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Dicko: les confessions d’un Imam

Dans une interview accordée à APAnews qui l’a rencontré, à Bamako, une dizaine de jours après la chute du Président IBK, l’Imam Mahmoud DICKO rappelle son soutien à celui qui, à ses yeux, était l’homme providentiel, sa disponibilité à prendre contact avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa pour le retour de la paix au Mali. S’il réitère qu’il n’a aucune ambition d’un poste politique, il n’assène pas moins qu’en tant que citoyen, il interviendra dans le débat public quand cela s’avérera nécessaire. Les raisons de son divorce avec l’ancien Président, la priorité pour le pays, la durée de la transition, le choix d’une personnalité civile intègre, la laïcité sont autres sujets abordés. Avant de mettre en garde la junte militaire contre une gestion solitaire des affaires publiques.

 

Beaucoup s’interrogent sur les relations souvent conflictuelles, mais souvent très cordiales entre l’ancien Président IBK et son frère l’Imam Mahmoud, autorité morale du M5-RFP qui a porté la contestation durant presque trois mois dans la rue. Il opine sur le coup d’État qui a renversé le Président IBK, le 18 août dernier : « vu son bilan et la situation du pays, l’intervention des jeunes officiers pour obliger IBK à quitter le pouvoir est un acte salutaire. Autrement, le pays allait droit dans le mur ».

Une amitié tumultueuse
L’Imam qui a eu souvent à le dire ne s’en cache : en 2013, il a fermement soutenu le candidat Ibrahim Boubacar KEITA. Mais, ce n’était pas un soutien aveugle, comme il l’explique : « je l’ai absolument soutenu lors de sa première élection en 2013. À l’époque, j’étais convaincu que c’était l’homme qu’il fallait au Mali pour ramener la paix et mettre le pays sur les rails ».
Mais, après l’élection du Président IBK, des dissensions sont apparues entre les deux personnalités sur bien des sujets et pour bien des raisons. L’Imam DICKO confie à APAnews : « IBK a été élu sur des promesses claires, comme la lutte contre la pauvreté, le retour de la paix, la sécurité et la réconciliation nationale. Aucune de ces promesses n’a aujourd’hui été tenue. Les Maliens souffrent toujours de la pauvreté, de la corruption, de la gabegie et les détournements des biens publics ont atteint des niveaux jamais vus. Le pays n’a pas été réunifié, la paix n’est jamais revenue et l’insécurité s’est d’ailleurs étendue à une grande partie du pays où les communautés s’entretuent ».

Le dialogue avec les jihadistes
Médiateur une fois, médiateur toujours ? Mahmoud DICKO fait partie des personnalités nationales partisanes de la politique de la main tendue aux jihadistes maliens. Mi-2017, ce chef religieux respecté avait été mandaté par l’ex-Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga pour mener une mission de « bons offices » à Kidal, où l’État était alors absent, et dans le Centre, où les groupes jihadistes ne cessaient d’étendre leur influence. Déjà, durant la Transition de 2012-2013, il était très impliqué dans le rapprochement de positions officielles de celles de chefs jihadistes. À sa réponse à APAnews, il est constant sur le dialogue qui a d’ailleurs été recommandé par différentes instances nationales. « Ils sont Maliens non ? Ce sont des fils de ce pays et on doit bien évidemment leur tendre la main. La violence n’a jamais rien réglé. Je ne cache pas que je suis bien partisan d’une discussion avec eux. Si on me le demande, je suis prêt à aller les voir. La paix dans mon pays vaut bien tous les efforts que je peux faire », justifie le religieux.

Aucune ambition politique
L’Imam est-il intéressé par une participation au gouvernement de transition qui sera bientôt mis en place ? Il répond sans ambages : « je ne serai jamais candidat à aucun poste politique. Même si on m’oblige, je ne serai jamais président du Mali. Je suis Imam et je reste Imam », jure-t-il, précisant que « cela ne veut pas dire que je ne vais pas intervenir dans le débat public quand cela se justifie ».
Mahmoud DICKO, qui aime répéter qu’un « Imam est aussi un citoyen ayant forcément un avis comme tout Malien », a été questionné sur la durée de la Transition, alors que la CEDEAO fixe un délai de 12 mois au plus et qu’au plan national l’opinion est très divisée sur la question. Voici son avis : « trois ans, c’est trop long. Un an, c’est trop court. Quand on analyse objectivement la situation dans laquelle se trouve le Mali, je crois que l’idéal serait une transition de 18 mois. C’est assez suffisant pour faire l’état des lieux du pays et choisir la voie consensuelle dans laquelle le Mali doit s’engager. C’est juste une question de raison », plaide-t-il.
Préfère-t-il un président de transition civil ou militaire ? « Si cela dépend de moi, une personnalité civile intègre et respectée est le meilleur choix. Mais les militaires ont tout de même le droit de participer au gouvernement de transition. Ils ont joué un rôle important en parachevant cette révolution populaire que nous avons lancée en juin. Ils ont donc le droit de participer à la gestion de la période de transition, surtout qu’ils sont aussi Maliens comme nous autres civils », explique-t-il.

Pas de République islamique
Mahmoud DICKO que ses détracteurs accusent de travailler pour l’avènement d’une « République islamique au Mali », souhaite-t-il que la nouvelle transition débouche sur des réformes qui accordent plus de place à l’Islam dans la Constitution et les lois du pays ?
« Très honnêtement, j’estime que la question ne se pose pas aujourd’hui au Mali. Même si nous sommes à 99 % musulmans, ce n’est pas une priorité pour les Maliens d’évoquer la laïcité ou la question religieuse. J’estime que tout le monde a sa place dans ce pays. Personnellement, j’ai les meilleures relations possible avec toutes les obédiences religieuses, et je l’ai même répété plusieurs fois aujourd’hui devant le public », dit-il en allusion aux hommages appuyés qu’il a rendus quelques heures plus tôt devant ses partisans aux autres chefs religieux musulmans et à l’archevêque de Bamako.
« C’est mon frère et il le sait très bien. Ce n’est pas de la langue de bois », insiste-t-il.
« L’urgence pour le Mali est de retrouver un pays normal, avec un président et un gouvernement intègres, honnêtes et qui travaillent pour l’intérêt national et surtout le retour de la paix et la réconciliation nationale. Le reste est secondaire », se défend celui qui aujourd’hui invite « la jeunesse malienne à rester vigilante » et promet que « plus personne n’aura jamais un chèque en blanc pour diriger le Mali ».
S’adresse-t-il au futur président élu ou à la junte actuellement au pouvoir aussi ?
« Je m’adresse aux deux et je mets d’ailleurs en garde les jeunes officiers au pouvoir actuellement contre la tentation d’une gestion solitaire des affaires », assène l’Imam Mahmoud DICKO.

Bertin DAKOUO

Source : INFO-MATIN

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