Le secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a signé, le 19 mars 2024, une lettre comprenant la liste des différents décrets de dissolution d’associations dont l’objet est « Transmission de décrets de dissolution d’Associations ». Cette correspondance est destinée aux gouverneurs de régions afin de faire respecter les actes de dissolution du gouvernement et d’interdire toutes activités des associations concernées. Constat : dans cette liste ne figurent pas encore de partis politiques.
Cela va durer pendant combien de temps ? C’est là toute la question car tout porte à croire que les
partis politiques sont bien dans le viseur.
Le gouvernement du Mali pourrait-il aller au bout de sa logique de dissolution des mouvements, associations et organisations politiques à qui il reproche des manquements aux lois et textes en vigueur au Mali ? Il est temps de s’interroger sur la finalité de ces dissolutions, mais aussi et surtout sur la partie cachée de l’iceberg.
Après la dissolution de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali (29 décembre 2023) ; de Solidarité pour le Sahel (31 janvier 2024) ; de l’Association Kaoural Renouveau (11 mars 2024) ; de la CMAS de Mahmoud Dicko (14 mars 2024) ; et de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM) (14 mars 2024), l’opinion aurait déjà une idée de la prochaine cible du gouvernement.
Plusieurs de nos compatriotes sont prêts à parier que la foudre du gouvernement s’abattra à coups sûrs
sur un parti politique.
Alors, de notre point de vue, la dissolution n’est pas un mal en soi si l’objectif est d’assainir la société civile et la classe politique.
Elle n’est pas non plus contraire à nos textes, mais la dissolution doit répondre à une certaine éthique.
Elle doit servir de leçons aux autres associations et organisations politiques. La dissolution doit permettre d’opérer un changement de cap ou d’améliorer la contribution de la société civile et des partis politiques à l’émancipation des citoyens.
Aussi, le gouvernement du Mali doit saisir cette opportunité pour reformer les textes qui régissent jusque-
là les mouvements et associations politiques y compris les partis politiques. Parce que si ce n’est pas le cas, beaucoup d’observateurs craignent que le but de ces dissolutions ne soit pas de bâillonner ou
d’intimider la classe politique et la société civile.
Aux structures dissoutes, il est reproché la violation des textes en vigueur sur les associations en République du Mali, mais aussi le non respect de leurs engagements respectifs.
S’agissant de la Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), le gouvernement parle « d’un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique, comme en témoignent la sortie médiatique de son Coordinateur Général, le 07 octobre 2023, suite à l’annonce du léger report de l’élection présidentielle et la tenue de propos de dénigrement des autorités de la transition sur une chaîne de télévision privée. Le parrain de la CMAS s’adonne clairement à des activités suversives susceptibles de troubler l’ordre public, notamment à travers ses récentes visites à l’extérieur et ses rencontres officielles avec des personnalités de
puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali. Cette
circonstance constitue un manquement aux dispositions statutaires de la CMAS et une atteinte aux
intérêts supérieurs du pays.
Par ailleurs, il convient de signaler que la CMAS, de la délivrance de son récépissé à nos jours, n’a jamais déposé ses rapports d’activités, ni informé l’Administration des changements et modifications
intervenus en son sein.
Cette situation est contraire aux dispositions de la loi relative aux associations ».
Quant à l’AEEM, il lui est reproché de renoncer à sa raison d’être au profit de la violence et d’être une menace pour la sécurité en milieu scolaire et universitaire. « L’AEEM ne défend plus les nobles causes des élèves et étudiants conformément à ses objectifs. Elle a été plusieurs fois accusée d’être responsable de violences et affrontements dans le milieu scolaire et universitaire, caractérisés par de
nombreux accrochages à main armée entre les différents clans de ladite association », précise le
communiqué du conseil des ministres du 13 mars 2024…
Si l’on suit le cheminement qui a conduit à la dissolution de ces structures, force est de constater la détermination du gouvernement à réduire la liberté et la marge de manœuvre de la société civile, voire de la classe politique dans le débat politique, d’où l’inquiétude d’une certaine opinion.
En réalité, cette opinion voit majoritairement dans les actes du gouvernement un musèlement qui ne dit
pas son nom. Par contre, d’autres citoyens encouragent le gouvernement à aller plus loin dans sa logique de dissolution en repensant carrément les conditions de création et d’exercice des structures
politiques notamment les partis politiques qui auraient failli à leurs missions d’éducation et de formation d’un citoyen modèle ; de conquête et de conservation du pouvoir et enfin d’organiser des élections crédibles et transparentes.
Malgré leur nombre et les moyens mis à leur disposition, ils n’ont pas apporté grand-chose à la démocratie malienne, au contraire, les partis politiques ont contribué à enfoncer le clou. Voilà pourquoi ils
sont visiblement sur la liste d’attente des prochaines dissolutions. Alors, franchir le Rubicon pourrait
être une bouée de sauvetage de la démocratie malienne et consacrer du coup la refondation tant attendue de notre pays.
Fakoro Traoré
Source: Le repère