Depuis plus d’une dizaine d’années, l’Organisation patronale des industriels (OPI) ne cesse de clamer haut et fort qu’il y a une nécessité de revoir l’application de certaines dispositions communautaires en vigueur au niveau de l’Uemoa et de la Cédéao parce que, dans leur application, il y a des failles qui faussent le jeu de la concurrence au profit des pays côtiers.
En 2006, lors d’un atelier organisé par l’Unicef à Dakar sur la facilitation et la vulgarisation de l’utilisation du sel iodé par les ménages afin de lutter contre le goitre qui sévissait jusque chez les enfants, la délégation nigériane avait provoqué le tollé, en demandant qu’au niveau des conclusions soit incluse la recommandation relative à la libre circulation du sel, notamment par des exonérations fiscales et l’abattement des tarifs douaniers dans tout l’espace Cédéao.
Le problème, c’est que deux jours auparavant, lors de ce même atelier, le cas du Nigeria était étudié et il apparaissait que ce pays n’était pas une des grandes références en matière de production de sel, mais était surtout un grand client du Brésil d’où provenait le sel qu’il importait afin de le traiter dans ses nombreuses unités de conditionnement.
Il suffit donc pour les pays côtiers, grâce à leurs infrastructures portuaires, d’importer des produits finis en vrac à des conditions très avantageuses pour ensuite les conditionner – parfois du simple ensachage ou mise en bouteille- afin de les déclarer comme des produits fabriqués sur place. En les introduisant ensuite dans le marché communautaire, ils bénéficient ainsi de beaucoup d’avantages concurrentiels, comparativement aux industrielles des pays dits de l’Hinterland qui s’époumonent à assurer leur production par des unités industriels fonctionnant avec de lourdes charges à répercuter sur les prix de vente. C’est une pratique notée au niveau de la quasi-totalité des produits distribués sur le marché malien et en provenance de pays de la Cédéao.
Le mardi 1er de ce mois, lors de la conférence de presse de lancement de la Journée de l’Industrialisation de l’Afrique qui sera célébrée les 19 et 20 novembre 2016 sous la présidence du chef de l’Etat, la question était revenue au cours des échanges et le président de l’Organisation patronale des industriels (Opi) n’avait pas manqué de donner l’exemple d’une huile très consommée sur le marché malien où elle est introduite à partir d’un pays voisin. Cette huile de palme raffinée est importée en vrac à partir de la Malaisie pour être uniquement conditionnée en bouteilles, bidons ou petits fûts sur place dans ce pays voisin. Cela suffit-il pour considérer cette huile comme produite dans l’espace Uemoa, voire dans la zone Cédéao pour lui coller un certificat d’authenticité qui, tel un sésame, lui ouvre toutes les portes des marchés des pays de l’espace communautaire ?
S’y ajoute que sur ces certificats d’authenticité se trouvent le plus souvent mentionnées des valeurs de références qui sont visiblement minorées à volonté pour se situer très en deçà des coûts de production réels de tels produits.
Par cette pratique de manipulation des dispositions communautaires en matière de circulation des produits, des pays côtiers, donc équipés d’infrastructures portuaires en mesure de faciliter les importations de produits en vrac, se retrouvent avec un important parc d’unités industrielles qui ne font que conditionner des produits finis, mais reçus en vrac.
La conséquence de cette concurrence déloyale, c’est le développement industriel des pays côtiers au détriment des pays dits de l’Hinterland devenus de plus en plus le déversoir de leur production.
Il y a donc lieu de revoir, de ce point de vue-là, l’application des dispositions communautaires, notamment au niveau de la délivrance des certificats d’origine. En effet, auparavant, une commission était chargée de la question et était en mesure de s’informer amplement sur le procédé de fabrication de chaque produit concerné, avant de délivrer ce fameux document. Mis depuis que la délivrance de ce certificat d’origine a été lissée à la disposition de chaque Etat-membre de la Cédéao, c’est la porte ouverte aux manipulations et des pays non côtiers comme le Mali en souffrent beaucoup, au point que leurs unités industrielles soient obligées de fermer leurs portes ou de fonctionner très en deçà de leur capacité de production.
Les mesures numéros 5, 9,10 et 17 préconises par l’Opi dans son livre Blanc dont le Tome 2 vient d’être rendu public, prend en charge cette question parmi tant d’autres. Ce qui appelle, de la part des autorités publiques, des réponses pertinentes et urgentes pour sauver le secteur industriel malien profondément atteint par les effets néfastes de ces pratiques déloyales.
A.B.NIANG
Source : Aujourd’hui-Mali