L’Etat Malien perd chaque année une centaine de milliards de francs CFA. Cette perte, on peut le dire, est due à la mauvaise gestion de l’argent public, la malversation, la fraude, la corruption. Pour pallier la situation, plusieurs structures ont été créées mais qui restent insuffisantes et inefficaces. Aujourd’hui, l’une de ces structures, qui veille à la bonne gestion des affaires publiques, est le Bureau du Vérificateur général. Créé en 2003 par le régime d’Amadou Toumani Touré, ce Bureau produit chaque année un rapport, qui fait l’état de lieu des structures étatiques et services bénéficiaires de l’argent de l’État.
Le rapport annuel 2015 publiée dans le mois d’octobre 2017 fait la synthèse de 16 vérifications financières. Au total, 23 structures, comprenant une Institution de la République, des services de l’Administration centrale y compris des Directions des Finances et du Matériel, des Autorités Administratives Indépendantes, des organismes personnalisés et des sociétés à participation étatique, ont été vérifiées. Ces vérifications ont donné des déperditions financières qui se chiffrent à 70,13 milliards de FCFA dont 32,78 milliards de FCFA en fraude et 37,35 milliards de FCFA en mauvaise gestion.
Dans ce rapport, nous avons voulu faire sortir le cas de la Direction générale des Douanes à travers son bureau des produits pétroliers. Notons que les droits et taxes perçus au cordon douanier représentent une part significative du budget de l’Etat. C’est pourquoi, il est primordial de maîtriser leur assiette imposable et d’en assurer un recouvrement optimal. La structure des importations comporte deux grandes catégories : les marchandises dites « solides » et les produits pétroliers. Ces derniers contribuent chaque année pour près du quart des recettes douanières globales et font généralement l’objet, à cause de leur extrême sensibilité, d’une fiscalité spécifique. A la suite de la crise ivoirienne, le Mali a fait de son ravitaillement correct en hydrocarbures une priorité stratégique. La densification du réseau routier et la diversification des sources d’approvisionnement participent de cette volonté d’autonomisation dans un environnement international erratique et bien souvent défavorable. Pour cerner cet intense trafic, il est important de s’assurer de la traçabilité et de la régularité de toutes les opérations qui l’alimentent.
Par ailleurs, le rapport indique que le Vérificateur Général a exécuté de nombreuses missions de vérification de droits et taxes exigibles sur les produits pétroliers. Celui-ci portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014, a concerné l’axe sénégalais dont la particularité est d’être non seulement le plus sollicité statistiquement (60% environ de l’ensemble des opérations effectuées dans le sous-secteur), mais aussi le seul représentatif des deux modes de transport (routier et ferroviaire) pratiqués pour l’approvisionnement du pays en produits pétroliers.
C’est ainsi qu’à l’issue de l’exercice 2014, le BPP a recouvré 88 milliards de FCFA au titre du budget d’État contre 79 milliards en 2013. Les perceptions de droits et taxes sur les produits pétroliers ont ainsi connu une progression de 11,39%, mais elles sont restées inférieures aux objectifs quantifiés poursuivis qui étaient de 92 milliards de FCFA.
« La vérification des importations d’hydrocarbures sur l’axe sénégalais a relevé de nombreux dysfonctionnements dans le contrôle interne ainsi que des irrégularités financières », nous a dit le rapport. A ses dires, ces cas de violation de la réglementation douanière se sont caractérisés par des manquements dans le suivi et la supervision des opérations, les irrégularités financières relevées dans les importations de produits pétroliers. Et, ces manquements s’articulent autour de la Direction générale des Douanes, en passant par le Bureau des Produits Pétroliers (BPP) ; le (BIVAC) Bureau Inspection Valuation Assessment Control (Bureau d’Inspection et de Contrôle).
Le total des irrégularités dans ces importations de pétroles s’estime à 56 116 716 565 francs CFA. Les fraudes se totalisent à 28 644 852 032 de francs CFA. Il s’agit de 22 700 016 759 de francs CFA, sur les chargements d’hydrocarbures expédiés de Dakar sur le Mali ayant fait l’objet de dissimulations, de 875 413 211 de francs CFA sur les chargements d’hydrocarbures expédiés de Dakar sur le Mali ayant fait l’objet de dénaturations frauduleuses, de 5 069 422 062 de francs CFA sur les chargements d’hydrocarbures enregistrés au BPP ayant fait l’objet de dissimulations, de minorations ou de dénaturations frauduleuses.
Concernant la mauvaise gestion, le total s’estime à 27 471 864 533 de francs CFA. Il s’agit de la mauvaise gestion sur les exonérations injustifiées à EDM-SA, estimée à 11 678 587 516 francs CFA, de 10 032 513 756 de francs CFA sur le taux réduit de TIPP irrégulièrement appliqué, de 423 784 845 de francs CFA sur les mises en entrepôt non apurées, de 4 532 430 695 de francs CFA de redressements irréguliers et enfin de 804 547 721 de francs CFA sur les remboursements irréguliers de droits et taxes.
Ainsi, il est à souligner que la dénonciation des faits par le Vérificateur général au Directeur général des douanes relative aux : chargements d’hydrocarbures expédiés de Dakar sur le Mali ayant fait l’objet de dissimulations pour 22,70 milliards de FCFA, aux chargements d’hydrocarbures expédiés de Dakar sur le Mali ayant fait l’objet de dénaturations frauduleuses pour un montant de 875,41 millions de FCFA, aux chargements d’hydrocarbures ayant fait l’objet de déclarations frauduleuses pour 5,07 milliards de FCFA.
« Il faut prendre urgemment les mesures nécessaires, au regard des manquements relevés, pour assainir davantage la gestion peu orthodoxe qui est faite des importations des produits pétroliers en provenance du Sénégal, en vue d’optimiser leur énorme potentiel fiscal. Les manquements relevés sont relatifs, entre autres, à la non-production de rapports fiables sur les statistiques pétrolières, à l’exercice irrégulier de la profession de commissionnaire en douane et à des contrôles défaillants lors des opérations de transit ainsi que la non-application de sanctions prévues en cas de délit douanier. A titre illustratif, des opérateurs pétroliers ont pu procéder à des dissimulations frauduleuses d’importation ayant entraîné des droits et taxes compromis d’un montant de 22,70 milliards de FCFA. Ainsi, les différentes faiblesses ont eu pour conséquence, notamment, des pertes financières pour l’Etat d’un montant de 58,07 milliards de FCFA au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 », souligne le rapport.
B. KONE
Source: Le Fondement