Notre pays a perdu un de ses valeureux fils, dont le mérite a été reconnu et salué par tous. Il a été un modèle d’humilité,
d’abnégation, de courage, mais aussi un fin négociateur dans la crise de l’école.
La Nation malienne a rendu, hier, au Centre international de conférences de Bamako (CICB) un dernier hommage au ministre de l’Éducation nationale, Dr Témoré Tioulenta, qui s’est éteint, le vendredi dernier, à la suite d’une maladie. La cérémonie était présidée par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, en présence du Premier ministre Boubou Cissé, des membres du gouvernement et d’une foule de parents, de collègues, d’amis de l’illustre disparu, mais aussi d’élèves et d’étudiants.
C’était une matinée calme où, même le soleil qui diffuse généralement ses rayons brûlants en cette heure de la journée avait du mal à se tirer de sa torpeur comme si l’astre céleste compatissait lui-même à la douleur du pays tout entier.
À son arrivée, le chef de l’État, accueilli par le Premier ministre, a effectué la revue des troupes, avant de s’installer à la tribune officielle devant laquelle était posée, sur un catafalque, la dépouille mortelle du ministre de l’Éducation nationale. Au rythme de la musique funèbre exécutée par la Fanfare nationale, le président de la République, Grand maître des Ordres nationaux, a décoré le défunt à titre posthume de la médaille de Commandeur de l’Ordre national du Mali. Dans une ambiance empreinte d’une grande émotion, le président Keïta a prononcé quelques mots : «C’est Toguéré Coumbé, ton village natal et tout le Mali qui te pleurent, dors en paix, cher Témoré Tioulenta».
Ensuite, le Grand chancelier des Ordres nationaux, le général de brigade, Amadou Sangafourou Guèye, a salué les qualités de l’illustre disparu. «C’est un autre de ces grands hommes intègres, discrets, professionnels jusqu’au bout des ongles ; un autre produit de la formation malienne, celle issue de la fameuse réforme de 1962 qui vient de nous abandonner au moment où nous avions le plus besoin de ses compétences, de sa sagesse, de sa pondération et de son talent inné de négociateur, pour apporter la paix et la sérénité à notre école».
Dans une oraison funèbre, le ministre de la Communication, chargé des Relations avec les Institutions et Porte-parole du gouvernement, a rappelé les qualités du l’illustre disparu. Yaya Sangaré a souligné que Dr Témoré Tioulenta a été, pour lui, un collègue du gouvernement et un camarade du parti Adema-PASJ, au parcours et aux qualités appréciés de tous. «Il s’en est donc allé comme il a vécu, humblement, toujours avec cette rage de vaincre les adversités qui le caractérisaient si bien», a rappelé le Porte-parole du gouvernement.
Yaya Sangaré a révélé qu’on le savait souffrant depuis quelques moments mais, tirant sa force de sa pudeur habituelle, jamais il ne s’était plaint de sa maladie. Bien au contraire, il aura tenu jusqu’au bout.
Il avait activement participé à l’Espace d’interpellation démocratique du 10 décembre dernier et aux assises nationales du Dialogue national inclusif (DNI) tenues le même mois. «La perte pour le pays est donc immense et notre douleur infinie, parce qu’avec Dr Témoré Tioulenta, c’est la troisième fois que le gouvernement, depuis la révolution de mars 91, perd ainsi un ministre en fonction, après Boubacar Sada Sy et Mohamed Lamine Traoré, respectivement ministre de la Défense et des Anciens combattants et celui de l’Éducation nationale d’alors. Puisse la liste s’arrêter là, mon Dieu !», a prié le ministre Sangaré.
Dr Tioulenta connaissait bien le Mali, ayant traversé les rivières, arpenté les sentiers sinueux de nos campagnes et bravé des intempéries pour se hisser à ce niveau de responsabilité. «Il connaissait le monde de l’éducation, du plus haut cadre au plus humble de ses serviteurs et savait traiter chacun avec courtoisie et égard», a témoigné le ministre en charge de la Communication, ajoutant que le défunt était un homme de synthèse intellectuelle, un éducateur de classe exceptionnelle, un professeur d’université, un parlementaire de premier plan, un ministre dont l’intelligence, la compétence et la force de conviction étaient unanimement respectées et faisaient honneur à notre pays. «Il symbolisait si bien ce qui nous unit et nous rassemble, par-delà nos différences et nos diversités», a indiqué Yaya Sangaré.
