KayesInfos : Quelles sont vos difficultés ?
J’ai eu réellement des difficultés au départ et elles sont multiples. Vous avez constaté avec moi l’accès au site, il faut traverser le fleuve et là j’ai besoin aujourd’hui des pinasses pour transporter les récoltes et les intrants. En plus, la divagation des animaux constituent un casse tête pour moi, il faut songer à sécuriser les lieux. L’autre grande difficulté, c’est l’exode rural, beaucoup de jeunes allaient pour l’orpaillage et donc j’avais des problèmes de main d’œuvre. Mais Dieu merci, la plupart de ces jeunes ont compris et préfèrent rester ici et gagner leur pain quotidien.
KayesInfos : Quelles sont vos ambitions ?
Ma plus grande ambition est de voir Médine, une ville où le maraichage est développé et où on peut servir tout le marché de la région de Kayes mais aussi ce qu’il y ait plus de parcelles inexploitées tout au long du fleuve Sénégal. L’autre ambition est de planter également beaucoup d’arbres pour que nos fils et petits fils trouvent un autre fort de Médine qui est la verdure.
KayesInfos : Quel appel avez-vous à lancer ?
J’avoue que je n’ai pas encore les moyens de mes ambitions, aussi voudrais lancer un appel pressant aux autorités maliennes et aux partenaires internationaux pour soutien financier, matériel et technique afin d’ élargir le projet. Aujourd’hui une seule personne ne peut pas développer le maraichage donc je demande l’accompagnement du Gouvernement du Mali. Je suis persuadé qu’avec l’agriculture, l’élevage, la pêche, le Mali peut arriver à l’autosuffisance alimentaire. Médine a aujourd’hui quatre atouts : le fort, le fleuve, la terre exploitable et une route goudronnée. J’ai donné l’exemple et je cherche des partenaires financiers pour changer l’éco système et les modes de vie ici à Médine. Moi, je crois !
Entretien réalisé par Boubacar Niane