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Discorde après le remaniement ministériel : Les militaires mettent leurs godasses dans le plat de la Transition

Faut-il désespérer des militaires de Kati, qui n’en finissent pas de s’illustrer ?

Le lundi dernier dans l’après-midi, des soldats ont fait irruption dans la résidence officielle du Premier ministre, Moctar Ouane, qu’ils ont trimbalé manu militari chez le président de la Transition, Bah N’Daw, dont la cour est mitoyenne. Les deux ont ensuite été conduits sous bonne escorte au camp Soundjata de Kati, à la périphérie de Bamako.

Simple mouvement passager ou  coup d’État dans le coup d’État comme le laissait présager la nature des événements? Jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse cet article, on se posait encore la question avant que la décision de destitution du président et de son PM ne soit officielle « pour non respect de la charte de la transition ». On apprenait dans le même temps que le médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour le Mali, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, était hier mardi à Bamako.

Une chose est sûre, cette situation confuse avait  un lien direct avec la formation du nouveau gouvernement dont la composition a été rendue publique quelques heures plus tôt.

Fait notable dans cette nouvelle équipe Ouane, l’entrée dans l’appareil d’État de plusieurs partis politiques dont l’Union pour la République et la démocratie (URD), l’un des fers de lance du Mouvement du 5-Juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui obtient 2 ministères. Des groupes armés de l’ex-rébellion ou proches du pouvoir obtiennent également des portefeuilles ministériels.

Faut-il le rappeler, la classe politique était divisée sur la conduite à tenir au sujet de ce remaniement et de cette ouverture gouvernementale.

Mais le fait le plus marquant et qui a été le plus décisif dans la suite des événements est sans conteste le départ des colonels Sadio Camara et Modibo Koné, tous deux membres de la Garde nationale et des éléments-clés de la junte,  respectivement de la Défense et de la Sécurité. Ils ont été remplacés par les généraux  Souleymane Doucouré et Mamadou Lamine Ballo.

Les deux portefeuilles de la discorde

À peine rendu public, le gouvernement II du Premier Ministre Moctar Ouane de la transition, a fait l’objet  d’une tension entre les autorités politiques et militaires. À l’origine de cette discorde,  le départ de leurs postes de deux ministres colonels, tous deux membres de la soldatesque de Kati.

D’abord, au  niveau du Ministère de la Défense et des anciens Combattants, du Secrétariat général du département,  le Général de Brigade Souleymane Doucouré, est promu et remplace son ministre,  le colonel Sadio Camara. Un putsch ? S’interroge-t-on.

Membre de la défunte junte à l’origine du coup d’État du 18 août 2020, le colonel Sadio Camara n’est pas le seul putschiste à faire ses cartons au niveau de son département ministériel. De la même manière, le colonel Modibo Koné n’est plus membre de l’équipe du gouvernement II de Moctar Ouane.  Il  laisse son fauteuil de ministère de la Sécurité et de la Protection civile au Général de division Mamadou Lamine Ballo qui eu à occuper dans le passé, le poste de Secrétaire général du ministère de la Défense et des anciens Combattants.

Deux nominations qui, dit-on, ont suscité des bourdonnements au sein de la grande muette. Les partants n’auraient pas été informés de leur départ et ne pouvaient en aucune façon s’y attendre pour avoir été les cerveaux des  événements du 18 août 2020 au Mali.

La tête du Président Bah N’Daw et du PM Ouane mise à prix

Selon des informations,  la liste des membres du nouveau gouvernement qui avait été validée au départ aurait subi une modification partielle. Et au finish, ce ne sont que 25  ministres qui se retrouveront sur la liste officielle du gouvernement  rendue publique, à la stupéfaction générale des militaires dont le Vice-président de la transition, le colonel Assimi Goïta lui-même. D’où l’arrivée, dans la soirée du lundi dernier, de Bah N’Daw et du Premier ministre au camp Soundjata de Kati, pour  être « placés hors de leurs prérogatives »,  dans la journée d’hier mardi. Depuis, les commentaires vont bon train.

Pour Alioune Guéye, le Président du RENAJEM qui s’est prononcé sur la situation à travers les réseaux sociaux, « Il faut soutenir nos colonels patriotes pour la prise en main de notre destin »Il martèle : « Le Duo DAO- OUANE ont joué à l’inclusivité mais à l’arrivée, le Gouvernement d’Ouverture n’a pas respecté les principes de l’inclusivité surtout avec l’absence de la principale force de changement le M5 RFP. Avant de soutenir : « Nous savons tous que le Colonel Sadio CAMARA est un pro Russe, discret et efficace. Qu’est ce qui expliquerait son éviction du Gouvernement d’inclusivité ? »

Et Guéye d’ajouter : « Les maliens doivent s’informer sur ce qui se passe réellement au lieu de nous laisser aller avec des émotions. Le Mali est devenu un champ d’expérimentation politique et économique des puissances occidentales. Aucun démocrate ne soutiendra un coup d’État ou un coup de force mais ce qui est en jeu actuellement c’est la survie de notre pays et non une question de place. C’est pourquoi nous devons tous soutenir notre armée dans sa démarche de rectification du trajectoire de la transition ».

De son côté la communauté internationale s’est prononcée sur la situation et exige la libération des  personnalités arrêtées.  Mais une certitude: selon toute vraisemblance, la destitution du Président de la Transition et de son Premier ministre serait liée à ces évictions, même si la soldatesque conservait les 4 portefeuilles majeurs que sont la Défense, la Sécurité, l’Administration territoriale et la Réconciliation nationale.

Complication du respect des délais de la Transition

Doit-on donc désormais craindre  un coup d’arrêt de cette transition malienne qui n’avait plus que 10 mois pour arriver à bon port? Sur pression de la CEDEAO, la junte, qui avait fait main basse sur les principaux leviers du pouvoir, avait en effet été contrainte de tenir dans un délai de 18 mois pour le retour à une vie constitutionnelle normale avec notamment la tenue de l’élection présidentielle, prévue entre février et mars 2022. Des mois qui risquent d’être plus longs que les 10 premiers mois passés au regard de la tension en cours dans le pays. Cette situation de discorde, et c’est peu de le dire,  pourrait compliquer davantage le respect des délais de la Transition.

Quoi qu’il en soit, c’est regrettable de voir tous ces galonnés passer le temps à se disputer les privilèges et les morceaux les plus viandeux de la République, toute honte bue, pendant que le pays est livré aux hordes terroristes et rongé par des conflits communautaires. En tout cas, à travers cette méthode qu’ils viennent de faire, les militaires donnent la preuve qu’ils sont plus tentés par des intérêts personnels que par le souci d’œuvrer à sortir le Mali de sa situation actuelle.  Cette nouvelle poussée de fièvre à Bamako intervient alors qu’a débuté le lundi dernier une grève de 5 jours à l’appel de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), la centrale syndicale, après une autre de la même durée la semaine dernière. Une grève qui paralysait déjà l’activité socio-économique du pays. Si la mauvaise humeur kaki doit s’y ajouter… c’est dire que le respect des délais de la transition au Mali n’est plus sûr.

Jean Pierre James

Source: Nouveau Réveil
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