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Disparition de Abdoul Sy : UNE DES DERNIERES GRANDES VOIX DE RADIO-MALI S’EST ETEINTE

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Avec une voix captivante, Abdoul Sy déclamait les slogans et éditoriaux de Radio-Mali en puisant dans les discours et interventions du président Modibo Keita

« Camarades, un seul mot d’ordre doit désormais nous guider dans notre action. C’est la chasse aux ennemis de notre option. La chasse à ceux qui, sous le couvert des déclarations plus ou moins démagogiques avec lesquelles ils ne sont d’ailleurs pas d’accord, pensent ainsi endormir notre peuple, tromper notre vigilance, s’installer dans toutes nos institutions, afin de pouvoir, au moment opportun, trahir nos 20 années de lutte farouche, faite de sacrifices de tous ordres. 20 ans d’une lutte que l’on ne saurait jamais dissocier de l’indépendance de toute l’Afrique ». Ces propos de galvanisation militante, tenus par le président Modibo Keita dans ses envolées de défense de la « Révolution active » (1966-1968), étaient fréquemment cités et récités sur les ondes de Radio-Mali, par l’incomparable éditorialiste Abdoul Sy.

Lus et rendus avec solennité par une voix captivante, les éditoriaux de Abdoul Sy étaient une parfaite illustration de la formule, « un homme, une voix ». Il a tellement subjugué les  auditeurs des années 60 que, de nos jours encore, nombreux sont de ceux-ci à pouvoir réciter avec enthousiasme les slogans et les éditoriaux magistralement déclamés par une voix prenante, assénant le poids des mots de persuasion.

Une voix atypique qui savait aussi relayer les slogans moralisateurs comme : « Trois sortes de voleurs sont recherchés par la police : les bandits qui attaquent la nuit; les commerçants qui font le trafic; le client des trafiquants. Toi, quelle sorte de voleur, es-tu ? ». Des slogans qui témoignent de l’engagement des journalistes militants dans l’air du temps d’alors. Un « bon vieux temps » vécu par les hommes de radio comme le célèbre Abdoul Sy, Abdou Gassama et Abdoul Karim Dravé. On les appelait « les 3 Abdou » de Radio-Mali. Abdou Gassama est décédé vers la fin des années 1980 et Abdoul Karim Dravé le 4 décembre 2015. Un peu plus de trois mois seulement après, son « complice » Abdoul Sy s’est éteint le 31 mars dernier.

Bien avant, on n’entendait plus cette envoûtante voix radiophonique depuis le départ à la retraite de Abdoul Sy en 1980. Cette belle voix de radio s’est donc définitivement tue le 31 mars dernier, des suites d’une longue maladie. Il avait 95 ans. Dans l’oraison funèbre qu’il a prononcée lors des obsèques de Abdoul Sy, le Grand chancelier des ordres nationaux, le colonel Djingarey Touré a rendu un vibrant hommage à  l’illustre disparu dont les valeurs intrinsèques et les immenses qualités sont indéniables.

UNE VIE PROFESSIONNELE BIEN REMPLIE. Né le 13 janvier 1922 à Kayes, Abdoul Papa Sy a eu une vie professionnelle bien remplie. Après une scolarité primaire à Kayes et à Saint-Louis au Sénégal, il poursuit ses études en France. Abdoul Sy est mobilisé sous les drapeaux vers la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1944. Après la libération, Abdoul Sy retourne sur les bancs et décroche un diplôme en lettres modernes à Paris et un parchemin en journalisme à Bordeaux.

En 1947, avec le Guinéen Fodeba Keita, il monte à Paris la célèbre troupe culturelle « Les Ballets africains ».  En 1950, Abdoul Sy devient le correspondant permanent à Moscou du journal du Parti socialiste danois,  « Demokratiken » au  compte duquel il réalise un reportage de guerre en Corée du nord, début 1953.

Il rejoint ensuite la capitale française où il est, pendant quelques mois, reporter à Radio-Paris puis à Radio Europe N°1 tout en militant activement dans le mouvement de jeunesse du Parti communiste français. Fin 1953, il regagne l’Afrique et le centre de radiodiffusion de Saint-Louis où il présente le Journal parlé en langue peul et anime des émissions telles les « Infos services » (sur les vols des avions, les départs et arrivées de l’autorail Dakar/Saint-Louis, etc.), le « Carnet Saint-louisien » (panorama de la vie politique et sociale) et le « Disque des auditeurs ». En 1954, il est nommé directeur de Radio-Saint-Louis qui couvre désormais les territoires du Sénégal et de la Mauritanie. De là, il fréquente le studio-école de la Société de radiodiffusion de la France d’Outre-Mer (SORAFOM), chargé d’assurer la formation accélérée des journalistes et techniciens africains. Abdoul Papa Sy fait partie, en 1955, des premiers pensionnaires de ce studio-école.