Mody Cissé, représentant la famille, Mohamed Lamine Diarra de la Fédération des associations des parents d’élèves, Kinane Ag Gadeda, secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, Pr Tiémoko Sangaré, président l’Adema-PASJ, ont témoigné également des qualités humaines et professionnelles de l’illustre disparu.
Youssouf DOUMBIA
LE PARCOURS DE L’HOMME
Professeur d’enseignement supérieur de classe exceptionnelle, il débuta sa carrière en 1978 à l’École normale secondaire de Badalabougou, comme professeur de lettres, l’année même où, il venait juste de décrocher son diplôme en lettres modernes à l’École normale supérieure de Bamako, après un baccalauréat en série lettres classiques au lycée Askia Mohamed de Bamako, obtenu en 1974. Ambitieux, Témoré Tioulenta s’envola plus tard pour Paris, d’où il revint nanti d’un doctorat (avec la mention très honorable) en sciences du langage, obtenu en 1991, à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris. Ce parchemin lui ouvre les portes de l’enseignement supérieur et il devient, tour à tour, chargé de recherche, puis chercheur au département de linguistique et traditions orales de l’Institut des sciences humaines de Bamako.
Un département qu’il dirigea du reste de 1992 à 1994, année à laquelle, il sera affecté à Mopti, en qualité de directeur régional de l’éducation. En 2000, il est promu chef de cabinet du ministre de l’Éducation nationale par Moustapha Dicko, son ami et camarade du parti.
Deux années plus tard, Dr Tioulenta, devient conseiller technique principal du projet de lutte contre le VIH/Sida dans les programmes de l’éducation de base de la GTZ. En 2006, il fera son come-back dans la haute administration publique comme directeur de l’Académie d’enseignement de Kati, avant d’être élu député à l’Assemblée nationale au cours de la législature 2007-2013. Appelé au gouvernement en mai 2019 comme ministre de l’Éducation nationale, il a engagé de grands chantiers pour le redressement de l’école.
Il voulait pour notre pays une école plus performante et plus compétitive avec plusieurs initiatives innovantes courageuses. Il s’est battu pour le retour de certains fondamentaux dans nos écoles.
En témoigne cet appel au redressement de l’école malienne : «Il faut aller au redressement de l’école malienne. Cela passe par le retour à l’ordre et à la discipline, c’est-à-dire, le respect des élèves envers les professeurs et les enseignants, et le respect dû aux lois de la République et au règlement intérieur de l’école. Car on ne peut pas construire un pays dans la défiance de l’élève au professeur».
Il a à son actif plusieurs œuvres, (études, enquêtes et travaux) dont les plus connues sont : «Analyse des besoins de formation du personnel enseignant du Mali », (PRODEC – ACDI TECSULT), 1999 ; «Enquête sur le Sida et société dans la Région de Mopti», Institut de recherche pour le développement en 1994, «Enquête sur la situation socioéconomique des femmes de Gavinané», Cercle de Nioro ; «La poésie peule du Macina», Notre librairie n°74 en 1992 ; et «Les emprunts lexicaux du Peul au Bambara et au Français : aspects sociolinguistiques et problématique d’intégration», «Sammburu Bilaali». Il a écrit bien d’autres œuvres littéraires.
Témoré Tioulenta a eu une riche expérience politique et associative. Il a été membre fondateur du Bureau d’études et de réalisations, Sahel Consult en 1996, et secrétaire général de Tabital Pulaaku, l’Association des amis de la culture peule ; président de l’Association pour le développement de la Commune de Toguéré Coumbé (ADCTC), de l’Association pour le développement du Cercle de Ténenkou (ADCT), de l’Association pour le développement durable du Delta (A3D) ; premier vice-président de la Coordination des associations des ressortissants des cercles de la Région de Mopti, résidant à Bamako (CAREMB). Il fut aussi secrétaire aux relations extérieures du Collectif des ressortissants du Nord (COREN) ; député à l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire de l’ADEMA-PASJ (législature 2007-2013).
Il a été également secrétaire général adjoint du Comité exécutif de l’ADEMA-PASJ ; premier vice-président du secrétariat exécutif de la Convention des partis politiques de la Majorité présidentielle (CMP), puis de la Plate-forme «Ensemble pour le Mali».
Y. D.
Source: Journal l’Essor-Mali