En juillet 2009, l’Etat malien a cédé 51% du capital de Sotelma-Malitel au Groupe Maroc Télécom pour une enveloppe financière de 180 milliards de Fcfa. Cette manne devait contribuer à améliorer l’économie nationale à travers un plan prévisionnel et une stratégie d’utilisation de ces ressources exceptionnelles. Ce plan était composé de huit axes. Malheureusement, beaucoup de citoyens ne savent pas aujourd’hui où sont passés ces fonds. Ont-ils été utilisés comme prévu ? Vivement donc un audit sur l’utilisation des fonds Sotelma-Malitel afin d’éclairer la lanterne des Maliens.
Beaucoup de citoyens maliens veulent savoir aujourd’hui comment les fonds issus de l’opération de privatisation de la Société des Télécommunications du Mali (Sotelma-Malitel) ont été utilisés. On se rappelle que suite à un appel d’offres international, le Groupe Maroc Télécom s’est vu attribuer, en juillet 2009, les 51% du capital dédié à un partenaire stratégique pour un montant de 180 milliards Fcfa. Et la vision de Maroc Télécom, à l’époque, était de conserver et consolider la position de leader sur les segments de la téléphone fixe et Internet et de prendre des parts de marché plus importantes. Pour ce faire, Maroc Télécom ambitionnait d’investir 150 milliards de nos francs sur cinq ans.
Après cette privatisation, l’ex-président de la République, Amadou Toumani Touré, avait une vision très claire sur l’utilisation des 180 milliards de Fcfa. En d’autres termes, c’était une belle occasion pour relancer l’économie. C’est dans ce cadre que le ministre délégué au Budget d’alors, Lassine Bouaré, a présenté le plan prévisionnel et la stratégie d’utilisation de ces ressources exceptionnelles lors d’une rencontre au Palais présidentiel à Koulouba. Compte tenu de l’importance de cette affaire de fonds Sotelma-Malitel et pour une gestion transparente desdits fonds, l’événement a été retransmis en direct sur l’Ortm pour que tous les Maliens aient une idée sur comment ces fonds allaient être utilisés.
Ce plan prévisionnel était composé de huit axes. Le premier visait à l’amélioration du cadre macro-économique. Il s’agissait du paiement de la dette intérieure, notamment les mandats du Trésor émis au profit des opérateurs économiques ainsi que les engagements auprès des banques. Ainsi 40 milliards Fcfa dont 24 pour les opérateurs économiques et 16 pour les banques étaient dédiés à ce chapitre.
Le deuxième axe concernait les activités sources de croissance qui impliquent plusieurs secteurs, à commencer par la jeunesse, l’éducation et l’emploi. Ces domaines devaient bénéficier au total d’une enveloppe de 14 555 000 000 Fcfa. Au titre de l’enseignement supérieur, 7,655 milliards Fcfa devaient permettre la construction d’infrastructures universitaires à Bamako et à Ségou. S’agissant de l’enseignement secondaire, la formation professionnelle et l’emploi, une enveloppe de 6,8 milliards Fcfa était réservée pour dérouler un programme de construction et d’équipement de lycées techniques, d’établissements de formation secondaire dans le domaine industriel, la création d’un fonds de compétitivité pour la recherche et l’appui à l’Agence pour l’emploi des jeunes (Apej).
Dans le domaine de la santé, 2,953 milliards Fcfa étaient prévus pour la construction des hôpitaux de Mopti et de Sikasso et l’appui à l’Assurance maladie obligatoire (Amo).
Le troisième axe était surtout consacré aux infrastructures et aux équipements. Pour ce faire, une enveloppe de 14,610 milliards Fcfa était prévue dans ce volet. C’était destiné à des investissements pour des ponts et des routes, ainsi que des communications et des transports. Le bitumage de la route Bafoulabé-Mahina sur 6 km, la construction du pont sur le Baoulé entre Manancoro et Tienfisso, le bitumage de 5 km dans la ville de Koulikoro afin d’améliorer la voirie, le bitumage de 5 km à Kidal. Sans oublier la construction des voies d’accès à l’Hôpital du Mali à Yirimadio et de celui de Sikasso.
Acquisition de deux bateaux à fond plat
Parlant du quatrième axe, celui-ci concernait l’acquisition d’équipements de reportage pour l’Ortm. Il s’agissait d’un Car régie et 12 caméras pour 1 950 000 000 Fcfa. Un car régie audio-production et reportage à hauteur de 150 millions Fcfa, un fly et accessoires sur véhicule pour 360 millions Fcfa ainsi que la construction d’une station terrienne d’émission à 1 200 000 000 Fcfa. Dans ce volet, il était prévu l’acquisition de deux bateaux, à fond plat pour 3 milliards Fcfa.
Le cinquième axe visait à l’amélioration du cadre de vie. Ainsi, un budget de 23,913 milliards Fcfa était prévu. Il s’agit, entre autres, de la réhabilitation des casernes militaires pour 5 milliards Fcfa, la réalisation du programme de logements sociaux pour 6,5 milliards Fcfa…
Le sixième axe était consacré au financement du développement des petites et moyennes entreprises (Pme et Pmi). Un budget de 10 milliards Fcfa était prévu dans ce chapitre. Il s’agissait de la création d’un fonds de garantie pour le secteur privé, un fonds national d’investissement afin d’offrir aux opérateurs économiques des sources de financement.
Le septième axe concernait les réformes économiques et la gouvernance. Il s’agissait de la réhabilitation de la Banque de l’habitat du Mali (Bhm). Cela en tant qu’outil stratégique de promotion de logement social et de l’habitat en général à hauteur de 5 milliards Fcfa et l’appui au Ravec pour 1 900 000 000 Fcfa. Enfin, le dernier axe concernait aussi des investissements publics en partenariat avec les bailleurs de fonds à hauteur de 36 556 000 000 Fcfa. Il s’agissait de la création d’un pôle de technologie, l’aménagement et le développement du lac Faguibine, du parc industriel de Bamako…
Quelques années après la privatisation de Sotelma, personne ne sait comment ces fonds sont partis. Joint par nos soins, l’ex-ministre délégué du Budget, Lassine Bouaré, nous a tout simplement répondu : “Je ne connais rien dans ce dossier depuis que j’ai quitté le Gouvernement. Je ne sais pas comment ces fonds ont été utilisés après nous”. Apparemment aussi, l’actuel directeur du Budget, Siriki Traoré, n’a aucune information sur cette affaire : “Je ne suis pas au courant de l’utilisation des fonds Sotelma”.
Il est donc temps que le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, ou le Premier ministre, Modibo Kéïta, s’intéressent à ce dossier pour que les Maliens puissent comprendre comment ces fonds ont été utilisés. Cela passe obligatoirement par un audit effectué soit par le Bureau du vérificateur général soit par la Section des comptes de la Cour suprême ou d’autres structures mieux indiquées.
Affaire à suivre.
A.B. HAÏDARA
Source : Aujourd’hui-Mali