La formation supplémentaire acquise renforce ses capacités managériales à la direction de Radio-Sénégal toujours sous la tutelle du colonisateur. Abdoul Sy quitte ce poste suite à une brouille avec le leader socialiste sénégalais Léopold Sedar Senghor, sur la campagne référendaire de septembre 1958 sur la Constitution de la Vème République française déterminant les nouveaux rapports entre la métropole et les colonies africaines. Fin 1958, il rallie Conakry sur invitation de son camarade de promotion de lycée, Me Demba Diallo, devenu directeur de cabinet du président Sékou Touré. En 1958-1959, le journaliste soudanais est rédacteur en chef, puis directeur de Radio-Guinée. Sa carrière professionnelle est momentanément interrompue à cause du déplacement de sa famille parentale en Mauritanie (1959-1961).

Quelques mois après l’accession à l’Indépendance du Mali, Abdoul Sy retourne au bercail en 1961, grâce à la sollicitude du même Me Demba Diallo, alors conseiller du président Modibo Keita. Nommé rédacteur en chef de Radio-Mali, il assume (1961-1962 puis 1964-1968) les responsabilités de la présentation du Journal parlé, des éditoriaux et des slogans attribués au président Modibo Keita. Entretemps, de 1962 à 1964, il est aux côtés du ministre Mamadou Gologo, secrétaire d’Etat à l’Information et au Tourisme comme directeur de cabinet. À la même période, il participe à la création de l’Union nationale des journalistes du Mali (UNAJOM) dont il devient le premier secrétaire permanent.

PLUSIEURS DISTINCTIONS HONOROFIQUES. À son retour à Radio-Mali en 1964, il est désigné directeur des programmes. A la chute de Modibo Keita, le 19 novembre 1968, les militaires qui ont investi les locaux de la Radio ont systématiquement détruit et brûlé une grande quantité des archives sonores en bande magnétique, notamment les interventions et discours présidentiels ainsi que les enregistrements des éditoriaux et slogans d’Abdoul Sy. Celui-ci aura la vie sauve grâce à l’altruisme d’un diplomate de l’ambassade du Sénégal à Bamako qui a pu mettre l’infortuné éditorialiste dans une planque pendant près d’un mois.

Après un temps d’effacement, il revient sur scène. Il est promu au ministère de l’Information au poste de conseiller culturel. C’est à ce titre, au début des années 1970, qu’Abdoul Papa Sy va présider la Commission interministérielle chargée de la presse rurale. Après son second passage dans le même cabinet ministériel, l’ancien éditorialiste revient à Radio-Mali, en 1974, sans responsabilité éditoriale particulière. Il y reste quelques années au terme desquelles il fera valoir ses droits à la retraite en 1980. Abdoul Sy a reçu plusieurs distinctions honorifiques : Officier (1980), Commandeur (2003) et Grand officier (2011) de l’Ordre national.

 Il n’y a pas longtemps, les générations actuelles ont pu mesurer le talent oratoire du doyen Abdoul Sy à l’occasion la célébration du cinquantenaire de Radio au Mali. Pour la circonstance, la Radio Nationale a diffusé, le 7 septembre 2007, une « Grande Édition Spéciale » du Journal Parlé, présentée par l’inimitable Lamine Coulibaly (paix à son âme !). C’est Abdoul Sy, en direct dans le studio, qui est chargé de lire le  texte de l’éditorial préparé par la direction de l’ORTM. C’était, en fait, sa dernière véritable prestation radiophonique. Depuis, on n’a presque plus entendu sa belle voix. Depuis son départ à la retraite, il se consacrait essentiellement aux activités de l’Amicale des anciens de l’Information dont il a été président actif puis président d’honneur à vie. La même considération lui a été accordée par les responsables de la Fédération nationale des associations des retraités du Mali.

Abdoul Sy s’en est ainsi allé, le 31 mars, pour le voyage sans retour. Plongeant plus d’un Malien dans la douleur et la tristesse bien exprimées dans les témoignages très émouvants des anciennes présentatrices Aissata Cissé et Sadio Touré, deux collaboratrices de Abdoul Sy des années 1960. Il repose au cimetière de Hamdallaye, là même où dort en paix son camarade-président Modibo Keita.

Paix éternelle à toi, papa Abdoul Sy !

                                                                                            Issa DOUMBIA

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